Quand la biodiversité et l’élevage ne font qu’un

«On entend souvent dire que les agriculteurs massacrent la biodiversité. A travers ce concours des pratiques agroécologiques (prairies fleuries) 2019, nous voulons justement montrer que l'activité agricole favorise la biodiversité », a prévenu Jean-Luc Langlois, chargé de mission agriculture au Parc naturel régional du Vercors, en charge de l'organisation de ce concours aux côtés de la communauté de communes du Diois.
Sur le territoire des hauts contreforts diois du Parc du Vercors, un jury d'experts a analysé, en juin dernier, douze parcelles riches en espèces végétales (sept en prairies de fauche, cinq en prairies pâturées) et destinées à la production de fourrage pour les animaux. L'objectif de ce concours est tout d'abord de valoriser les pratiques agricoles qui s'appuient sur la biodiversité mais aussi de faire reconnaître l'importance des pratiques d'élevage dans les territoires ainsi que de relier la qualité environnementale des prairies et la qualité des produits. « Il ne s'agit pas de noter la biodiversité des prairies mais la valorisation des synergies entre les qualités agronomique et environnementale et les attentes de l'éleveur », a annoncé Grégory Loucougaray, membre du jury. Les éleveurs ont également reçu de nombreux conseils techniques.
De ce concours, sont sortis vainqueurs Patrick Beaume (Lus-La Croix-Haute, prairie de fauche) et Mayeul Géry (Glandage, prairie pâturée). Les deux lauréats se rendront au Salon international de l'agriculture 2020 et porteront les couleurs du Vercors au Concours général agricole. L'an prochain, le concours local se fera dans la Vallée de Quint.
Des bénéfices réciproques
Dans le cadre de cette remise de récompenses, le 2 octobre à Boulc, les organisateurs ont proposé une table ronde sur le thème « La biodiversité et l'élevage, quelles synergies et quels intérêts pour les éleveurs ? » en présence de Grégory Loucougaray, chercheur à l'Irstea* au sein de l'unité de recherche « écosystèmes montagnards » et président du conseil scientifique du Parc naturel régional du Vercors, ainsi que de Jean-Pierre Manteaux, ingénieur fourrages à la chambre d'agriculture de la Drôme.
Au XXe siècle, l'intensification de l'agriculture a entraîné une diminution de la biodiversité. Depuis, les pratiques ont évolué au rythme du changement climatique. « L'essentiel des prairies sur le territoire est entretenu par les activités agricoles », a expliqué Grégory Loucougaray.
Au-delà de cet aspect, le chercheur a insisté sur l'importance de l'agriculture sur le territoire en termes de services rendus à la société : approvisionnement (nourriture, production animale...), régulation (contrôle des ravageurs, eau...), de soutien (maintien de la fertilité des sols, pollinisation...) et culturel (valeurs esthétiques et touristiques...). Ainsi, il est possible de remarquer les bénéfices réciproques entre biodiversité et production agricole. « C'est un partenariat à valoriser dans les années à venir, a noté le chercheur. Les prairies fertilisées et peu diversifiées connaissent une croissance rapide et élevée de la production mais la qualité chute rapidement. A contrario, les prairies peu fertilisées et avec plusieurs espèces ont une croissance lente mais une qualité qui dure dans le temps. »
Une amélioration de la qualité nutritive
La production fourragère s'en retrouve alors améliorée et sécurisée. « La biodiversité offre un meilleur maintien dans le temps de la digestibilité des couverts diversifiés. D'autre part, la valeur nutritive s'avère être plus faible en début de cycle mais se maintient plus durablement, ce qui entraîne une souplesse d'exploitation intéressante pour l'éleveur. » A cet égard, la biodiversité présente un intérêt pour l'alimentation des ruminants. La diversité alimentaire accentue la motivation des animaux à ingérer. Des effets significatifs de la diversité des fleurs ont aussi été relevés sur les qualités nutritives de fromages tels que l'Abondance ou le Saint-Nectaire.
En revanche, les relations sont parfois complexes et difficiles à interpréter. « Nous avons besoin d'aller plus loin dans la recherche », a conclu l'intervenant.
Dans la seconde partie de la conférence, Jean-Pierre Manteaux est revenu sur une expérimentation réalisée au lycée agricole du Valentin, qui n'est autre que la réalisation d'une prairie multi-espèces. « Les objectifs étaient de diversifier les assolements, cultiver des mélanges pour réduire les coûts et s'adapter au changement climatique », a expliqué le conseiller de la chambre d'agriculture de la Drôme. Cet essai a permis de déterminer un mélange d'espèces, nommé « Saint-Marcellin », résistant au déficit hydrique. « Nous avons également vu l'intérêt de rajouter des légumineuses de fauche, telles que le sainfoin ou la luzerne. Ces plantes bioactives permettent une meilleure valorisation des protéines et ont aussi un effet antiparasitaire. » L'introduction d'autres plantes, apéritives et aromatiques, dans les prairies multi-espèces en pâturage présente également un intérêt dans le couvert. « Si l'équilibre peut s'avérer facile à réaliser dans les prairies pâturées, celui-ci peut être plus difficile à atteindre en fauche car les espèces "bien adaptées" ont tendance à prendre le dessus. », a souligné Jean-Pierre Manteaux. Un vaste sujet qui a permis de mieux comprendre les liens entre l'élevage et la biodiversité sur les territoires de montagne dans la Drôme.
Amandine Priolet
* Irstea : institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture.
Concours des pratiques agroécologiques 2019
Le palmarèsCatégorie prairies de fauche
1er prix : Patrick Beaume (Lus-La-Croix-Haute)
2e prix : Jean-Pierre et Guilhem Lamontellerie (Boulc)
3e prix : Florent Pelissier (Boulc)
Catégorie prairies pâturées
1er prix : Mayeul Géry (Glandage)
2e prix : Line Granon (Glandage)
3e prix : Gaec des Ours, Jonathan Granon et Philippe Faure (Glandage)
Autre éleveur participant
Gaec La ferme de la Jarjatte, Philippe Civel (Lus-La-Croix-Haute)