Ppam en plein boum
L’origine France étant très recherchée, le marché des plantes à parfum, aromatiques et médicinales (Ppam) s’annonce plutôt porteur. Mais il faut bien s’assurer de ses débouchés avant de se lancer car certaines productions sont plus demandées que d’autres.

Aromathérapie, alimentation, médicaments allopathiques et homéopathiques, pharmacie et alimentation animale, cosmétique, parfumerie, détergents… Les plantes à parfum, aromatiques et médicinales (Ppam) sont très demandées, surtout depuis que les « produits naturels » ont le vent en poupe. Un attrait nettement confirmé avec la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19. En effet, comparativement à d’autres secteurs, la production a été globalement peu affectée par la pandémie. Selon une note de conjoncture de FranceAgriMer publiée en septembre, les conséquences sur les entreprises varient cependant d’une activité à l’autre.
Si la vente directe et la parfumerie sont plus touchées, en revanche pour l’aromathérapie c’est le jackpot. La filière « s’est fortement développée, notamment avec l’augmentation des ventes des huiles essentielles associées à des propriétés antiseptiques », précise FranceAgriMer.
Opérateurs en recherche de producteurs
Serait-ce le moment de se lancer ? Certains agriculteurs y pensent, d’autant que des opérateurs comme Oxyane ou certaines PME locales recherchent des producteurs. Le 6 novembre, lors de la journée technico-économique sur les Ppam bio co-organisée par les chambres d’agriculture de l’Isère et de la Drôme, en partenariat avec Adabio et le Cluster bio Auvergne-Rhône-Alpes*, plusieurs exploitants ou porteurs de projet ont manifesté leur intérêt. Les uns pour conforter leur installation, les autres pour se diversifier, trouver des débouchés ou tout simplement assurer une veille technico-économique.
« Le grand quart Sud-Est est très dynamique, surtout en Provence-Alpes-Côte d’Azur et en Drôme, a rappelé Marithé Castaing, chargée de développement des entreprises au Cluster bio. Mais il existe une forte disparité entre petites et grosses exploitations. » En effet, si la taille des surfaces cultivées est de 3,4 hectares (ha) en moyenne, certaines fermes font pousser leurs Ppam sur 500 m2 quand d’autres cultivent plusieurs dizaines d’hectares. En Drôme par exemple, 370 exploitations répartissent leurs productions sur un peu plus de 2 000 ha (certifiés bio et en conversion). Mais les surfaces varient entre 2 et 80 ha pour Toutpam, la plus grosse ferme drômoise qui combine production, transformation et commercialisation à Lapeyrouse-Mornay.
En Isère, la filière est très dynamique mais moins organisée et surtout moins développée (90 fermes - 200 ha de Ppam). « C’est un département en transition, explique Olwen Thibaud, conseillère spécialisée en grandes cultures bio à la chambre d’agriculture de l’Isère. Il y a beaucoup de petites exploitations avec des petites surfaces diversifiées, mais on trouve de plus en plus de grandes surfaces mécanisées. Car certaines Ppam, comme la sauge sclarée, la coriandre ou la camomille, s’intègrent très bien dans la rotation en grandes cultures. »
Marchés porteurs
Si le marché des Ppam est globalement porteur, notamment parce que l’origine France est très recherchée par les acheteurs, les conseillers insistent sur l’importance de s’assurer un débouché avant de se lancer. Car, selon les filières et les plantes, les productions ne connaissent pas toutes le même succès. En phytothérapie par exemple, la tendance est baissière, alors qu’elle est en hausse en aromathérapie ou dans les compléments alimentaires. En herboristerie, « les volumes sont en baisse mais la valeur est en hausse : nous sommes sur une tendance qualitative », analyse le Cluster bio. Certains laboratoires cosmétiques régionaux, comme Clarins ou VG Cosmelab à Aix-les-Bains, sont en recherche d’huiles essentielles et d’hydrolats.
Pour le choix de ses productions, la première chose à faire est de raisonner en fonction des débouchés. En ce qui concerne le lavandin par exemple, la production est en forte hausse (75 % des surfaces supplémentaires proviennent des Alpes-de-Haute-Provence, du Vaucluse et de la Drôme en 2019). Mais le marché est « indécis » et orienté à la baisse, notamment en raison de la concurrence bulgare. « Nous avons un souci d’écoulement, prévient Cédric Yvin, conseiller Ppam à la chambre d’agriculture de la Drôme. La demande n’est pas si importante que cela en bio, même si ça se développe en lessive bio ou en cosmétique bio. » Les analystes parlent également de « contexte de surproduction » pour le marché de l’huile essentielle d’hélichryse (immortelle) et de thym, « notamment pour le chémotype thuyanol », précise FranceAgriMer. En revanche, celui de la sauge sclarée « semble se maintenir ».
Infusions en pleine expansion
Du côté des infusions bio, les ventes sont en pleine expansion. Elles représentaient 29 % des ventes en 2016 ; 37 % en 2018. En 2020, elles ont généré un chiffre d’affaires de 182 millions d’euros (+ 3,3 % mais seulement + 0,2 % en volume). Dans la région, certaines entreprises ont pris le tournant de la bio et sont en pleine croissance. « Le bio représente 30 % de la gamme, confie Richard Morainville, des Deux marmottes (Haute-Savoie). Nous cherchons à le développer, notamment avec des partenaires locaux en filière courte. C’est plus intéressant, surtout pour maîtriser la qualité. » Une PME comme Bigallet, qui cherche des plantes aromatiques pour ses liqueurs, réfléchit à une diversification dans les tisanes…
Filière courte ou longue, l’option à retenir dépend du projet personnel, du type de débouchés choisi, de l’investissement et du temps que l’agriculteur souhaite y consacrer. Une ferme installée sur une petite surface avec une production très diversifiée peut être viable économiquement. Mais elle implique de concilier trois métiers, alerte Cédric Yvin : la production, la transformation et la vente. En circuits longs en revanche, mieux vaut opter pour une production mécanisée en grande quantité, sur des surfaces supérieures à 10 ha, car les prix de vente (coopérative ou acheteur privé) sont plus faibles qu’en circuit court. Et les investissements en matériel plus lourds.
Marianne Boilève
* Cluster bio : réseau initié par la Région Rhône-Alpes en 2006 pour accompagner les entreprises et soutenir les projets dans le secteur de la bio.