Accès au contenu
Syndicalisme

Prix agricoles : « il faut arrêter la destruction de la valeur »

La FDSEA a convié Mireille Clapot, nouvelle députée de la Drôme, sur une exploitation arboricole et viticole. Retards de versement des aides Pac, main-d'œuvre, guerre des prix ou encore effets de la pression foncière ont alimenté la rencontre.
Prix agricoles : « il faut arrêter la destruction de la valeur »

Après les élections législatives de juin, le visage des quatre députés de la Drôme a changé. Aussi, et afin de leur exposer certaines problématiques agricoles, la FDSEA a invité chacune des quatre nouvelle parlementaires à une rencontre sur le terrain. La troisième de ce type s'est déroulée lundi dernier avec Mireille Clapot, députée de la première circonscription de la Drôme. Rendez-vous avait été donné en fin de journée à l'EARL La Pêcheraie, à Mercurol-Veaunes. Sous le hangar abritant la station de conditionnement de fruits, Gilbert Betton a présenté l'exploitation créée en 1991 avec son frère Marc. Les a rejoint en 2010 Julien, le fils de Gilbert. « Nous travaillons en famille », a-t-il fait remarquer avant d'évoquer un premier dossier : le retard de versement des aides à l'assurance récolte et aux investissements de protection des cultures (filets paragrêles...). « Pour une exploitation comme celle-ci, ces aides peuvent représenter 30 à 40 000 euros, ce qui est loin d'être neutre sur les trésoreries », a expliqué Grégory Chardon, président de la FDSEA de la Drôme.

Des aides qui n'arrivent pas à temps

Les producteurs se sont exprimés, la députée les a écouté et a pris des notes, promettant d'agir.
© Journal L'Agriculture Drômoise

« Avec les aides de la Pac, les exploitants ne savent plus où ils en sont, a déploré Pierre Combat, président de l'AOP Crozes-Hermitage. Un tel dysfonctionnement n'est pas acceptable. » La quasi-totalité des exploitations, quelles que soient les filières, est concernée par cette problématique. En fruits, « avec des prix de vente à la production trop bas, ces retards de versement aggravent l'état des trésoreries et donc la rentabilité des exploitations », a fait remarquer Grégory Chardon. « Cela n'incite pas aussi à s'assurer ou se protéger contre les aléas climatiques », a ajouté Pierre Combat. « D'où la mise en place de projets collectifs tels que l'installation de canons anti-grêle, beaucoup moins onéreux que des filets », a glissé Philippe Chirouze, membre du bureau de la FDSEA (voir encadré).
La députée a cherché à comprendre l'origine de ces retards. En réponse, les responsables syndicaux ont évoqué l'accroissement de la complexité des dossiers et le manque de personnels à la DDT. Mireille Clapot s'est engagée à questionner le ministre de l'Agriculture.

CICE et dispositif TO/DE à conserver

Les producteurs se sont exprimés, la députée les a écouté et a pris des notes, promettant d'agir.
© Journal L'Agriculture Drômoise

Autre sujet abordé lors de cette rencontre, la difficulté à recruter des salariés. « S'il n'y avait pas les étrangers, on ne trouverait personne », ont fait remarquer plusieurs exploitants. Comme l'a indiqué Grégory Chardon, la main-d'œuvre saisonnière représente 30 000 contrats en Drôme. Mireille Clapot a questionné sur le travail détaché. « Dans le département, on dénombre environ un millier de contrats et tous ne sont pas dans le secteur agricole », lui a-t-on répondu. Selon Bruno Darnaud, administrateur de la FDSEA et président de l'AOP pêches et abricots de France, deux raisons expliquent le recours à cette forme de travail. « D'abord la faible disponibilité de salariés français. Ensuite, la simplicité administrative de ce modèle. »
Le coût de la main-d'œuvre, au regard des coûts de production, a aussi été évoqué. « Nous avons besoin de prix rémunérateurs pour payer les charges, a dit Grégory Chardon. Et comme nous l'avions déjà demandé lors de la campagne des élections législatives, il est nécessaire de maintenir le CICE et le dispositif TO/DE. » L'annonce par le gouvernement du basculement du crédit d'impôt compétitivité emploi en baisse des charges inquiète donc la FDSEA. « Sur les travailleurs occasionnels, le niveau des charges patronales est très faible, a expliqué Bruno Darnaud. Les exploitants employeurs de main-d'œuvre seraient donc perdants en cas de baisse des charges. » Quant au dispositif « travailleur occasionnel / demandeur d'emploi », Grégory Chardon a prévenu : « S'il disparaît, on est mort ».

Une contractualisation très compliquée

Prenant note de ces inquiétudes, Mireille Clapot est revenue sur les difficultés à obtenir des prix rémunérateurs en agriculture. Elle a parlé des Etats généraux de l'alimentation (EGA) dont l'un des enjeux est la juste rétribution des agriculteurs, ainsi que de la demande du chef de l'État d'une meilleure structuration interprofessionnelle des filières. « Du fait de la très grande variabilité des coûts sur les exploitations (vergers, stations) et des prix de vente à la production, la contractualisation en fruits et légumes est très compliquée, a confié Bruno Darnaud. Il y a trop d'écarts, trop de situations différentes. » Et d'ajouter : « Les prix bas sont un problème et on atteint des limites. Il faut que les consommateurs acceptent de payer quelques centimes de plus. » La guerre des prix que se mènent les groupes de la grande distribution, toujours enclins à acheter moins cher, a été évoquée. De même que le caractère périssable des fruits et légumes, qui ne permet pas d'agir sur le marché. Une voix a porté l'idée du coefficient multiplicateur. « Il faut arrêter la destruction de valeurs », a conclu Grégory Chardon.

Christophe Ledoux
Repères /
EARL La Pêcheraie
Les trois associés de l'EARL La Pêcheraie : Gilbert Betton entouré de son frère Marc (à droite) et son fils Julien (à gauche).
© Journal L'Agriculture Drômoise
Trois associés.
20 hectares de pêchers-nectariniers, 10 d'abricotiers.
10 hectares de vignes en AOC Crozes-Hermitage.
1 station de conditionnement.
50 salariés saisonniers : 30 en cueillette, 20 en station.
Fruits commercialisés dans différents circuits : grossistes, GMS, détail.
Raisins livrés à la Cave coopérative de Tain.

 

Viticulture /

Maîtriser les volumes et les terres

Lors de cette rencontre avec la députée Mireille Clapot, Pierre Combat a fait le point sur la forte baisse des volumes consécutive aux aléas climatiques de cette année sur différents vignobles drômois. Puis, après avoir présenté l'appellation Crozes-Hermitage et notamment la politique de gestion des autorisations de plantation, il a souligné la nécessité de « savoir faire progresser les volumes en fonction des possibilités de marchés ».
Par ailleurs, il s'est inquiété de l'augmentation du prix du foncier, élément pouvant compromettre la transmission d'exploitations. Face aux investisseurs financiers qui désormais s'intéressent aussi aux petits domaines, Pierre Combat souhaite que le législateur augmente les possibilités d'interventions de la Safer. Le président de la FDSEA a, lui, pointé la forte pression foncière le long de la Vallée du Rhône. Et Philippe Chirouze a regretté des politiques locales qui favorisent des friches industrielles. « La pression foncière s'exerce aussi sur les terres nues », a-t-il fait remarquer. Une situation qui raréfie aussi les terres en fermage.
C. L.

 

Protection anti-grêle /

Les canons de la discorde

L'installation de canons anti-grêle sur le secteur de Mercurol-Veaunes a fait l'objet d'un long échange entre la députée, largement sensibilisée par des riverains en colère, et les producteurs. Ces derniers on expliqué les ravages d'un épisode de grêle. « Quatre ans d'affilée, j'ai pris la grêle, a témoigné un arboriculteur. Cette année, j'ai fait une première récolte sur des arbres de huit feuilles ! » Jean-Raphaël Betton, vice-président du GIE regroupant 42 exploitants ayant investi dans plusieurs canons, a justifié ce type d'installation. « Sur l'année, l'ensemble des canons aura fonctionné seulement sept heures. On protège nos cultures et donc l'économie et les emplois qui vont avec. Il faut que les gens en soient conscients. On ne tire pas par plaisir car cela a un coût et nous réveille aussi lorsque c'est en pleine nuit. » A été aussi expliqué l'écart de niveau d'investissement : environ 20 000 euros à l'hectare pour des filets paragrêles contre 1 500 pour le canon.