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Vins des Côtes-du-Rhône

Protéger et diversifier les Côtes-du-Rhône

Face à un essoufflement des ventes, lié à la premiumisation, l’appellation Côtes-du-Rhône entend jouer la carte de la diversification des couleurs, des circuits et du bio. Réuni dernièrement en assemblée générale, le syndicat général a annoncé aussi la mise en place d’un timbre de garantie pour protéger son nom.
 Protéger et diversifier les Côtes-du-Rhône

«Comme l'ont fait les appellations Bordeaux et Champagne, nous choisissons de protéger notre nom via la digitalisation », annonce Philippe Pellaton. Le président du syndicat général des Côtes-du-Rhône a fait lors de ce sujet une priorité, en France et à l'international, pour sa mandature. Pour protéger son nom, le syndicat a co-écrit avec l'Inao* un guide didactique distribué aux metteurs en marché du Sud-Est afin de les sensibiliser. « De plus, nous travaillons désormais à la mise en place d'un plan d'actions, avec le service juridique de l'Inao, en particulier vers les Etats-Unis et la Suisse », a précisé Laurent Jeanneteau, directeur.

« La digitalisation permet de donner la parole à vos bouteilles », explique Damien Guille, de Tesa Scribos.

Enfin, la mise en place d'un timbre de garantie vient aujourd'hui compléter le dispositif : la société Tesa Scribos (issue du groupe allemand Tesa spécialiste de l'adhésif) est venue en présenter l'aspect technique et le partenariat. Un timbre rectangulaire autocollant, à placer sur la contre étiquette ou le long du col, comporte un code holographique unique pour chaque bouteille, comprenant différents niveaux de sécurité. « L'objectif est d'abord de faire parler vos bouteilles, de garantir sa provenance et aussi de recréer du lien entre le consommateur et le producteur. Vous recevrez l'information du lieu où a été scannée votre bouteille. Et le consommateur aura accès à des informations complémentaires : questionnaire de satisfaction, jeux concours, précisions sur le vin, proposition de le guider vers le point de vente le plus proche... », explique Damien Guille, de Tesa Scribos. Un premier engagement de cinq millions de timbres est déjà décidé, chacun pourra commander en ligne ses rouleaux de timbres. L'efficacité et la visibilité grandiront avec le nombre d'utilisateurs.

Essoufflement de l'appellation régionale

« La tendance à l'essoufflement du marché des côtes-du-rhône rouges, observée ces cinq dernières années, est une conséquence de notre choix de premiumisation. Nous nous sommes fermés aux marchés premier prix. C'est pourquoi nous devons l'assumer et adopter, dans le temps, des stratégies d'entreprises pour transférer l'attractivité sur le rosé. Restons donc vigilants, sans trop d'inquiétudes, car nous ne sommes pas en situation de surstock non plus », a voulu rassurer Denis Guthmuller, secrétaire général du syndicat. À fin juillet, le stock de la campagne 2018-2019 affiche en effet 799 713 hectolitres (lire encadré).
« Face à ces quelques légers signaux d'alerte, donnons-nous des axes stratégiques ! Le bio est sur une croissance insolente. Le volume de "libre à la vente" disponible début juillet - relativement faible et doublé à un niveau de stock historiquement bas - est un indicateur rassurant sur l'aspect production », a remarqué Philippe Pellaton. Quant à l'aspect commercialisation, depuis deux ans, les volumes d'AOC rouge en GMS** sont en constante régression, contrairement aux blancs et rosés. De plus, cette décroissance des rouges ne paraît pas affecter les étages supérieurs de l'appellation. En effet, ni les « villages » ni les « crus » ne subissent cette régression.

Diversifier c'est anticiper

L’interprofession s’est positionnée pour une diversification de la production. Elle a déclaré vouloir réorienter son vignoble, historiquement rouge, vers une plus grande production de rosé et blanc. L’objectif, d’ici cinq à six ans, serait de passer à une répartition mieux équilibrée : 60 % de rouge, 25 à 30 % de rosé et 10 à 15 % de blanc.

L'interprofession s'est positionnée pour une diversification de sa production. Elle a déclaré vouloir réorienter son vignoble, historiquement rouge, vers une plus grande production de rosé et de blanc. La répartition actuelle est aux alentours de 85 % de rouge, 10 % de rosé et 5 % de blanc. L'objectif, d'ici cinq à six ans, serait de passer à une répartition mieux équilibrée : 60 % de rouge, 25 à 30 % de rosé et 10 à 15 % de blanc. À cette diversification de la couleur devrait se doubler une diversification des circuits afin de gagner des parts de marché à l'export, sur des circuits plus qualitatifs et mieux valorisés.
Autre signe encourageant, le recul du négoce de spéculation sur les volumes. L'heure est au négoce embouteilleur qui s'approvisionne tranquillement et « va chercher des parts de marché à l'export ». Michel Chapoutier, président d'Inter Rhône, a ainsi partagé sa vision de la situation : « La perte de volume suit la pyramide des âges inversée, cela va donc continuer. En revanche, ne gérez pas vos blancs comme vos rosés : arrêtez de les brader s'ils n'ont pas été vendus dans l'année car ils peuvent vieillir et être valorisés ! Et misez sur le bio ! ».
En effet, Denis Guthmuller a encouragé aux conversions en bio, « car cette tendance sociétale forte laisse présager une aussi forte consommation dans les années à venir ». D'ailleurs, le président de la nouvelle association Sud-Est Vin Bio a annoncé la mise en place du logo CAB (Conversion à l'AB) qui permettra aux adhérents de faire financer en partie par le consommateur le passage de l'exploitation au bio.

Rendements 2019 à la hausse

Les propositions de rendements 2019, qui seront soumises à l'Inao, ont été votées à la hausse concernant le rosé, montant de 51 à 55 hl/ha. « La stratégie Côtes-du-Rhône se met ainsi en place doucement », a souligné le président. Toutes les autres catégories restent en revanche aux valeurs du cahier des charges de l'appellation, avec, en rouge, la volonté « d'aller chercher le maximum de VCI disponible ».
Enfin, l'organisation de la lutte contre la flavescence dorée a fait débat car certaines zones souffrent de défaut de mobilisation. « Nos moyens sont dérisoires, alors que nous devons affronter de nouveaux foyers chaque année », a rappelé le président du syndicat de Valréas. Afin que la prospection soit effective dans tout le vignoble, une structuration, comme dans le Gard, devrait être mise en place.

Cécile Poulain

* Inao : institut national de l'origine et de la qualité.
** GMS : grandes et moyennes surfaces.

 

Quelques signaux de recul

En assemblée générale le 11 juillet à Roquemaure, le syndicat général des Côtes-du-Rhône a dressé un point de la campagne 2018-2019. Quelques signaux de recul apparaissent sur la commercialisation des Côtes-du-Rhône régionales rouges. La diversification et l’orientation vers le bio devraient y répondre.
Les sorties de chai des Côtes-du-Rhône régionales, à 1 030 554 hectolitres (hl) en mai 2019, sont en recul de 8 % par rapport à la période précédente. Les transactions de vrac restent en retrait, avec un prix moyen avoisinant 159 €/hl à fin juin 2019. « En bio, la comparaison des deux campagnes indique une baisse de volume des transactions pour les rouges mais un progrès de + 36 % sur les blancs et une envolée du prix moyen de + 30 à + 40 €/hl, passant à 227 €/hl en rouge et 231 €/hl en blanc », a souligné Éric Rosaz, délégué général d’Inter Rhône.
Les Côtes-du-Rhône villages sans nom géographique affichent les sorties de chais les plus basses, en recul de 12 % en mai 2019, avec 98 945 hl, et des transactions vrac en régression de 22 % à fin juin 2019, avec 80 376 hl, pour une valeur moyenne de 181 €/hl. En revanche, pour le bio, tous les indicateurs sont au vert : hausse des volumes moyens (+ 10 %), du prix moyen (à 264 €/hl, + 50 €/hl) et des transactions enregistrées (+ 18 %).
Pour les Côtes-du-Rhône villages avec nom géographique, les volumes sont en très légère baisse (- 2 %). Les prix se maintiennent bien, en moyenne autour de 223 €/hl à fin juin 2019, pour des transactions vrac en baisse de 6 %. En bio, transactions et volumes restent inchangés mais le prix moyen grimpe de 230 à 260 €/hl.
Par ailleurs, les ventes en GMS suivent la tendance nationale, avec une baisse de 8 % en volume et de 4 % en valeur. « Ceci est dû au fait de la mévente des rouges, qui représentent 89 % des ventes en GMS. Car blancs et surtout rosés progressent, en volume et valeur », a précisé Éric Rosaz. Même tendance pour les villages. À l’export, les situations sont très contrastées : les Etats-Unis restent la première destination malgré une baisse en volume et valeur pour le CDR régional rouge et rosé, tandis que le Royaume-Uni progresse. « Le marché chinois gagne en valeur, même s’il ne fait pas encore partie du trio de tête. Pour les CDR villages, en revanche, les exportations augmentent nettement vers les Etats-Unis. » n
C. P.