Projet de plan loup : « une reculade »

En Drôme, les loups ont causé la mort ou disparition de 750 moutons en 2017*. Nicolas Peccoz, co-président de la fédération départementale ovine (FDO) de la Drôme, l'a rappelé en ouverture d'assemblée générale, le 6 février à Crest. Et la version finale du projet de plan loup 2018-2023, soumise à consultation publique en janvier, vise un objectif de 500 loups en France d'ici cinq ans. « On en a ras-le-bol, l'élevage n'est pas considéré », a déploré Nicolas Peccoz. Pour la profession, les deux principaux points de blocage sont la conditionnalité des indemnisations à la mise en œuvre de mesures de protection et la réduction des tirs de prélèvement. Elle revendique le droit de tirs de défense des troupeaux avec fusils à canon rayé dès la première attaque de loups sur tous les territoires, y compris dans les Parcs naturels.
Des corrections à la marge ?
Nicolas Peccoz voit ce projet de plan loup comme « un recul de dix ans en arrière. Le gouvernement se fiche de nous. L'animal passe avant l'humain. Quelle catégorie socio-professionnelle est prête à renoncer à ses acquis sociaux pour préserver une espèce même pas menacée à l'échelle européenne ni mondiale ? »
Ce projet, Claude Font, responsable du dossier prédation à la fédération nationale ovine (FNO), le considère aussi comme « une reculade. Il évolue dans le mauvais sens, avec des mesures de protection des troupeaux et non plus de préservation de l'élevage. Nous ne baissons pas les bras, conduisons des actions politiques mais nous nous heurtons au mur du ministre de la Transition écologique. » Dans le nouveau plan, par rapport au projet, « à mon avis, les modifications seront à la marge », a-t-il ajouté.
Se débrouiller seuls ?
« Notre métier est en train de mourir, a encore observé Nicolas Peccoz. Nous serons obligés de plonger dans l'illégalité la plus totale pour le défendre. » Alain Baudouin, vice-président de la FDO, a appuyé : « Si l'Etat ne prend pas ses responsabilités avec les loups, les éleveurs finiront par se débrouiller seuls et les conséquences pourraient être bien plus graves ». Et l'autre co-président, François Monge, a insisté : « Si l'Etat ne met pas les moyens, il va y avoir un drame humain, entre les patous, les éleveurs à bout... ».
Des soutiens
Maires, députés, sénateurs, Département, Région apportent leur soutien à l'élevage sur le dossier du loup. « Le loup est peut-être une belle bête mais une sale bête pour les éleveurs », a noté André Gilles, vice-président du Département en charge de l'agriculture, à l'assemblée de la FDO. Il y a été rappelé que le Parc naturel du Vercors - dont le président et le vice-président en charge de la biodiversité, Jacques Adenot et Michel Vartanian, assistaient à cette assemblée - reconnaît, dans une motion, la pression exercée par ce prédateur, le besoin de protéger le pastoralisme, une cohabitation problématique avec l'élevage et souhaite une clarification sur l'hybridation des loups.
Le Parc naturel des Baronnies provençales, lui, a écrit au Premier ministre pour demander d'inverser le principe de protection dans le prochain plan loup. Et le parlement européen a pris une résolution en novembre sur un plan d'action pour le milieu naturel, la population et l'économie : les députés constatent que certaines directives sont devenues des menaces pour quelques espèces et les animaux d'élevage en particulier.
Des intérêts communs
Ayant un agrément au titre de la protection de l'environnement, la fédération des chasseurs (FDC) de la Drôme ne peut être contre la présence du loup si son retour est naturel ou officiellement ordonné par l'Etat, a expliqué son président, Rémy Gandy. Mais une présence trop grande et l'abandon du pastoralisme conduirait à une disparition de certaines espèces. Il a dit comprendre la détresse des éleveurs et les rejoindre sur les risques d'abandon du pastoralisme en zone de moyenne montagne : « Nous avons des intérêts communs. Le petit gibier a besoin d'espaces ouverts. Si vous abandonnez ces secteurs, ils s'embroussailleront et les sangliers s'installeront. Nous n'y tenons pas. [...] Il est constaté aussi que, si le loup est bien présent sur un territoire, les grands animaux comme les cerfs ont tendance à fuir temporairement. Si ceux-ci se concentrent sur un autre secteur et causent des dégâts à des cultures, nous devons les indemniser. »
La FDO a salué ces soutiens, espéré qu'ils soient entendus par le gouvernement et que cela se traduise par des actions concrètes en faveur de l'élevage.
A cette assemblée encore, Nicolas Peccoz a annoncé qu'il laissait la co-présidence, « n'ayant plus assez de temps à consacrer à la FDO ». Lui et François Monge ont dit le plaisir d'avoir travaillé ensemble en bonne intelligence.
Annie Laurie
* 170 attaques de loups dans la Drôme en 2017 (contre 128 en 2016) ; 571 animaux indemnisés (403 en 2016).
Parmi les autres sujets

Le prix de l'agneau se maintient, a indiqué François Monge, co-président de la FDO. Par rapport à l'année dernière à la même époque, il est supérieur de 50 centimes d'euro.Autofinancement
Pour compenser la baisse des aides, la FDO s'emploie à accroître son autofinancement en développant des services. Ainsi, un appui administratif sur les dossiers Pac est proposé aux adhérents. En plus de l'habituelle collecte de laine de juin, une deuxième a été organisée en mars. Par ailleurs, un projet « brebis et Clairette de Die » (sur trois ans), soutenu par l'Agence de l'eau, a été mis en place pour étudier les possibilités de pâturage des vignes par les moutons. Les résultats d'un premier essai (automne 2017) seront connus ce printemps...Plan départemental ovin
Le plan départemental ovin accompagne les éleveurs dans l'amélioration de la productivité de leur troupeau sur l'appui technique, l'achat d'équipements et de petit matériel. Il est un succès : chaque année, toute l'enveloppe octroyée par le Département est consommée. En 2017, une vingtaine d'éleveurs en ont bénéficié.Sécurisation de la production fourragère
Jean-Pierre Manteaux, conseiller à la chambre d'agriculture de la Drôme, a donné des pistes pour améliorer l'autonomie alimentaire du troupeau. « La résistance au changement climatique se fera en combinant différents types de ressources fourragères », a-t-il dit : diversifier l'assolement, renouveler les prairies temporaires, utiliser des mélanges (prairies multi-espèces et méteils), cultures à double fin (méteil grain, méteil fourrage, méteil pâture), doubles cultures (méteil pâture ou foin et sorgho BMR multi-coupe, méteil pâture ou foin et culture dérobée pâturable...), surfaces tampons (glandées, dérobées chez des voisins). Autres voies d'adaptation : date de mise à l'herbe selon la somme de températures, récolte ou non des méteils en fourrage, cultures dérobées, rénovation des prairies naturelles (sursemis, apport de fumier...).Sanitaire
Le directeur de la DDPP (direction départementale de la protection des populations), Bertrand Toulouse, a fait un point sur la fièvre catarrhale ovine (voir page 19 de L'Agriculture Drômoise du 18 janvier), la brucellose (dépistage tous les cinq ans, sauf pour les cheptels transhumants collectivement) et la visite sanitaire des petits ruminants par un vétérinaire sanitaire (chaque année la moitié des cheptels drômois de plus de 50 brebis ou 25 chèvres).A. L.
RégionLe plan de filière ovin viande

La foire aux béliers de Crest
