Quand une coopérative se lance dans la distribution de ses produits

Devenir distributeur des produits de ses agriculteurs coopérateurs en maîtrisant toute la chaîne de valeur, de la production à l'abattage et découpe jusqu'à la mise en marché aux consommateurs finaux, c'est ce qu'a réalisé la coopérative Unicor en transformant l'idée en réalité. Aujourd'hui, Les Halles de l'Aveyron comptent trois magasins, dont deux en région parisienne. Terre d'élevage extensif, les contreforts du Massif central comptent de nombreuses productions de qualité avec le bœuf des fermes des hauts terroirs, le veau d'Aveyron et du Segala, l'agneau fermier des Pays d'Oc. On y trouve également du foie gras, de l'élevage de volailles et de cochons.
Capter la valeur ajoutée
« En supprimant les intermédiaires entre nos producteurs et les consommateurs, nous captons de la valeur ajoutée, explique la direction de la coopérative Unicor dont le chiffre d'affaires atteint 342 millions d'euros en 2016. Le conseil d'administration de la coopérative a l'intuition que la question de la distribution va devenir « LE » sujet majeur pour la coopération dans les 20 à 30 prochaines années. » L'idée de devenir un distributeur de produits coopératifs est née en 2006 dans la tête de certains éleveurs adhérents à la coopérative qui ont demandé aux administrateurs de travailler sur la distribution en circuit court coopératif. Dès 2008, un premier magasin a ouvert à Rodez. Il a permis de tester le concept et découvrir cette nouvelle activité. « Nous avons essuyé les plâtres avec ce magasin, car il nous a fallu organiser l'approvisionnement et la logistique, déterminer une gamme, tester ce que l'on devait proposer, etc. Puis, après quelques années de rodage, un deuxième magasin a ouvert dans le Val-d'Oise en 2014, puis un troisième en 2017 », poursuit la coopérative Unicor.
Les Halles de l'Aveyron comptent maintenant trois magasins qui proposent un large éventail de produits (légumes, fruits, viandes, fromages, produits laitiers), dont 70 à 80 % proviennent de l'Aveyron et départements limitrophes. L'activité représente 5 % du chiffre d'affaires de la coopérative, soit près de 17 millions d'euros. « La croissance des ventes dans nos magasins est dynamique et la rentabilité est très bonne, poursuit la direction du groupe coopératif. Nous souhaitons conserver le rythme d'ouverture d'un magasin par an. Si nous atteignons une dizaine de magasins en Ile-de-France à l'horizon 2025, ce sera déjà un beau succès. » Fin 2018, une boutique en ligne sera également lancée avec l'objectif de livrer Paris intra-muros, qui reste pour l'instant inaccessible à cause du coût du foncier.
Un réel gain pour les éleveurs
Pour les démarches qualités propre à Unicor, la coopérative garantit aux éleveurs une régularité et une contractualisation des achats tout en offrant une grille de volumes à un prix supérieur à celle des animaux sous signes officiels de qualité. Ainsi, une pièce de bœuf label rouge est payée 0,6 €/kg de carcasse en plus à l'éleveur que si elle était vendue dans les circuits traditionnels en label rouge. Pour les éleveurs vendant une partie de leurs bêtes via Les Halles de l'Aveyron, c'est une nouvelle dimension de leur métier qui apparaît. « C'est pour moi une fierté d'être impliqué dans la distribution de mes productions, explique Sébastien Couffignal, éleveur à Mayran dans l'Aveyron. Pendant trop longtemps, les agriculteurs se sont contentés de produire en laissant partir la valeur de leur travail à d'autres. Les Halles de l'Aveyron sont une des réponses à la crise structurelle qui touche l'agriculture. »
Pour Unicor, l'agriculture extensive des contreforts du Massif central répond aussi à la demande sociétale d'une agriculture vertueuse, écologique, préservant les ressources et génératrice de paysages authentiques. « Nous pensons que les habitudes alimentaires sont traversées par une lame de fond, explique un des membres de la direction d'Unicor. Ce qui se passe avec les poules pondeuses en cage va toucher toutes les filières quand ce n'est pas déjà le cas. Notre agriculture traditionnelle a tous les atouts pour répondre à ces attentes, d'où une part du succès de nos magasins, en plus de la qualité de nos produits. »
C. P.
