Prévoir et gérer l’imprévisible face aux aléas

Organiser le temps de travail de ses salariés est souvent un casse-tête pour les exploitants agricoles. En effet, une durée légale hebdomadaire de trente-cinq heures et des métiers soumis à la saisonnalité et aux aléas climatiques donnent du fil à retordre aux employeurs agricoles notamment en pleine période de récoltes maraîchères, arboricoles ou encore céréalières où le travail doit être fait sur de courtes périodes. « Nous travaillons avec du vivant. Nous devons prévenir les orages de grêle qui peuvent ruiner les productions ou encore faire face à des récoltes moins abondantes que prévues », rappelle Claire Merland, présidente de la commission emploi de la FRSEA. Pour faire face à ces contraintes inhérentes aux métiers agricoles, un accord national du 23 décembre 1981 concernant la durée du travail dans les exploitations et entreprises agricoles instaure la possibilité d'annualiser la durée du travail des salariés sur les exploitations. « Sur mon exploitation maraîchère à Saint-Fortunat-sur-Eyrieux en Ardèche nous employons treize salariés permanents et, nous avons signé un accord d'entreprise pour la mise en place de l'annualisation des 35 heures. Nous établissons un planning annuel. Ainsi, mes salariés permanents travaillent en hiver seize heures par semaine pour l'entretien des parcelles. Lors de l'entrée en production des cultures, leur durée de temps de travail hebdomadaire passe progressivement de trente-deux à quarante heures. Nous fermons également généralement deux semaines en novembre. Ainsi, sur les douze mois, les salariés auront travaillé en moyenne 35 heures par semaine, explique Claire Merland. L'annualisation fonctionne sur mon exploitation car l'ensemble de nos cultures est sous serres. Nous sommes moins soumis aux aléas. »
L'annualisation difficile
Toutefois, l'annualisation est plus difficile à mettre en œuvre pour certaines productions. « Les arboriculteurs, par exemple, sont davantage soumis aux contraintes climatiques et à la saisonnalité de leur production. La météo reste une science relativement inexacte. Leur cycle de récolte est plutôt court. Ils fonctionnent donc beaucoup avec des saisonniers. Si en théorie l'annualisation est possible pour les saisonniers, via un accord de 2002, en pratique elle est difficile à mettre en place », ajoute l'exploitante ardéchoise. En effet, il est obligatoire de convenir d'heures de compensation pour que la durée hebdomadaire moyenne de travail sur la période du contrat soit égale à trente-cinq heures.
« Avoir un peu de souplesse »
Ainsi, nombreux sont les agriculteurs à ne pas faire le choix de l'annualisation. « Les employeurs tombent dès lors dans le cadre légal classique du Code du travail où le processus d'heures supplémentaires est déclenché dès la 36e heure travaillée », explique Claire Merland.
Ce seuil de déclenchement des heures supplémentaires est un frein à la compétitivité des exploitations pour la présidente de la commission emploi de la FRSEA. « Si nous voulons continuer à être compétitif, des solutions doivent être trouvées pour aménager le temps de travail. L'agriculture est l'un des milieux professionnels qui comptabilise le plus grand nombre d'heures de travail supplémentaires, nous devons faire avec la saisonnalité de nos productions et les aléas climatiques. Déclencher les heures supplémentaires dès la 36ème heure travaillée est une aberration en agriculture. Une souplesse en France serait appréciable. Cela nous permettrait de raisonner différemment notre organisation du travail, poursuit Claire Merland. De plus, nous devons tenir à jour pour chaque salarié une feuille où sont indiquées ses heures effectives de travail. Les pauses sont décomptées. La gestion papier est énorme. »
Quarante-huit heures par semaine maximum
Par ailleurs, les employeurs agricoles doivent également prendre garde que leurs salariés ne dépassent pas la durée maximale légale de travail hebdomadaire qui, en France, est de quarante-huit heures. Les salariés ne doivent pas travailler plus de dix heures par jour et jouir d'une journée de repos hebdomadaire de vingt-quatre heures. Le repos entre deux journées de travail doit être de onze heures minimum. Après dérogation de l'inspection du travail, la durée de travail hebdomadaire maximale peut être de soixante heures et la durée de travail quotidienne de douze heures. Les employeurs agricoles doivent également, depuis le 1er janvier, prendre en compte dans l'organisation de leur travail d'autres contraintes. De nouvelles mesures, dont l'ouverture d'un compte pénibilité pour tous les salariés exposés à un ou plusieurs facteurs de pénibilité au-delà d'un seuil d'exposition prédéfini, ont été instaurées compliquant encore un peu plus l'organisation du travail sur une exploitation.
Marie-Cécile Seigle-Buyat