Planète appro, une 2e édition à la hauteur

Après une première édition réussie en 2017 au marché de gros de Lyon-Corbas qui avait rassemblé 2 500 visiteurs, la chambre d'agriculture du Rhône a vu les choses en plus grand en organisant le 2e Salon Planète appro au Parc expo de Villefranche-sur-Saône, en partenariat avec les chambres d'agriculture de l'Ain et de l'Isère. De nouveaux partenaires publics et privés ont aussi rejoint l'événement. Le salon professionnel dédié aux productions agricoles de proximité a ouvert ses portes lundi matin pour faire découvrir aux visiteurs ses 120 exposants répartis sur une importante surface. Pendant les deux jours, une douzaine de conférences ont été proposées sur les thèmes phares des débouchés de proximité pour les produits agricoles. Du matériel, des outils, des entreprises ou encore des initiatives se sont montrés au public sur la démozone.
À la rencontre des producteurs
Quant aux producteurs, ils avaient un espace dédié pour des rendez-vous « Pro Appro » au cœur du Salon. L'opportunité de présenter en direct leur travail et leurs produits à des acheteurs professionnels. « Les producteurs avaient un stand collectif où pendant les deux jours près d'une trentaine ont été présents. Certains étaient là une demi-journée, quand d'autres ont pu être présents les deux jours. Ainsi, nous avions en permanence une quinzaine d'agriculteurs sur l'espace producteurs », explique Marie-Pierre Couailler, conseillère circuits courts à la chambre d'agriculture du Rhône. Objectif de cet espace : donner de la visibilité aux agriculteurs qui recherchent des débouchés locaux pour qu'ils puissent établir des contacts. « Les acheteurs pouvaient s'inscrire en amont. Ils ont été une quarantaine à le faire. Ils ont également été nombreux à venir sur place pour découvrir les exploitants agricoles et échanger avec eux », poursuit-elle. Et s'il est difficile de dresser le bilan aujourd'hui, une chose est certaine : des contacts ont été établis qui pourraient se transformer en contrats. Chaque acheteur potentiel étant reparti avec le catalogue de tous les exposants de l'espace producteurs.
Des contacts de qualité
Dans les allées, la journée du lundi a été calme avec une affluence relative quand mardi davantage de visiteurs se sont déplacés pour découvrir et saisir des opportunités. Ils ont été au final plus de 2 000 à avoir poussé les portes du Parc expo mardi soir.
Les exposants avaient le sourire puisque des contacts de qualité ont pu être pris. Certains, comme Mme Chetaille, viticultrice aux côtés de son mari à Quincié-en-Beaujolais, participait pour la première fois comme d'autres viticulteurs sur l'espace dédié aux vins du Beaujolais. Elle avait à cœur de présenter la gamme du domaine qui compte du brouilly, du côte-de-brouilly, du morgon, du moulin-à-vent et du beaujolais villages. « L'ambiance est chaleureuse et conviviale, dommage qu'il n'y ait pas davantage de visiteurs. Nous avons malgré tout rencontré quelques restaurateurs et cavistes. C'est une belle expérience et nous mesurerons ses retombées ensuite. » Les vins du Beaujolais et de l'ensemble des vignobles rhodaniens étaient également à l'honneur au « bar à vins » estampillé Beaujonomie proposé à l'entrée du Salon. L'endroit idéal pour les prospects et les entreprises pour conclure les négociations et faire connaissance autour de produits de terroir (vin, charcuterie et légumes).
Éric Gaudet de l'entreprise ALG, spécialisée dans l'aménagement, l'installation et l'entretien des laboratoires agroalimentaires, lui était déjà présent il y a deux ans à Corbas et a noté un changement dans le profil des visiteurs. « Nous avons vu un peu moins d'agriculteurs. Par ailleurs, peut-être faut-il le programmer plus en hiver et les années paires, en alternance avec le Sirha », explique-t-il.
À la rencontre de nouveaux clients
À quelques allées de là, le stand de la plateforme de produits issus de l'agriculture biologique « Bio a pro » est d'une belle taille et attractif. Les producteurs associés du Rhône et de la Loire se relaient pour présenter leur démarche, sachant qu'ils travaillent déjà beaucoup avec la restauration collective. « On a également des demandes de plus en plus marquées de la part de restaurants commerciaux. Être présents ici nous permet de rencontrer de nouveaux clients évidemment mais aussi d'autres producteurs qui voudraient nous rejoindre pour répondre à la demande en produits bio et locaux. C'est par ailleurs le moment d'entretenir nos liens avec nos clients historiques », a expliqué l'un des producteurs associés.
Les stands des énergies renouvelables aussi ont connu une belle affluence. Preuve qu'aujourd'hui, plus que jamais, la production d'énergie sur la ferme a de plus en plus le vent en poupe. Les agriculteurs présents sont venus chercher les clés pour réussir leurs installations en photovoltaïque, en méthanisation ou encore en bois déchiqueté. Environ 30 % de la surface d'exposition était en effet consacré aux énergies renouvelables (photovoltaïque, méthanisation...), nouvelle thématique cette année. De quoi permettre aux visiteurs de faire le plein d'informations. Les exposants reconnaissent que des contacts ont été pris. Reste aujourd'hui à les concrétiser.
Emmanuelle Perrussel et Marie-Cécile Seigle-Buyat

Agriculture bio, des filières à mieux structurer
La demande des consommateurs est claire. Selon les derniers chiffres fournis par l’Agence Bio, en 2018, en région Auvergne-Rhône-Alpes, 12 % des consommateurs ont consommé des produits bio tous les jours et 75 % au moins une fois par mois. La première raison évoquée, c’est la santé. « Surtout lors de l’arrivée d’un premier enfant dans la famille. C’est souvent à ce moment-là que l’on se pose plus de questions », constate Rémy Fabre, maraîcher bio en vente directe et responsable de l’agriculture biologique à la chambre d’agriculture régionale.Circuit court, circuit long : les mêmes obstacles ?
« Dans la capitale, c’est flagrant. Les magasins bio ont remplacé la grande majorité des commerces de proximité mais il est rare d’y trouver des produits locaux », affirme Adrien Petit, directeur du cluster bio, structure régionale qui propose d’accompagner les entreprises dans la mise en place de projets bio par la recherche de distributeurs ou l’aide au développement des filières bio locales. « Il s’agit d’un marché en tension. On le voit sur les œufs, les fruits et les légumes, le beurre et la viande bovine, par exemple. La demande est forte mais si le développement continue, il faudra mieux structurer les productions », ajoute-t-il. Filière longue, filière courte : les obstacles sont-ils les mêmes en agriculture biologique ? La dépendance à la météo, quel que soit le mode de commercialisation, concerne toutes les productions. « En AB, on a des difficultés à sortir des produits réguliers. En 2017, la production laitière a été impactée par des fourrages de mauvaise qualité à cause de la sécheresse. L’année suivante, il y a eu une vague de reconversion. Le surplus de production a provoqué une guerre des prix sur le marché. La stabilité est difficile à obtenir », témoigne Sébastien Courtois, éleveur de vaches laitières et référent bio pour Coop de France Aura. « En filière longue, le risque, c’est que l’on s’aligne uniquement par le prix en oubliant le produit. C’est ce qu’il s’est produit pour les filières conventionnelles ». Plus d’un produit français bio sur deux étant acheté en GMS sous les marques des distributeurs, « il ne faut pas se voiler la face, il y a une concurrence directe avec les produits d’importation bien moins chers que les nôtres », souligne Rémy Fabre. En filière courte, Jean-Marie Roche, maraîcher bio et administrateur de l’Ardab, association des producteurs biologiques du Rhône et de la Loire, affirme avoir l’entière maîtrise de ses prix. « Je ne vends que sur les marchés, en Amap ou en vente directe à la ferme. C’est pour moi la meilleure manière de valoriser mes produits et de préserver mes prix que j’adapte en fonction des coûts de production et selon la charge de travail qu’ils représentent », explique-t-il.
Vers quelle agriculture bio allons-nous ?
Qu’en est-il de la reconnaissance du label européen AB ? Est-il suffisant ? Faut-il réfléchir à des réglementations plus strictes ? Sur ce sujet, les avis divergent. « Beaucoup de labels ou certifications existent déjà en dehors de l’AB. Nature et Progrès, Demeter, Ecocert, zéro résidu de pesticides … Attention en lançant des initiatives privées à ne pas perdre le consommateur », estime le directeur du Cluster bio Aura. « De quoi parle-t-on exactement ? De bio industriel ? Ou de bio commercialisé à l’échelle locale en vente directe par des petits producteurs ? Ce n’est pas la même chose !, estime Jean-Marie-Roche. Si nous ne nous différencions pas face à l’industrialisation du bio, nous nous ferons marcher dessus », estime-t-il. Le bio, ce n’est pas qu’un label, c’est un mode de production qui ne se soucie pas uniquement du produit mais aussi de la réduction des émissions de CO2, d’améliorer sa relation avec le consommateur ». Pour les intervenants de cette table ronde, structurer la filière bio à un niveau national voire international passe aussi par de meilleurs moyens donnés à la recherche pour raisonner les sols et améliorer les rotations de cultures. L’agriculture biologique en restauration collective demande aussi à être davantage développée sur des volumes plus importants. Selon l’Agence Bio, trois quarts des Français se disent intéressés par du bio dans la restauration scolaire, sur le lieu de travail et à l’hôpital. En 2018, 61 % des établissements de la restauration hors domicile déclaraient proposer des produits bio à leurs convives. À partir de 2022, la loi Egalim obligera la restauration hors domicile à introduire 30 % de produits bénéficiant d’un signe de qualité ou d’une certification environnementale et 20 % de produits bio dans ses repas. Principal frein à ce jour : des tarifs considérés encore trop élevés par les établissements.
Alison Pelotier