Picodon : une souchothèque à l'horizon 2018

Avec près de 470 tonnes par an (soit près de 8 millions de fromages), la production de picodons suffit aujourd'hui à approvisionner les départements de la Drôme et de l'Ardèche. Mais ce fromage de chèvre régional pourrait un jour dépasser ces frontières et pénétrer de plus grandes agglomérations, telles Grenoble ou encore Lyon. Cela ne pourra toutefois être possible que par l'installation de nouveaux éleveurs caprins, la production actuelle ne pouvant être suffisante. « Les affineurs manquent de fromages. Au niveau régional, il y aurait de la demande mais nous n'avons pas les volumes suffisants », explique Philippe Benezech, président du syndicat du Picodon AOP. Ce dernier est d'ailleurs en train d'élaborer et mettre en place différentes actions pour ce faire. Avec notamment, à l'horizon 2018, la création d'une souchothèque.
Renforcer le lien au terroir
Ce nouvel outil permettra de répertorier les différents ferments qui interviennent dans la fabrication d'un picodon. Entre 250 et 300 bactéries pourraient ainsi être prélevées. Il s'agira alors de déterminer si certaines sont spécifiques aux territoires drômois et ardéchois. Deux d'entre elles seront ensuite sélectionnées et proposées aux adhérents du syndicat, afin de renforcer davantage le lien au terroir. Dans la région, ce n'est pas la première fois qu'un tel dispositif est mis en place. Le syndicat interprofessionnel du Reblochon, implanté à Thônes (Haute-Savoie), a déjà mené des travaux en ce sens afin de sélectionner et multiplier les bonnes souches de ferments spécifiques au Reblochon. C'est d'ailleurs auprès de cette appellation que Philippe Benezech s'est renseigné afin de monter son projet. Chez nos voisins auvergnats, le laboratoire interprofessionnel de production exploite quant à lui une souchothèque de l'Institut national de la recherche agronomique pour le bleu d'Auvergne. La société multiplie et vend par la suite ces souches à une douzaine d'exploitants de l'appellation, fermiers et industriels.
Un investissementde 70 000 euros
En Drôme-Ardèche, l'investissement s'élèverait à près de 70 000 euros. Le syndicat ne devrait toutefois participer qu'à hauteur de 15 000 euros. Selon Philippe Benezech, les deux conseils départementaux pourraient soutenir financièrement ce projet. La Région Rhône-Alpes est elle aussi concernée, à travers le Crof (contrat régional d'objectif filière) caprin ovin lait 2015-2019 (axe 3 « améliorer la valorisation par la qualité, l'innovation et la promotion »). Celui-ci sera d'ailleurs soumis au vote de la commission permanente ce 16 octobre. Une fois le Crof adopté et l'appel à projet sorti, la souchothèque pourra prétendre au financement régional, envisagé à hauteur de 35 % du coût global. Un soutien européen peut également être envisagé en complément. En effet, dans la programmation Feader (fonds européen agricole pour le développement rural) 2015-2020, des mesures en faveur de partenariats pour l'innovation vont être ouvertes.
De belles perspectives
La souchothèque n'est pas le seul outil qui sera mis en place par le syndicat. C'est tout un éventail de propositions qui va être présenté afin d'accompagner, fidéliser et attirer les éleveurs au sein de l'appellation. D'autres projets sont en effet menés, tels l'élaboration de fiches techniques par exemple. Le syndicat compte par ailleurs investir les points « information » des lycées agricoles pour faire naître des vocations et parler de cette filière porteuse d'emplois. Enfin, le public n'est pas oublié. Des fiches de recettes ainsi qu'un webdocumentaire ont d'ailleurs été réalisés afin d'assurer la promotion du picodon.
En attendant la mise en place effective de l'ensemble de ces outils, de belles perspectives attendent d'ores et déjà le picodon, du moins si l'ensemble des opérateurs se conforment bel et bien aux nouvelles directives concernant son élaboration (alimentation, parc d'exercice, passage au lait cru, etc). La sécheresse de cet été ne devrait pas avoir un impact sur la production. En novembre, une laiterie réunissant trois éleveurs verra également le jour à Saillans. Trente tonnes de picodons devraient y être produits. De quoi garantir les volumes de production actuels.