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Pâturage

Prairies multi-espèces : un système totalement innovant

A la fin des années 2000, la chambre d’agriculture de la Drôme a lancé, en partenariat avec le lycée agricole Le Valentin à Bourg-lès-Valence, différentes études sur le pâturage de petites parcelles de prairies multi-espèces résistantes au sec.
Prairies multi-espèces : un système totalement innovant

«L'objectif était d'avoir un exemple concret d'un système pâturant en zone méditerranéenne. Nous avons finalement mis en place un système innovant, qui est aujourd'hui une référence nationale et internationale », avoue Jean-Pierre Manteaux, conseiller élevage et fourrages à la chambre d'agriculture de la Drôme (CA26). En s'appuyant sur l'exploitation du lycée agricole du Valentin à Bourg-lès-Valence, la CA26 a souhaité tester différents mélanges et introduire des espèces nouvelles dans les prairies, afin de répondre aux évolutions du changement climatique.
Il a fallu plusieurs années d'expérimentation pour mettre en place un mélange, avec un risque de météorisation faible. Au mélange Saint-Marcellin (20 kg/ha), composé de fétuque élevée à feuille souple, dactyle, ray-grass, trèfle blanc et lotier, sont alors associés luzerne (7 kg/ha), sainfoin simple (20 kg/ha), trèfle violet (2kg/ha) et chicorée (0,5 kg/ha). Cette dernière espèce, tout droit venue de Nouvelle-Zélande, présente des atouts majeurs : plante bioactive, riche en eau et en azote, résistance au sec, effet sur les dactyles, appétence au couvert. Malgré tout, elle fait partie des plantes « à risque » dans un mélange, d'où sa faible quantité apportée dans les prairies du lycée agricole du Valentin. Ces prairies multi-espèces (PME) sont semées pour une durée de quatre ans, en rotation avec du maïs et du méteil.

Optimiser la valorisation des sols

« Nous avons débuté le pâturage en 2005, avec plusieurs objectifs : réduire les intrants pour gagner en autonomie (l'élevage est aujourd'hui en agriculture biologique, ndlr), allonger les rotations et intégrer des PME afin de gagner en technicité. Le but était non seulement d'optimiser la valorisation grâce à la conduite du pâturage mais aussi de trouver le bon mélange adapté au contexte sol/terrain », explique Guillaume Fichepoil, directeur de l'exploitation du lycée agricole.
Généralement, les quarante-cinq vaches laitières, de race montbéliarde, sont mises à l'herbe entre le 15 février et le 1er mars et jusqu'en octobre. Durant cette période, leur ration est partagée : 2/3 de pâturage et 1/3 de fourrage. La mise à l'herbe des vaches laitières est anticipée dès lors que l'herbe est supérieure à 5 cm afin de nettoyer les feuilles résiduelles de l'hiver, apporter de la lumière aux légumineuses et, dans le même temps, proposer de l'herbe pâturée dans la ration. « Nous leur donnons à manger tous les matins, avant qu'elles sortent de l'étable. Cela nous permet de gérer la météorisation dans le sens où elles mangeront ainsi plus lentement au pré », souligne Daniel Jalifier, salarié agricole depuis vingt ans au lycée du Valentin. Les génisses et vaches taries, quant à elles, seront mises au pré au mois d'avril, pour pâturer les refus. Les génisses semblent d'ailleurs avoir une forte appétence pour l'herbe pâturée.

Daniel Jalifier est salarié agricole au lycée Le Valentin depuis plus de vingt ans.

De l'irrigation pour combler le déficit estival

Aussi, pour limiter la météorisation, le pâturage tournant s'effectue dans une trentaine de petites parcelles, d'une surface moyenne de 3 500 m², offrant un temps de repousse allongé (environ 32 jours). Lors des essais, ces prairies multi-espèces pâturées adaptées aux conditions méditerranéennes ont présenté de nombreux avantages, y compris en agriculture biologique. Si elles sont résistantes à la sécheresse, elles sont également valorisées par l'irrigation. « Trois passages d'irrigation sont effectués, de juin à mi-septembre, pour atténuer le déficit estival (entre 100 et 230 mm d'eau apportée), précise Jean-Pierre Manteaux. De plus, ces prairies présentent une forte productivité, avec une moyenne, sur neuf ans, de 13,3 tonnes de matière sèche par hectare et par année. »
Par ailleurs, « l'un des points positifs est de voir que la production de lait est devenue plus régulière », souffle Daniel Jalifier. En effet, depuis 2011, la production progresse au pâturage.
« Les essais sont aujourd'hui terminés. Nous avons un système qui fonctionne, qu'il faudra faire évoluer si la prairie ne donne plus satisfaction face à des conditions météorologiques de plus en plus sèches », note Jean-Pierre Manteaux. Ce système, devenu une référence dans le monde entier, permet au lycée agricole du Valentin d'offrir un support pédagogique à ses élèves mais aussi aux agriculteurs. « Grâce à ces travaux, nous avons progressé techniquement et jouons parfaitement notre rôle d'animation du territoire », conclut Guillaume Fichepoil. 

Amandine Priolet