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Service de remplacement

Prendre des congés : une nécessité

Se faire remplacer quand on en a besoin, c’est essentiel. Encore faut-il trouver quelqu’un de confiance. C’est le rôle d’Arlette Gros-Balthazar, éleveuse et responsable du service de remplacement dans les Terres froides en Isère.
Prendre des congés : une nécessité

Carnet de notes calé sur l'avant-bras, Cédric Nievollet inscrit scrupuleusement les consignes d'Arlette Gros-Balthazar. « Pour la présure, tu mets deux bouchons. Pas plus. » Le jeune homme note, pose des questions précises. Dans quelques jours, il va remplacer l'éleveuse et son mari, qui ont programmé un week-end. Quand le couple regagnera sa ferme de Rives, le dimanche soir, les vaches seront traites, soignées, et tout sera prêt pour le moulage des fromages le lendemain. « Par les temps qui courent, on n'a pas le droit à l'erreur : quand on se fait remplacer, on a besoin de vrais professionnels, affirme l'exploitante. Avec Cédric, notre confiance est totale. Nous lui laissons les clés les yeux fermés. »

Besoin de décrocher

L'agricultrice est responsable du service de remplacement dans le secteur des Terres froides. Elle a commencé à se faire remplacer dans les années 90, à la naissance de sa deuxième fille. Depuis qu'elle a goûté au service, elle en fait la promotion autour d'elle. « Le service de remplacement joue un vrai rôle social, témoigne-t-elle. Tous les agriculteurs ont besoin de décrocher, de prendre un peu d'air et de recul. Partir quelques jours, lâcher prise, c'est important pour soi, pour le couple, pour les enfants. Nous, tous les ans, nous prenons une semaine en été avec les enfants. C'est le seul moment de l'année où nous ne sommes pas dans le travail et où nous parlons d'autre chose que du boulot. » Le problème, c'est d'oser franchir le pas. Et de trouver la bonne personne pour se faire remplacer. Depuis quelques mois, Amandine, la salariée en charge des remplacements dans le secteur des Terres froides, est en congé maternité. La question de son remplacement s'est posée en début d'année. « Nous avons deux adhérents qui avaient amplement besoin de vacances, explique Arlette Gros-Balthazar. J'ai cherché quelqu'un mais n'ai trouvé personne. Ça m'ennuyait. Un matin, j'en ai parlé à l'inséminateur. Il m'a répondu qu'il allait regarder dans sa tournée. » Quelques jours plus tard, Cédric Nievollet se présente.
Le sourire franc, la petite trentaine, le jeune homme vient tout juste de s'associer en Gaec avec son père à Vatilieu. Avant de rejoindre la ferme paternelle, qui tourne avec un troupeau de 25 mères charolaises et quelques hectares de noyers, il a travaillé en élevage laitier. Les vaches, la traite, les veaux, Cédric connaît par cœur. S'il a accepté de rejoindre le service de remplacement, c'est bien sûr pour se faire un petit complément de revenu mais aussi par solidarité. « J'ai senti qu'il y avait un gros malaise : les deux éleveurs dont l'inséminateur m'a parlé avaient besoin d'une coupure, dit-il simplement. Comme mon père et moi avons des vaches allaitantes, je peux me permettre de travailler chez d'autres. Il faut organiser le travail sur la semaine, c'est tout. » C'est tout et c'est énorme : « Pétard, qu'est-ce que ça fait du bien de lâcher quelques jours », s'est exclamé l'un des deux heureux vacanciers dans un texto à l'attention d'Arlette. « Il faudrait trouver plein de Cédric ! », s'enthousiasme l'éleveuse.

Partir malgré la crise

Le contexte économique qui touche le monde agricole ne facilite pas les prises de congés. « Avec la crise, les agriculteurs ont plutôt tendance à se rajouter de la charge de travail. Il faut savoir se réserver des coupures pour ne pas devenir fou. Mais quand il n'y a pas d'argent, les agriculteurs font l'impasse... », note Arlette Gros-Balthazard qui constate « que ce sont souvent les mêmes qui sollicitent le service pour congés, notamment les jeunes couples ou les agriculteurs ayant un conjoint qui travaille à l'extérieur. »
Parmi les freins qui empêchent d'étoffer le nombre de candidats au départ en congés, Alain Bardin, nouveau président du service de remplacement isérois et éleveur à Beauvoir-de-Marc, évoque une forme de blocage à « confier son exploitation à quelqu'un quand on est habitué à travailler seul », ainsi qu'une réticence à s'autoriser des congés, pourtant nécessaires, surtout en période difficile. « Il est essentiel d'inciter les gens à s'arrêter pour souffler un peu, estime-t-il. Nous avons un vrai rôle à jouer car plus les gens sont fatigués et stressés, moins ils pensent à se faire remplacer. » 

M. B. & D. B.

 

Mémo pratique pour partir sereinement
- Anticiper son départ en congés, s’y prendre à l’avance.
- Compléter le panneau ou la fiche de consignes.
- Simplifier le travail au maximum pour le remplaçant.
- Laisser un numéro de téléphone d’une personne de confiance (pas nécessairement le vôtre !).
- Ne surtout pas faire l’impasse sur le passage de consignes « en direct » avec le remplaçant avant votre départ.

 

Dans les exploitations qui nécessitent une présence tous les jours de l’année, les agriculteurs peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt lors d’un remplacement pour congés. Il prend en charge 50 % du coût de votre remplacement pendant 14 jours par an.

Le crédit d’impôts fête ses 10 ans

La loi d’orientation agricole du 5 janvier 2006 a facilité la prise de congés par les agriculteurs en leur octroyant un crédit d’impôt pour se faire remplacer sur leur exploitation. Depuis sa mise en place, cette mesure a largement fait la preuve de son efficacité et de sa nécessité. Plus de 20 000 agriculteurs et agricultrices en bénéficient chaque année. 165 000 journées de remplacement pour congés ont été réalisées en 2011 (+ 70 % depuis la création du crédit d’impôt), soit près de 30 % de l’activité des services de remplacement. Assis sur le vivant, le métier d’agriculteur est une profession prenante, faite d’astreintes et de contraintes, qui permet difficilement de concilier temps professionnel et temps personnel. En permettant aux agriculteurs de partir de leur exploitation en toute tranquillité pendant quelques jours, cette mesure constitue une avancée sociale indéniable pour la profession. Elle est un enjeu important quant à la qualité de vie, l’épanouissement personnel, le bien-être social, l’ouverture sur l’extérieur, l’insertion et l’implication des agriculteurs au sein des territoires. Contribuant à l’attractivité du métier, elle est un facteur essentiel pour favoriser l’installation et la transmission des exploitations. En outre, elle génère plus de 800 emplois salariés équivalents temps plein en milieu rural.
Transparence fiscale
Les parlementaires ont voté une disposition concernant le crédit d’impôt congés pour les Gaec. Pour ceux-ci, désormais, le plafond du crédit d’impôt (50 % de 2 069,76 euros pour 2016) est multiplié par le nombre d’associés que compte le groupement, dans la limite de quatre. Le plafond du crédit d’impôt dont bénéficie un associé de Gaec ne peut toutefois pas excéder le plafond du crédit d’impôt bénéficiant à un exploitant individuel.
Ainsi, dans un Gaec à quatre associés, chaque associé peut bénéficier jusqu’à 14 jours de remplacement financés par le crédit d’impôt. Reste cependant à obtenir des précisions sur les modalités de répartition du crédit d’impôt entre les associés, puisque, jusque-là, il était réparti à proportion des droits détenus par chaque associé dans le groupement. Une démarche est entreprise auprès du ministère. 
Plus d’informations : www.servicederemplacement.fr