Pour que la France garde son rang de nation gastronomique
Mais elle a beaucoup perdu de sa notoriété pour la restauration de tous les jours car le traditionnel « Fait maison »
a été détrôné par l’industrie culinaire et sa cuisine d’assemblage.

Au-delà de la nécessité admise par tous d'augmenter la production agricole pour satisfaire les besoins alimentaires du monde, chaque pays profite de la vitrine que constitue l'exposition universelle de Milan pour promouvoir ses spécialités culinaires. Dans un pavillon dédié, l'Italie propose un voyage gourmand avec une vingtaine de restaurants dont chacun propose les spécialités gastronomiques d'une des régions transalpines. Les Pays-Bas affichent sans complexe l'absence chez eux de tradition culinaire et exposent une série de food trucks(*) où sont proposées toutes sortes de sandwichs, emblématiques de l'alimentation rapide très répandue dans les pays anglo-saxons de l'Europe du Nord. Au contraire, le restaurant du pavillon Français met à l'honneur des menus haut de gamme préparés par des chefs de renom et
« d'un excellent rapport qualité/prix », précise Alain Berger, le commissaire général du pavillon France. Le chef de chez Bocuse, Christophe Muller, ose même la soupe VGE au foie gras et à la truffe dont la soupière individuelle est couronnée d'un dôme doré de pâte feuilletée. De son côté, le chef étoilé de Saint-Bonnet-le-Froid (Haute-Loire), Régis Marcon, propose un inoubliable omble chevalier de l'Isère dans un menu à 37 euros. La cuisine élaborée, moderne, celle des Mères lyonnaises ou la cuisine bourgeoise font la signature gastronomique de la France. Une cuisine d'exception mais une cuisine réservée aux grandes occasions.
Restaurer la cuisine de tous les jours
Ce glissement de la cuisine française vers le haut de gamme nous a fait perdre celle de tous les jours qui permettait de manger au restaurant comme à la maison. La cuisine du quotidien a été remplacée et dévalorisée par une offre culinaire industrielle constituée de plats tout prêts sous vide et aseptisés. Une cuisne uniformisée proposée sur toutes les tables de Dunkerque à Perpignan. C'est si vrai que d'authentiques restaurateurs doivent désormais afficher la mention « Fait maison » pour se distinguer de ces établissements qui proposent une cuisine d'assemblage préparée sans cuisinier. Les témoignages de touristes étrangers déçus de manger dans des restaurants français les mêmes plats qu'ils trouvent chez eux en Angleterre ou en Allemagne sont légion et ternissent notre réputation de pays où il fait bon manger. C'est une très mauvaise image pour nos produits agricoles de qualité et pour la réputation internationale de notre gastronomie française. Nous avons su conserver à notre cuisine haut de gamme son incomparable qualité et nous devons en remercier toute une génération de grands chefs dont la relève avec les Vianay, Marcon, Troisgros et autre Anne-Sophie Pic est heureusement assurée. Mais il nous reste à restaurer l'image de notre gastronomie de tous les jours. Celle que nous ont légué nos chères Mères lyonnaises dont les plats mijotés destinés à l'origine aux classes modestes sont aujourd'hui richement étoilés.
Serge Berra
(*) Food truck : camions restaurants
Les meilleurs sommeliers du monde sont souvent français
Si l’exposition universelle met l’alimentation dans le monde au centre de ses préoccupations, la France ajoute au bien manger le bien boire. La qualité de nos terroirs viticoles et le savoir-faire de nos viticulteurs comme de nos œnologues sont si reconnus que « sur les 14 meilleurs sommeliers du monde, six sont français, un est franco-anglais, Gérard Basset originaire de Saint-Étienne dans la Loire, et trois sont italiens », compte Philippe Faure-Brac, meilleur sommelier du monde en 1992 et tout récent meilleur ouvrier de France (Mof). Il décrit les vins de Rhône-Alpes qui sont proposés à la carte du restaurant du pavillon de la France : « D’un moulin-à-vent 2010, au condrieu, en passant par un saint-joseph, une clairette de Die et, pour accompagner un dessert au chocolat, un cerdon du Bugey de l’Ain », la carte des vins fait voyager le dégustateur du nord au sud d’une des grandes régions viticoles de France.
L’Italie a résisté à la domination de la consommation alimentaire par la grande distribution en développant un réseau de magasins appartenant à une puissante coopérative de consommateurs. Créés en 1854, les magasins Coop présentent à Milan le supermarché de demain.
Le supermarché de demain sera robotisé et connecté
L’Italie a une tradition gastronomique comparable à celle de la France mais on oublie souvent qu’elle a un mode de distribution de l’alimentation très différent de celui qu’ont imposé en France les enseignes de la grande distribution. Si Carrefour ou Auchan sont implantés en Italie, ces grandes enseignes françaises doivent compter sur la présence en Italie d’un réseau de 1 500 magasins Coop, propriété d’une coopérative de consommateurs forte de 8 millions d’adhérents (13 milliards d’euros de CA). À l’exposition universelle de Milan, cette coopérative présente le futur supermarché dont la conception est inspirée des marchés de village. Terminé les longues enfilades de rayons qui forment des murs infranchissables. Mais surtout, le supermarché du futur sera robotisé et connecté. Au rayon des fruits et légumes, les produits proposés sont étagés en pyramide au sommet de laquelle opèrent des robots qui, pour approvisionner les rayons, plongent dans les entrepôts en sous-sol où sont stockées les marchandises. Autre nouveauté : la connexion des produits. Il suffit que vous preniez un produit en rayon pour qu’aussitôt, sur un vaste écran, s’affiche son poids, son prix mais aussi son origine géographique et ses valeurs nutritionnelles. Pendant ce temps, des caméras enregistrent vos caractéristiques : grand, petit, homme, femme, adulte, enfant, jeune, âgé... La prochaine fois, votre profil sera reconnu... Bien sûr, les caisses traditionnelles sont devenues des espaces où chacun scanne ses achats et paye avec une carte. Exit les caissières ! Ces futurs magasins qui devraient être installés d’ici cinq ans en Italie, mais dont l’un sera prochainement testé en réel, occupent très peu de personnel, ce qui oblige la coopérative à former ses manutentionnaires actuels pour les faire évoluer vers des fonctions de conseillers de vente capables de renseigner le client sur le choix des produits achetés. Enfin, les magasins Coop italiens inscrivent leur activité dans le respect des producteurs comme des consommateurs. Une sorte « d’éthique commerciale », confirme Emmanuel Nitri, l’un des responsables de Coop. Cette puissante coopérative s’approvisionne pour 60 % de ses produits alimentaires aux coopératives de producteurs italiens et veut acheter comme revendre ses produits « à un prix raisonnable ».S. B.