Prédation : entre prévention et prélèvement

Le sénateur Gilbert Bouchet est à l'origine d'une rencontre qui a eu lieu le 28 septembre sur la commune de Vesc autour du thème de la prédation et des conflits entre les usagers. Son organisation a été assurée par la communauté de communes de Dieulefit-Pays de Bourdeaux, directement concernée. Elle est, en effet, en charge de la compétence « gestion de l'espace » et accompagne l'activité pastorale du territoire, avec le souci des enjeux environnementaux.
Des mesures d'urgence prises
Plusieurs attaques de loups récentes ont encore accru le problème de la prédation, amplifiant ses conséquences pour les éleveurs. La communauté de communes a été obligée de prendre des mesures d'urgence durant l'été et de limiter l'accès au massif de Couspeau pour les randonneurs en particulier (avec des panneaux d'accès déconseillé). Ce qui a engendré quelques problèmes majeurs.
Pour une responsabilité partagée
Cette journée de travail - qui a réuni élus, techniciens, éleveurs de la communauté de communes - a permis d'appréhender les modes de gestion du troupeau et d'évoquer les outils règlementaires existants. L'Etat oblige les éleveurs, on le sait, à prendre des mesures de protection des troupeaux. La question des chiens « patous » et des clôtures a largement été évoquée le matin à la ferme du Clos de l'orme d'Edmond et Fabienne Tardieu, en présence de Gilbert Bouchet mais aussi de Clara Thomas, sous-préfet de Die, et du député Hervé Mariton.
Le témoignage des éleveurs a permis de prendre la mesure de la complexité de ce dossier.
Fabienne Fleury, présidente d'un groupement d'éleveurs, fait l'objet d'une plainte après qu'un randonneur a été mordu par un chien. « Je suis aujourd'hui accusée d'un délit. On nous demande de cohabiter avec le loup, on a fait tout ce qui était en notre pouvoir. Il faut que les autres utilisateurs de l'espace prennent leur part de responsabilités », a-t-elle déclaré. Et d'ajouter : « On est ouvert aux randonneurs. Mais on voudrait que la responsabilité soit partagée par tous les acteurs du territoire ».
« L'Adem (*) s'investit aux côtés des éleveurs », a souligné son président, Philippe Cahn. Et il a assuré : « Il faut faire évoluer la législation, réviser le statut du loup. En 2015, plus de 200 victimes ont été indemnisées et autant ne l'ont pas été. Cela correspond à un troupeau drômois dévasté, puisque la moyenne est de 400 brebis ». Selon lui, « un loup prélevé, ce serait symbolique ».
Le loup coûte
Le « coût du loup » a été abordé, en particulier par Jean-Marc Audergon, le président de la communauté de communes. « On a évalué ce coût à 30 000 à 40 000 euros par loup et par an », a expliqué Hervé Mariton. Quant aux subventions pour les mesures de protection, elles ont été de 1,2 million d'euros pour le département en 2013. Il reste 20 % à la charge des éleveurs. C'est ce qu'a confirmé Edmond Tardieu, qui a emmené les participants dans l'un de ses parcs. Ses 400 bêtes impliquent 14 kilomètres de clôtures, dans des espaces très pentus et boisés. Il a choisi une clôture active à cinq fils avec des piquets en fibre de verre de 1,20 mètre de hauteur. Le coût moyen d'une telle clôture est de 4 euros le mètre. « L'aide de l'Etat est de 80 %, a-t-il précisé. Il a fallu aussi débroussailler, réaliser des passages et il faudra entretenir... Il faut aussi maintenir l'électrification, ce qui n'est pas toujours évident par temps sec. »
Adopter une stratégie de territoire
Autre souci pour Edmond Tardieu : « Mes trois chiens ne me suffisent pas ici et nous avons beaucoup de mal à rassembler le troupeau le soir comme il est demandé ». Afin de ne pas avoir de problèmes avec les randonneurs, sur des terrains qu'il loue, l'éleveur a apposé des panneaux d'interdiction.
Selon Clara Thomas, pour apporter des solutions satisfaisantes, il faut adopter une stratégie de territoire. « Il faut mettre tous les moyens en place, ajouter aux mesures de protection les tirs de défense et de prélèvement. Il faut que les chasseurs soient formés au loup et que soient pris des arrêtés de prélèvement sur six mois dans toutes les zones impactées. Avec un tel dispositif, je suis optimiste pour les mois qui viennent. Ensuite, il faudra autoriser le prélèvement de deux loups, voire trois. » La rigueur de son travail a été soulignée, en particulier par Hervé Mariton. Comme d'autres intervenants, il a évoqué la convention de Berne qui suppose un accord de tous les Etats pour faire évoluer le statut du loup, espèce protégée. « La démocratie exige la remise en cause des textes », a-t-il noté.
Elisabeth Voreppe
Chiens de protection : une communication nécessaire
La grande majorité des chiens de troupeaux sont de race « montagne des Pyrénées ». Ce sont des chiens de protection qui restent avec les moutons jour et nuit, a-t-il été rappelé. Ils ne peuvent être réellement dressés mais il s'agit de la race de protection la moins agressive. Néanmoins, il est impossible de garantir zéro morsure. Surtout si les randonneurs ont un comportement inapproprié. « Le chien aboie d'abord pour prévenir le troupeau, a-t-il été expliqué. Ensuite, il marque une distance de sécurité et s'arrête. Le promeneur doit contourner le troupeau et marcher en parallèle. S'il ne le peut pas, il doit faire demi-tour pour ne pas risquer d'être mordu. »La question d'une nécessaire communication a été abordée. Surtout lorsque l'on sait que 92 % du territoire pastoral de la communauté de communes de Dieulefit-Pays de Bourdeaux, de la CCVD(1) et de la CCCPS(2) sont privés.
(1) CCVD : communauté de communes du Val de Drôme.
(2) CCCPS : communauté de communes du Crestois-Pays de Saillans.