Picodon : problèmes d'étiquetage et « souchothèque »

C'est par un hommage à la Belgique, suite aux attentats du 22 mars à Bruxelles, que le président du syndicat du Picodon AOP, Philippe Bénézech, a débuté l'assemblée générale, tout simplement en citant la longue liste des fromages belges. Puis, le premier point à l'ordre du jour a porté sur le rapport avec l'Inao à propos du projet de modification du cahier des charges. Ce projet a passé toutes les étapes juridiques, tandis que la date d'échéance concernant le passage au lait cru pour tous est prévue au 31 décembre prochain. Alors que la validation au niveau européen est espérée en fin d'année, un arrêté a été publié au Journal officiel de la République française (JORF) le 26 février dernier.
Nouveau cahier des charges
Pour mémoire, ce nouveau cahier des charges prévoit 100 % de fourrages et céréales provenant de la zone, 30 % des surfaces affectées aux chèvres en multi-espèces et 12 espèces de fourrages en tout, l'obligation du lait cru (dérogation jusqu'en fin 2016 pour Eurial et la fromagerie du Vivarais), la possibilité de faire du Picodon « lavé » en dehors de la méthode de Dieulefit et des explications sur l'étiquetage et sur l'emballage.
En fin de réunion, les adhérents ont évoqué l'augmentation des cotisations en 2016 de 1,5 % (voir encadré), mais aussi la cotisation de 8 € pour la mutualisation des services du technicien fromager. Au passage, le président est revenu sur les non adhérents au syndicat qui utilisent le mot Picodon hors appellation. Une étude a été effectuée en 2015 et il s'agira de limiter l'usurpation, tout en convaincant de nouveaux fermiers du bénéfice qu'ils auraient à adhérer.
Enfin, après une évocation des fêtes de 2015 et celles prévues pour 2016, les personnes présentes ont pu voir les films du webdoc (sur la chèvre, les hommes, la fabrication, le syndicat et les animations) dont l'un des buts est de moderniser l'image du Picodon.
Mais une bonne partie des débats a porté sur deux thèmes bien distincts : le projet de « souchothèque » (voir interview ci-dessous) et l'étiquetage. Gilles Orand (service de protection économique et sécurité du consommateur) et David Lionnet (direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations) ont évoqué tout d'abord un détail, celui de la couleur du logo sur l'étiquette, puis un point beaucoup plus important : le poids affiché.
Un problème de poids
Un Picodon, selon le cahier des charges, a un poids de 60 grammes. Tout le problème est qu'au moment de la vente, le produit a perdu de son poids... L'idée aurait pu être d'indiquer sur l'étiquette une mention du style « au moment de l'emballage » ou « produit sujet à dessiccation », phrases qui viendraient alourdir de petites étiquettes déjà bien pleines a fait remarquer un des adhérents. Cependant, la solution existe : puisque le cahier des charges spécifie bien 60 grammes à l'emballage, mais aussi que le produit est vendu à la pièce, il suffirait de supprimer la mention du poids. Telle est en tout cas la solution qui a été préconisée par le syndicat.
Hervé Barruhet
Repères /
Cotisations 2016
137 € de forfait + 1,93 € par chèvre pour les fermiers.
86,50 € de forfait + 1,93 € par chèvre pour les laitiers.
678 € de forfait pour les entreprises et les affineurs.
61 € la tonne établie sur la production N-1 avec un forfait minimum de 1,1 tonne.
Contrôle des conditions
de production en 2015
- 53 contrôles en interne dont 20 visites de laitiers, 27 de fermiers et 6 de transformateurs et affineurs. Quelques non-conformités pour des problèmes mineurs de traçabilité.
- Habilitation de quatre opérateurs fermiers (dont deux nouveaux et deux changements de collège), deux nouveaux opérateurs laitiers, deux entreprises et un affineur.
« Renforcer le lien au terroir »
Philippe Bénézech : « J'y mettrais d'abord un bémol : certaines entreprises ne transforment pas tout leur lait acheté en appellation. Néanmoins, sur un secteur porteur comme le signe de qualité, il faut installer. Malheureusement, on ne peut pas toujours répondre à la demande. Personnellement, je pourrais vendre deux fois ma production ! Le potentiel est là. Seulement voilà, la première difficulté est l'accès au foncier, même dans les arrières-pays, mais il y a de la place, c'est faisable. Il faut dire qu'on gagne bien notre vie et nous avons un trésor, c'est de travailler sous signe de qualité. Nous avons aussi la stabilité avec un prix correct. »
Ne paie-t-on pas des encouragement à l'installation qui n'ont pas été faits il y a quelques années ?
P. B. : « Oui. Il y a eu une frilosité à tous les niveaux. »
Quelle est la raison de la modification du cahier des charges ?
P. B. : « Le but est de faire de plus en plus de lien au terroir, notamment via l'alimentation des chèvres. Jusqu'à présent nous avions droit à 20 % d'achat hors zone. De plus, si l'éleveur est en mono-alimentation avec des chèvres qui ne sortent pas, on peut imaginer que si la luzerne est drômoise ou ardéchoise, vous pouvez très bien faire du Picodon à Dijon ! Il faut donc réaffirmer ce lien au terroir. Ce nouveau cahier des charges sera validé au premier semestre 2017. »
Une bonne partie des débats a porté sur votre projet de « souchothèque ». En quoi consiste ce projet ?
P. B. : « C'est une collection de ferments de micro-faune et micro-flore spécifiques à la fabrication du Picodon. Il s'agit donc du petit lait qui peut être local en le gardant d'une année sur l'autre, ce qui va donner le levain, soit on utilise du ferment du commerce. Nous allons faire un recensement. L'objectif est de faire encore plus de liens au terroir et de protéger une micro-flore et une micro-faune qui est en voie d'abandon. Il y a de moins en moins d'agriculteurs, de moins en moins de gens qui travaillent avec des ferments endémiques et le risque est qu'ils disparaissent. »
Une partie de ce débat a porté sur l'importance que cette souchothèque soit réservée aux adhérents. En quoi est-ce important ?
P. B. :: « Je ne pense pas que beaucoup de collègues d'autres appellations soient intéressés par un détournement d'une souche drômo-ardéchoise. C'est surtout pour moi un vecteur pour faire adhérer les producteurs dans l'AOP. Par contre, il faut protéger notre souche d'une exportation extra-territoriale. »
Le processus va être long ?
P. B. : « Quatre ans pour fabriquer la collection entre les analyses et les essais. Après, nous aurons probablement quatre années supplémentaires pour la multiplier, la diffuser et la vendre. »