Témoignage
L’engrais vert pour décompacter le sol et apporter de l’azote

Viticulteur à Saillans, Cédric Carod réalise depuis trois ans un semis d’engrais vert dans ses vignes. Il a partage son expérience à l'occasion de la journée "couverts végétaux" organisée par la chambre d'agriculture le 28 janvier 2021.

L’engrais vert pour décompacter le sol et apporter de l’azote
Depuis trois ans, Cédric Carod pratique le semis d’engrais verts un rang sur deux sur l’ensemble de ses 7,5 ha de vignes.

Cédric Carod exploite 7,5 hectares de vignes en agriculture biologique. Depuis trois ans, il a choisi d’implanter un engrais vert un rang sur deux. « Pendant six ans, j’ai testé le couvert permanent, mais le sol en dessous était tassé. L’intérêt de l’engrais vert pour moi, c’est d’avoir une diversité de plantes, dont des plantes à racine pivot qui vont aider à décompacter le sol », précise le viticulteur.

L’autre rang est conduit en enherbement naturel. « Ça permet de ne pas marcher sur l’engrais vert quand je taille, souligne Cédric Carod. Et en fonction des plantes qui vont se développer naturellement, c’est aussi pour moi un bon indicateur de l’état du sol ».

En 2020, il a semé le 15 septembre un mélange de 60 % de légumineuses (féverole, vesce et trèfle incarnat), 35 % de céréales (seigle) et 5 % de crucifères (moutarde). « Je travaille un peu le sol en surface avant les vendanges. Ensuite, je fertilise la vigne en octobre, ce qui profite aussi à l’engrais vert » décrit-il.

Semer le plus tôt possible

Depuis deux ans, il a également choisi de laisser les bois de taille sur les rangs d’engrais verts. Le tout est broyé lors d’un premier passage en avril. « J’essaye de broyer deux semaines avant le stade 4-5 feuilles de la vigne pour que l’azote libéré par la dégradation du couvert soit disponible au bon moment », explique-t-il. Un second broyage est réalisé un mois plus tard, environ deux semaines avant le stade floraison de la vigne, là encore pour coller aux besoins en azote. La troisième repousse de l’engrais vert est broyée au moment adéquat pour éviter une concurrence hydrique avec la vigne. Une tondeuse intercep permet également à Cédric Carod de maîtriser le développement de la vesce.

Avec trois années de recul sur le semis d’engrais verts, le viticulteur saillanson estime qu’il faut vraiment chercher à semer le plus tôt possible, début septembre dans l’idéal. « Côté organisation, mieux vaut préparer ses mélanges de graines avant les vendanges » conseille-t-il. Il s’interroge aussi sur l’intérêt de passer en engrais vert sur l’ensemble des rangs. « Je suis en train de récupérer une parcelle que je compte conduire en agroforesterie, je pense y semer un couvert sur tous les rangs », confie-t-il. Dans ce cas, il envisage de réduire la densité de semis, qui s’élève pour l’instant à environ 250 kg/ha (soit 83 kg/ha de semences par hectare avec un couvert un rang sur deux*).

S.Sabot

* Sur une parcelle, le rang de vigne occupe environ un tiers de la surface, soit deux-tiers de surface en inter-rang.

Un semoir sur mesure pour les engrais verts
Christophe Corbet compte faire évoluer son semoir en installant des dents à ressorts pour s’adapter aux parcelles riches en cailloux.

Un semoir sur mesure pour les engrais verts

Quel semoir pour réussir son couvert végétal dans les vignes ? La question se pose bien sûr dès lors que l’on souhaite passer à la pratique de l’engrais vert. Christophe Corbet, qui exploite 5 ha de vignes sur la commune de Saillans et alentours, a choisi de fabriquer lui-même son équipement. « J’ai suivi une formation avec la coopérative d’autoconstruction L’Atelier Paysan en 2016. Je disposais des plans d’un viticulteur du Jura qui avait réalisé un semoir de ce type. En une semaine, j’ai pu réaliser mon propre matériel. Je peux désormais le faire évoluer moi-même si besoin », explique le viticulteur. Ce semoir « maison » se compose d’un cadre de 1,5 m de large, avec sept dents, en T inversé, pour ouvrir des petits sillons. Sept tuyaux permettent d’amener les graines dans les sillons depuis un microgranulateur à distribution électrique. Devant, des disques préparent le sol et derrière des roues referment les sillons. « Ce système est prévu pour faire du semis direct. Comme je sème mon engrais vert un rang sur deux, le rang enherbé naturellement, sur lequel je vais semer en septembre, est quand même travaillé fin mai » précise Christophe Corbet. 

Coût de la formation et coût des matériaux inclus, il estime que la construction de son semoir lui est revenu à 3 000 euros en 2016, tandis qu’un de ses collègues a réalisé le même matériel pour 5 000 euros l’année dernière.

Un premier test spectaculaire

Pour son engrais vert, il utilise un mélange de trois légumineuses (féverole, vesce et trèfle incarnat), deux graminées (avoine et seigle) et une crucifère (moutarde). « Depuis que j’ai le semoir, je sème un rang sur deux sur l’ensemble de mes vignes. J’ai testé les engrais verts depuis 2011 sur une parcelle qui était une ancienne forêt et qui avait été trop décapée au moment de la plantation. La vigne n’y poussait pas. Alors j’ai tenté un apport de fumier et l’engrais vert. C’est reparti de façon spectaculaire, ça m’a donné envie de continuer » confie-t-il. 

Il sème son mélange après les vendanges, souvent fin septembre. « J’ai suivi une formation récemment où on nous incitait à semer plus tôt, début septembre si possible », indique-t-il. Il reste cependant persuadé que le secret de la réussite, c’est une bonne pluie après le semis. « Le pire, c’est une petite pluie, qui va commercer à faire sortir l’engrais vert, et puis plus rien derrière », commente le viticulteur. Au printemps, il se contente d’un à deux broyages de son engrais vert, le plus tardivement possible, souvent vers la fin mai, quand les plantes ont grainé. « Je cherche à étaler la floraison parce que j’ai aussi des ruches. Dès fin février, la moutarde est en fleur, ensuite la féverole prend le relais, puis la vesce », ajoute Christophe Corbet. Avant de conclure : « Favoriser la biodiversité en aérien m’intéresse tout autant que ce qui se passe à l’intérieur du sol grâce aux engrais verts ».

S.Sabot