Préserver une viticulture à caractère familial

«C'est une des caves coopératives parmi les mieux équipées de France », a fait remarquer le directeur de la cave de Tain, Xavier Gomart, en faisant découvrir les installations au préfet, le 19 juillet. « Nous sommes une coopérative à l'ancienne, où l'apport total est très important », a ajouté le président, Jacques Alloncle. Après cette visite, où l'on notait la présence, entre autres, de Grégory Chardon (secrétaire général de la FDSEA), Jean-Pierre Royannez (vice-président de la chambre d'agriculture) et Philippe Allimant (directeur de la DDT), Pierre Combat et différents responsables viticoles ont présenté à Eric Spitz le contexte local. « Avec une cinquantaine de caves particulières, deux structures coopératives et quatre négoces, nous avons là un triptyque favorable », a expliqué Pierre Combat, vice-président de la chambre d'agriculture, également président du syndicat de l'AOC crozes-hermitage. Si l'appellation se porte bien, elle doit cependant faire face à un prix du foncier en forte hausse, ce qui complique les transmissions dans le cadre familial. De plus, avec le nouveau système d'autorisation de plantation, l'identité des demandeurs n'est pas connue du syndicat. « Sur les 36 hectares demandés, 35 concernent de nouveaux entrants, s'est exclamé Pierre Combat. Nous n'avons même pas la certitude qu'il s'agisse d'enfants de vignerons. Dans ces conditions, où va notre AOC ? », s'est-il inquiété. Faute de réponse sur l'identification des demandeurs, « le syndicat ne demandera à l'Inao* que 1 000 mètres carrés d'autorisation en 2017 », a-t-il annoncé.
« Produire davantage serait un risque »
Sur le secteur, la pression foncière est forte. « Il faut garder un équilibre, éviter le mitage, ne pas défigurer la zone d'appellation », a considéré Pierre Combat. Celle-ci représente un potentiel de 3 200 ha, dont la moitié est actuellement plantée. « Produire davantage serait un risque, a-t-il estimé, car le commerce ne pourrait pas absorber les nouveaux volumes. De plus, la connaissance des stocks de vin est hélas insuffisante. Il est cependant nécessaire de conserver une réserve foncière, notamment pour le renouvellement du vignoble. » Pour gérer les volumes, Xavier Gomart a mis en avant le rôle prépondérant du syndicat d'appellation face au négoce.
Autre sujet abordé, l'œnotourisme. « Il s'est beaucoup développé sur le territoire Hermitage-Tournonais, lequel bénéficie du label "vignobles et découvertes", a rappelé Pierre Combat. Nous progressons chaque jour, cependant nous avons besoin de professionnalisme. » Xavier Gomart a pointé le « vide juridique » entourant cette activité, demandant aux services de l'État d'« aller vers une amélioration au lieu de sanctions. »
Des coteaux à l'amende
Gérald Delhome, administrateur de la Cave de Tain, et Olivier Dumaine, représentant les Vignerons indépendants, ont fait part de leur ras-le-bol au sujet de la remise en culture de surfaces en coteau. « Une autorisation pour changement de culture est nécessaire, laquelle est assortie soit d'une obligation de reboisement à surface égale, soit d'une indemnité à verser au fonds stratégique pour la forêt », ont-ils expliqué au préfet. Pour 1 000 mètres carrés défrichés, l'un d'eux a dû débourser 1 000 euros ! « Alors que la plaine est rongée par l'urbanisme, on nous empêche de faire de la viticulture de qualité en mettant les coteaux à l'amende, a tempêté Gérald Delhome. Nous, on ne met ni goudron, ni béton mais du végétal. » Ce dispositif résulte d'une évolution du code forestier suite au Grenelle de l'environnement, a expliqué le directeur de la DDT.
Autre sujet, les « murs publicitaires » sur la colline de l'Hermitage. Selon Xavier Gomart, il semblerait qu'un accord puisse aboutir entre les parties pour supprimer ces murs (ou au moins les inscriptions). « Un petit coup de pouce des services de l'Etat pourrait mettre un terme à ce dossier », a-t-il glissé au préfet.
Par ailleurs, Raphaël Cros, président du syndicat des vignerons de la Drôme des collines, a fait part d'une démarche d'obtention de l'AOC côtes-du-rhône pour certains vignobles actuellement classés en IGP collines rhodaniennes. Une commission de l'Inao devrait prochainement enquêter sur place. Il a été demandé au préfet son appui pour accélérer la procédure.
En conclusion, Jean-Pierre Royannez a mis en avant la qualité des savoir-faire agricoles drômois ainsi que la diversité des filières. Le préfet, lui, s'est réjoui de constater la bonne santé de la filière viticole. « Je suis un pragmatique, a-t-il confié. Chaque problème évoqué sera sérié et nous verrons avec la DDT comment agir au mieux. » Il a aussi invité les élus locaux à se saisir des moyens prévus dans les contrats de ruralité unique (lire L'Agriculture Drômoise du 7 juillet 2016).
Christophe Ledoux
* Inao : institut national de l'origine et de la qualité.