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Valorisation

Quelles plus-values apportent les indications géographiques ?

Les indications géographiques, outil juridique de protection de l’origine, constituent une forme particulière de valorisation des produits agricoles. Ces démarches, à la fois originales et complexes, participent activement à la défense des cultures et économies locales.
Quelles plus-values apportent les indications géographiques ?

La Bresse est réputée pour sa volaille, le Bugey pour son vin, Montélimar pour son nougat... L'oignon de Galmi, au Niger, est connu dans toute l'Afrique de l'Ouest. Le Stilton anglais ou encore le Saint-Nectaire français renvoient au village du même nom, et les Hongrois savent que le meilleur paprika pousse dans la région de Kalocsa.
« Dans tous les pays du monde, il existe des produits d'excellence qui représentent la quintessence de la culture locale, et dont la réputation a franchi les frontières. Beaucoup de ces produits sont désignés par leur lieu d'origine, c'est-à-dire le nom géographique de l'endroit où ils ont été élaborés. Cette association traduit le lien qui est établi entre l'origine, la qualité, et la notoriété qui en découle », explique Laurence Bérard, responsable de l'antenne du CNRS « Ressources des terroirs Cultures – Usages – Sociétés » basée au technopole Alimentec de Bourg-en-Bresse. Et d'ajouter : « La tentation est grande de détourner l'usage d'un nom géographique et promouvoir abusivement un produit en usurpant cette réputation ; ce qui constitue une concurrence déloyale pour les producteurs qui s'astreignent à respecter certaines règles et une tromperie pour le consommateur ».
Mises en place pour lutter contre de tels abus, les identifications géographiques permettent de reconnaître et protéger efficacement cette relation entre origine, notoriété et qualité, à travers la réservation du nom.

La France, précurseur en matière de protection des produits

Avec l'appellation d'origine contrôlée (AOC), la France a été la première à mettre en place (dans la première moitié du XXème siècle) une protection de l'usage du nom associée à la délimitation d'une aire d'appellation et à un cahier des charges. Un principe de protection validé et étoffé en 1992 par l'Union européenne avec l'indication géographique protégée (IGP). L'AOC devient alors AOP (appellation d'origine protégée).
« Pour l'IGP, les facteurs naturels ne sont pas déterminants, les matières premières pouvant venir d'ailleurs ; ce sont la réputation et la spécificité des savoir-faire qui sont mises en avant. AOP et IGP sont souvent réunies dans l'expression "indication géographique". L'une comme l'autre reposent sur deux grands principes : la délimitation d'une zone de production, l'élaboration et le contrôle d'un cahier des charges », ajoute Laurence Bérard.
Toutes ces démarches ont comme point commun d'être volontaires, initiées par un groupe de producteurs et encadrées par l'Institut national de l'origine et de la qualité (Inao). Ainsi, toute démarche d'identification est fédérative et structurante. Elle amène les producteurs à réfléchir ensemble à la délimitation de l'aire de production associée au produit qu'ils désirent protéger et à l'élaboration du cahier des charges qui doit rendre compte de sa spécificité. Elle définit un plan de contrôle et l'organisme certificateur. C'est une démarche exigeante, complexe et coûteuse.

Enjeux et plus-values multiples

Les questions liées à ces modes de protection sont nombreuses. Économies locales, dynamiques collectives, paysages, patrimoines alimentaires..., quels types de plus-values apportent les indications géographiques ? La situation est-elle différente entre les indications géographiques françaises, européennes et extra-européennes sachant que ce principe a été validé dans le cadre de l'OMC ?
Pour en débattre, des chercheurs, institutionnels, représentants des filières (CNRS, Inra, Inao, chambre régionale d'agriculture) étaient invités le 18 mars dernier au technopole Alimentec de Bourg-en-Bresse, la veille de la sixième édition du grand marché des AOC-AOP-IGP. François Belay (agence AOC), organisateur de l'événement, rappelait : « L'objectif est de valoriser terroirs et territoires et permettre au public de découvrir les fleurons de nos productions. Ces échanges sont une caution morale et scientifique. Nous sommes très heureux car on passe ainsi à une dimension supérieure ».
François Casabianca, chercheur responsable du laboratoire de recherche sur le développement de l'élevage à l'Inra de Corte, témoignait des nombreuses valeurs véhiculées par les identifications géographiques : avantage concurrentiel, patrimoine culturel et gastronomique vivant, compétence et détermination, préservation des traditions mais aussi évolution vers de nouvelles méthodes (capacité à innover), concurrence égale entre les producteurs de produits portant ces mentions, crédibilité des produits, modes de production reconnus comme facteurs de plus-value, action collective avec des producteurs rassemblés, confiance du consommateur, etc.
Les dimensions sont donc multiples : économique, culturelle et patrimoniale, organisationnelle, territoriale, environnementale, technique, éthique...
Dominique Barjolle, enseignante chercheur à l'école polytechnique fédérale de Zurich, ajoutait : « trois conditions de base doivent être réunies pour que l'identification géographique fonctionne : le lien doit être établi entre la qualité, la réputation et les spécificités du produit ; il faut une gouvernance et que le produit soit sur un marché porteur ».

Patricia Flochon