PPRT Storengy : la crainte d'une "zone stérile"

Dans le sous-sol des communes de Tersanne, Saint-Martin-d'Août et Saint-Avit, en Drôme des collines, l'entreprise Storengy, filiale de GDF Suez, stocke des millions de mètres cubes de gaz naturel acheminés par gazoducs. Treize cavités creusées dans d'épaisses et profondes couches de sel gemme permettent ce stockage sous haute pression avant que le gaz ne soit injecté dans les réseaux de distribution. Depuis 1970, cette activité était parfaitement intégrée au sein des trois communes drômoises. Mais, le 20 juin 2012, la notification d'un plan de prévention des risques technologiques (PPRT) a changé la donne. Autour des puits de stockage et du site central de Storengy, une carte des enjeux et des aléas trace des cercles rouges et des périmètres de différentes couleurs. Ils correspondent à des niveaux de risques (souffle d'explosion, incendie...) identifiés à la suite d'études.
« Nos bâtiments ne seront plus exploitables »
Une quinzaine d'habitations et cinq sièges d'exploitations agricoles sont dans le périmètre du PPRT. « Ce zonage fige nos exploitations, indique François Bourrut, agriculteur à Saint-Martin-d'Août. S'il nous faut un permis de construire, par exemple dans le cas d'une mise aux normes d'un bâtiment d'élevage, nous devrons réaliser à nos frais des études et des travaux de protection, dont les coûts seront énormes. » Son fils, Christophe, également exploitant agricole, cite comme possibles contraintes le doublement des charpentes pour se prémunir d'un écrasement lié au souffle d'une explosion ou encore des bardages contre la chaleur. « Nos bâtiments ne seront plus exploitables, se désole-t-il. Comment pourra-t-on amortir tout cela ? » De plus, ajoutent les trois exploitants, « il sera interdit de créer un magasin de vente directe, de construire des serres en verre ou en plastique, d'embaucher du personnel en nombre... Cela va créer une zone stérile. »
Pour Jean Nivon, la situation est encore plus critique. Sa maison et le siège de son exploitation agricole, une vieille ferme qu'il a entièrement rénovée, se situent à proximité d'un puits de stockage de gaz. Il est donc sous la menace d'une expropriation. « Depuis trois ans, c'est moralement très difficile, confie-t-il. On ne voit plus le bout du tunnel. Tous nos projets sont bloqués. On ne se sent pas écouté, ça fait mal. »
Faire baisser la pression
Pour se défendre, les riverains du stockage de gaz de Tersanne ont créé une association. « Notre objectif, expliquent Jean Nivon, François et Christophe Bourrut, est d'obtenir une baisse de la pression moyenne de service (pression à l'intérieur des puits - ndlr), ce qui réduirait fortement les risques et donc le périmètre de la zone rouge. Nous avons aussi proposé un PPRT modifié avec des conditions acceptables. Par exemple, de ne renforcer que la partie salle de traite et non l'ensemble du bâtiment. »
L'association a également proposé la mise en sommeil de trois puits avec un transfert du stockage du gaz correspondant sur des cavités situées à Hauterives. « Cela annulerait toutes les contraintes sur les habitations, indique François Bourrut, car la station de Hauterives est aux nouvelles normes ».
« Nous ne sommes pas contre le PPRT, précise Christophe Bourrut, car il faut sécuriser la zone. Mais là, le règlement proposé n'est pas acceptable en l'état. On nous condamne à petit feu. Ce n'est pas aux riverains d'endosser la responsabilité de Storengy. »
L'enquête publique jusqu'au 9 juillet
La colère des trois exploitants est profonde. « Nous sommes déçus du manque de soutien d'un bon nombre d'élus communaux, regrettent-ils. Début juin, l'association des riverains a convié les trente-trois conseillers municipaux pour leur expliquer les conséquences du plan de prévention. Seulement huit sont venus, tous de Saint-Martin-d'Août, aucun de Saint-Avit et Tersanne. » Cette réunion s'est tenue juste avant le début de l'enquête publique sur le PPRT. Conduite par un commissaire enquêteur, elle vise à recueillir, jusqu'au 9 juillet, les observations, propositions et contre-propositions du public. « Nous incitons toutes les personnes des trois communes à venir s'exprimer pour que ce territoire ne soit pas condamné, insistent Jean Nivon, François et Christophe Bourrut. Des solutions techniques et économiquement acceptables existent pour faire diminuer le risque à la source. Demandons-les. »
Les conclusions du commissaire enquêteur seront connues au cours du mois d'août.
Christophe Ledoux
PPRT / La chambre d'agriculture a émis un avis défavorable au PPRT Storengy.
« Des exploitations condamnées à l'inertie »

S'agissant des expropriations, une autre procédure donne aux personnes concernées la faculté de contester la notification reçue durant deux mois.
C. L.