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Phytosanitaires

Point d'étape avant la sortie du glyphosate

Lundi 9 décembre, des membres du bureau de la chambre d'agriculture du Rhône ont invité Jean-Luc Fugit, député de la 11e circonscription du Rhône et co-rapporteur de la mission d'information commune sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate. L'occasion pour l'élu de présenter les préconisations émises dans le rapport d'étape.
Point d'étape avant la sortie du glyphosate

Les principaux usages du glyphosate devraient être interdits dès le 1er janvier 2021 et l'ensemble des usages au 1er janvier 2023. Si le monde agricole est prêt à s'en passer, les professionnels demandent qu'on leur donne le temps qu'il faut pour ne pas se retrouver dans une impasse notamment dans les pentes ou encore dans le cadre de l'agriculture de conservation. Agriculteurs et instituts techniques se sont d'ores et déjà mobilisés pour trouver des alternatives. C'est l'un des constats dressés par le président et les co-rapporteurs de la mission d'information commune sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate dans le rapport d'étape présenté le 12 novembre dernier aux commissions des affaires économiques, du développement durable et des affaires sociales et lundi 9 décembre à des membres du bureau de la chambre d'agriculture du Rhône. « Nous sommes conscients de la dynamique qui est enclenchée dans le monde agricole pour répondre à cette transition. Nous faisons confiance aux agriculteurs qui n'ont de cesse de s'adapter aux demandes des consommateurs ! Nous avons pris conscience des difficultés auxquelles ils devaient faire face. Nous les avons pointées dans le rapport », explique Jean-Luc Fugit.

Des alternatives recensées

Afin d'accompagner les agriculteurs, un centre de ressources est désormais opérationnel. Plus de soixante alternatives à son utilisation, toutes filières confondues, ont d'ores et déjà été recensées sur le site internet du centre national de ressources glyphosate. Cet outil à destination des conseillers agricoles et des agriculteurs a été mis en place par trois partenaires : l'Inra, l'Acta - les instituts techniques agricoles - et l'APCA, le réseau des chambres d'agriculture. Cette mise en ligne constitue l'une des premières étapes du plan d'actions dont l'animation a été confiée à une « Task Force » réunissant les ministères chargés de la Transition écologique et solidaire et de l'Agriculture, l'Inra, l'Acta et l'APCA et présidée par le préfet Pierre-Étienne Bisch, coordinateur interministériel du plan de sortie du glyphosate. La mission a ainsi réaffirmé que l'année 2020 sera la dernière pour une majorité des usages du glyphosate*.

Délai face aux impasses

Jean-Luc Fugit a cependant souligné que la mission avait conscience que, pour certains, des alternatives n'existeront pas à la fin de l'année prochaine. « Les agriculteurs qui travaillent en agriculture de conservation ne pourront pas sortir de manière abrupte du glyphosate. Nous avons essayé de faire le bilan le plus objectif possible. Notre objectif était bien de remettre de la rationalité scientifique et technique dans ce débat. Il faudra une durée plus importante dans ce cadre », confirme Jean-Luc Fugit. Ainsi, la mission a demandé conjointement à l'Inra et aux instituts techniques agricoles d'identifier, d'ici la fin du premier semestre 2020, les situations culturales et pédoclimatiques qui ne pourront supporter un arrêt du glyphosate dès le 1er janvier 2021 ; ainsi que les délais qu'il faut raisonnablement envisager pour préparer leur sortie définitive. Jean-Luc Fugit a également souligné que la sortie du glyphosate nécessitera « un accompagnement à la fois technique et économique » des agriculteurs. Enfin, la mission préconise également la création d'une plateforme nationale d'enregistrement des produits phytopharmaceutiques utilisés et du glyphosate. La mission se poursuivra en 2020.

Marie-Cécile Seigle-Buyat
*Source : synthèse du rapport d'étape de la mission d'information commune sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate.

 

Débouchés / Les démarches bas intrants, HVE ou sans glyphosate, n’ont pas encore trouvé leur voie de valorisation contrairement à l’agriculture bio. C’est l’une des conclusions que l’on peut tirer après une table ronde organisée lors du séminaire « Préparer la sortie du glyphosate » à Lyon.

Les filières économes encore en construction pour améliorer leur valorisation

Emmanuel Poulet est viticulteur dans le Diois où il produit de la clairette de Die en tant que vigneron indépendant. Il a été le premier viticulteur drômois labellisé HVE 3 (haute valeur environnementale) en 2012. Le 19 novembre dernier, il était invité à participer à la table ronde de la journée « Préparer la sortie du glyphosate » organisée par la Draaf Auvergne-Rhône-Alpes et la chambre régionale d’agriculture Aura à Lyon. Aujourd’hui, l’exploitation viticole d’Emmanuel Poulet atteint un indicateur de fréquence de traitement (IFT) glyphosate de 0,4 et un IFT moyen inférieur à la moitié de la moyenne régionale. « C’est une démarche qui nous impose de nous poser des questions sur notre système et nos pratiques, explique Emmanuel Poulet. Pour les ventes, cela ne m’a pas permis d’augmenter mon prix spécifiquement lors de mon passage en HVE 3 notamment parce que la HVE manque de notoriété et n’est pas lisible pour les consommateurs. » Cette conclusion, les autres participants de la table ronde la partagent. François Claude Cholat, PDG de la Maison François Cholat, est catégorique. « Les filières économiques ne sont pas encore prêtes pour mieux valoriser les démarches agricoles qui permettront de réduire ou de se passer des produits phytosanitaires à l’image de la HVE. Elles ont besoin de temps pour se construire, et deux ans avant d’interdire le glyphosate par exemple, c’est trop court ! »
Le label HVE, bientôt indispensable pour accéder aux marchés ?
Pourtant, le sésame de la HVE devrait bientôt s’imposer pour accéder à certains marchés. « D’après mes informations, les acteurs de la grande distribution ont indiqué qu’ils ne référenceraient plus les vins sans le label HVE, mais que cela n’entraînerait pas une hausse des tarifs », poursuit Emmanuel Poulet. Une tendance confirmée par Damien Ferrand, responsable du pôle de développement agricole, d’Oxyane, union des coopératives Groupe Dauphinoise et Terre d’Alliances. « De plus en plus de nos acheteurs demandent d’aller vers des cultures CRC (culture raisonnée contrôlée) pour garantir les bonnes pratiques vis-à-vis de la biodiversité ou des blés sans glyphosate. Nous avons monté plusieurs filières qualité sur des contrats pluriannuels avec nos adhérents pour le compte de clients spécifiques. La rémunération est plus intéressante pour nos producteurs. Cependant, ces blés visent des marchés de niche, ce ne sera pas facile de rémunérer mieux tous les blés ‘‘classiques’’ bas intrants, surtout si la GMS bloque les hausses de prix des transformateurs. » « Il faudrait que les pouvoirs publics lancent un plan massif de communication autour de la HVE pour toucher les consommateurs et les professionnels, souligne Éric Peloux, vice-président du comité stratégique fruits de la région Aura et metteur en marché au marché de gros Lyon-Corbas. Les fruits et légumes en bio sont mieux valorisés car il y a une forte demande et une bonne visibilité des atouts des produits. Mais la HVE et les autres démarches bas intrants sont encore peu présentes sur le marché de gros alors qu’elles sont une voie intéressante pour avancer vers moins d’intrants et une démarche environnementale globale. »  C. P.