Témoignages
Petit épeautre de Haute Provence : Il y a de la place pour d'autres producteurs

Le petit épeautre de Haute-Provence bénéficie d'une indication géographique protégée (IGP) depuis 2009 pour le grain et depuis 2010 pour la farine. La récolte 2021 a concerné 520 hectares soit environ 1 000 tonnes de grains bruts et 600 de grains décortiqués. Aujourd'hui, afin d'accroître ses volumes, la filière recherche des producteurs. Témoigages de deux producteurs et d'opérateurs.

Petit épeautre de Haute Provence : Il y a de la place pour d'autres producteurs

Fabien Begnis, producteur à Sainte-Jalle

« Une céréale rustique très bien adaptée à nos zones de montagnes sèches »

Fabien Begnis (ici avec son fils Clément), défend une filière petit épeautre de Haute-Provence « non hybridée et non manipulée génétiquement ».

A Saint-Jalle, Fabien Begnis cultive du petit épeautre de Haute-Provence depuis qu’il s’est installé en 1984. « Lorsque j’ai repris l’exploitation de mon beau-père en 1984, il y avait déjà du petit épeautre, se souvient-il. C’est une céréale rustique très bien adaptée à nos zones de montagnes sèches, elle tire mieux son épingle du jeu que le blé. » Aujourd’hui, avec son fils Clément installé en 2018 et qui fabrique du pain, il cultive une dizaine d’hectares de petit épeautre de Haute-Provence, ce qui représente un tiers du revenu du Gaec Gramoureau et Mazelière. Blé, lentilles, pois chiches et fourrage de légumineuses assurent le reste. La création d’un moulin en 1992 permet de transformer une partie des grains récoltés en farine de petit épeautre.

Fabien Begnis a fait le choix de vendre en direct. « Je travaille depuis 25 ans avec la centrale d’achat U proximité France, qui alimente les petits magasins de proximité de l’enseigne U, indique-t-il. Mais aussi avec des magasins bio locaux, des cantines d’écoles du Sud-Drôme et sur le marché de Sainte-Jalle l’été ainsi que de la vente à la ferme, sur commande. Commercialiser moi-même assure la rentabilité économique de l’exploitation », confie-t-il.

Fervent défenseur d’une semence de petit épeautre de Haute-Provence « non hybridée », il se réjouit de l’image de naturalité très forte de cette céréale et de son développement. « Il y a de la place pour d’autres producteurs et c’est même bon signe que d’autres s’y intéressent, dit-il. En plus, c’est une production transmissible, ce qui favorise le maintien des exploitations de notre territoire. »

Jean-Baptiste Sylvestre, producteur à Bellegarde-en-Diois

« Des rendements stables d’année en année »

Sur le plan économique, « le petit épeautre constitue un revenu essentiel à notre exploitation », confie Jean-Baptiste Sylvestre.

A Bellegarde-en-Diois, « le petit épeautre de Haute-Provence se prête bien aux terrains pauvres et secs situés à 1 000 mètres d’altitude », estime Jean-Baptiste Sylvestre. En Gaec avec sa compagne depuis 2019, l’exploitation conduite en bio compte environ 75 hectares (ha) de terres labourables. Un tiers est consacré aux céréales transformées en farine. Un autre tiers à des productions fourragères et le reste à des plantes à parfums et aromatiques (aneth, sauge sclarée, coriandre et lavande). La culture du petit épeautre représente 9,5 ha. La majorité (7 ha) est produite à Recoubeau-Jansac, là où s’était installé Jean-Baptiste en 2012. « Là, comme nous sommes hors de la zone IGP, le petit épeautre est transformé en farine, sur mon moulin, indique-t-il. Je la vends directement à plusieurs boulangers du Diois. » La production de Bellegarde-en-Diois (2,5 ha), en zone IGP elle, est vendue à Bioengrain, transformateur. Les associés du Gaec Sylvestre projettent cependant de transformer eux-mêmes lorsqu’ils auront déménagé leur moulin à Bellegarde-en-Diois.

Sur le plan économique, « le petit épeautre constitue un revenu essentiel à notre exploitation », confie Jean-Baptiste Sylvestre. Il incite d’autres producteurs à se lancer dans cette production. « L’itinéraire technique n’a rien de plus complexe qu’une autre céréale et les rendements du petit épeautre sont stables d’année en année, et ce quelle que soit la météo, ajoute-t-il. En plus, l’IGP tire la filière vers le haut et ce serait bien que d’autres nous rejoignent pour la faire croître car il y a des besoins en volumes. » Pauvre en gluten, le petit épeautre fait en effet des émules chez les boulangers.

 

Vincent Clary, président de Bioengrain

« L’IGP apporte de la résilience à la filière et de la durabilité »

A Montguers, Vincent Clary, président de Bioengrain, devant l'unité de décorticage.

Créée en 2017, la SAS Bioengrain située à Montguers, dans la vallée de la Haute-Ouvèze, travaille à façon le petit épeautre. Le capital de cette entreprise est réparti équitablement entre producteurs (48 % pour les trente exploitations en zone IGP petit épeautre de Haute-Provence) et les entreprises Moulin Pichard (24 %) et Ekibio (24 %), respectivement situées dans les Alpes-de-Haute-Provence et l’Ardèche. Les 4 % restants sont détenus par Vincent Clary, président de Bioengrain. « Nous proposons à chaque producteur un contrat de trois ans, durée pendant laquelle nous nous engageons à prendre la récolte. Un prix minimum est garanti, lequel est assorti d’un prix de campagne, explique Vincent Clary. Par ailleurs, avec Ekibio et Moulin Pichard, nous sommes engagés dans une convention de partenariat pluriannuelle Biopartenaire® définissant un programme de développement de la filière IGP petit épeautre de Haute-Provence. Concrètement, cela consiste à définir les besoins en surface et à faire des prévisions de récolte. » Bioengrain traite 1 000 tonnes de petit épeautre bio, dont 600 en IGP. « La surface de petit épeautre IGP a augmenté de 150 hectares cette année. Et avec une jolie récolte, c’est la première année où l’on est fourni convenablement », se réjouit le président de Bioengrain. L’objectif est de faire croître encore cette surface IGP, et donc les volumes produits. « L’IGP apporte de la résilience à la filière et de la durabilité dans la relation commerciale », assure Vincent Clary.

 

Bernard Martin, directeur des filières d’Ekibio

« Nous valorisons 300 tonnes de petit épeautre de Haute-Provence »

« L’histoire du petit épeautre de Haute-Provence a débuté il y a 25 ans avec six producteurs pionniers. Aujourd’hui, on en dénombre quatre-vingt, fait remarquer Bernard Martin, directeur des filières chez Ekibio.

Créée à Peaugres (07) en 1988, l’entreprise Ekibio (ex-Euro-Nat) a connu en trente ans un extraordinaire développement. Avec un chiffre d’affaires de 100 millions d’euros et 250 collaborateurs, elle transforme et valorise 17 000 à 18 000 tonnes de céréales, légumineuses et oléoprotéagineux bio commercialisées sous ses marques Priméal (la plus ancienne), Le pain des fleurs et Bisson. L’ensemble de la production est vendue en magasins spécialisés (Satory, Biocoop, Naturalia…)

« Nous valorisons 300 tonnes de petit épeautre de Haute-Provence, soit presque la moitié des 750 tonnes produites en IGP », indique Bernard Martin, directeur des filières chez Ekibio. L’entreprise s’approvisionne auprès de Bioengrain, dont elle détient 24 % des parts. Ekibio commercialise le petit épeautre de Haute-Provence sous diverses formes : sachet de grains, en boulgour, pâtes, en mélange dans des salades traiteur, du taboulé...

« L’histoire du petit épeautre de Haute-Provence a débuté il y a 25 ans avec six producteurs pionniers. Aujourd’hui, on en dénombre quatre-vingt-cinq, fait remarquer Bernard Martin. Nous accompagnons un développement raisonné de cette filière, avec une parfaite maîtrise du produit. » Ekibio est engagée dans le commerce équitable via le label Biopartenaire©. « Cela permet de s’inscrire dans une relation durable avec les producteurs, avec une juste rémunération », précise-t-il, avant d’ajouter : « Le marché du petit épeautre de Haute-Provence est en plein développement. C’est un produit avec une très forte identité. »

 

Sandrine Faucou, présidente du syndicat du petit épeautre de Haute-Provence

« Protéger et faire prospérer l’IGP »

« Nous œuvrons pour que l’IGP soit source de valeur pour les producteurs, assure Sandrine Faucou, présidente du syndicat du petit épeautre de Haute-Provence.

« En tant qu’organisme de défense et de gestion (ODG), le syndicat a pour but de veiller à la mise en place et au suivi du cahier des charge et des plans de contrôle des deux IGP (grain et farine) ainsi qu’à leur protection. Notre rôle est aussi de fédérer les producteurs en IGP petit épeautre de Haute-Provence, rappelle la présidente, Sandrine Faucou, agricultrice sur la commune de Vachère (04). Il est important de faire prospérer cette production emblématique. Pour cela, elle doit être créatrice de valeur pour nos adhérents et notre territoire. D’autres actions vont être mises en œuvre comme le suivi technique chez les producteurs en partenariat avec Arvalis », ajoute-t-elle avant d’annoncer la tenue, en octobre, de six réunions réparties sur la zone IGP « pour aller à la rencontre des adhérents ».

Ensemble des propos recueillis par Christophe Ledoux