Quelles politiques pour l'avenir de l'agriculture ?

Le 71e congrès de la FDSEA de la Drôme, le 9 mars à Montélimar, aurait dû se tenir en présence de Xavier Beulin, si la mort n'était venu le faucher le 19 février. Aussi, au nom de la FDSEA, de l'ensemble du réseau et des agriculteurs drômois, Jean-Pierre Royannez lui a rendu un hommage appuyé. Nul doute que Xavier Beulin aurait donné sa vision sur l'avenir de l'agriculture, thème placé au cœur de ce congrès.
Quatre scénarios
Au niveau national, sous l'égide de l'Acta(1), des experts ont imaginé quatre scénarios pour l'agriculture française à l’horizon 2040. Le directeur de la chambre d'agriculture, Damien Colin, les a présentés. Le premier est un monde écologique où les systèmes de production agricoles suivent des principes agro-écologiques et des démarches de qualité. Le deuxième est une agriculture européenne exportatrice de produits de qualité. Le troisième est une agriculture au service d'une industrie exportatrice, avec des exploitations produisant en masse des produits standard. Le quatrième est celui d'un monde libéral avec une agriculture sans régulation de l'Etat, où les firmes agroalimentaires intègrent le secteur de la production pour sécuriser leurs approvisionnements.
Des propositions drômoises
Au niveau de la Drôme, les organisations agricoles membres du Cad(2) ont aussi engagé une réflexion prospective associant quelque 70 responsables. Le premier vice-président de la chambre d'agriculture, Jean-Pierre Royannez, a fait une synthèse de ce travail, « une colonne vertébrale qui va être peaufinée ». En ressort des points de consensus comme la nécessité de définir le statut de l'agriculteur. La convergence des DPB(3) doit se poursuivre. Les aides couplées sont à maintenir. Le dispositif d'aides à l'installation aussi, en l'orientant vers des projets d'exploitations professionnelles, en le rendant plus souple et attractif. Les aides aux investissementsdoivent aller autant aux projets bio qu'agro-écologiques et conventionnels. Pour les marchés, sont attendus un encadrement et des règles de la concurrence n'autorisant plus la vente à perte. Le verdissement actuel doit être maintenu « sans ajout de critères supplémentaires », a-t-il insisté. L'ICHN(4) doit rester liée à une compensation de handicap, ne pas évoluer vers une aide environnementale. Pour la gestion des aléas, l'intérêt des assurances est affirmé. Mais le système doit être révisé (franchises trop élevées pour favoriser la contractualisation d'un grand nombre). Pour le compléter, une épargne de précaution à l'échelle de l'exploitation est souhaitée. Là, le dispositif de déduction pour aléas (DPA) paraît intéressant à condition d'en améliorer les modalités. Augmenter le plafond des aides de minimis ou réviser les aides éligibles à ce régime est aussi jugé nécessaire…
Se passer de la Pac ?
Les agriculteurs drômois pourraient-ils se passer de la Pac ? A la table ronde qui a suivi, Patrick Eymard, directeur du CerFrance Drôme-Vaucluse, a répondu non, en notant cependant un impact différent selon les systèmes de production. D'après la base de données de CerFrance, les aides Pac représentent 40 % du résultat en arboriculture mais 340 % dans une entreprise céréalière et semencière. Et d'assurer : « Globalement, sans les aides Pac, une exploitation n'a pas de pérennité ». La présidente de la chambre d'agriculture de la Drôme, Anne-Claire Vial, a observé que « partout dans le monde (Chine, Brésil, Etat-Unis, Canada…) où il y a une grande région agricole, il y a des politiques publiques d'accompagnement, sous différentes formes ». A ceux proposant de fermer les frontières de notre pays, elle réplique que l'export de la ferme France, en 2013, c'était 60 milliards d'euros, dont 60 % à destination de clients européens. Elle a aussi rappelé que la France avait le plus grand territoire rural d'Europe (80 % de sa surface). Et si elle est la première destination touristique au monde, « cette attractivité est liée à une économie agricole. » Elle a aussi mis en avant la diversité des modèles d'exploitations, l'expérimentation, l'innovation… et rappelé la tenue du salon Tech&Bio du 20 et 21 septembre prochain.
« Mieux d'Europe »
Les Jeunes Agriculteurs drômois « défendent toute l'agriculture, a dit leur trésorier, Antoine Combedimanche. Ce qui importe, c'est que les projets soient viables et vivables. » Ils espèrent une augmentation de la DJA(5), un paiement plus rapide ainsi qu'une prise en compte des investissements dans les projets d'installation. Et ils attendent un soutien politique de tous les projets (circuits courts ou longs, agriculture bio ou conventionnelle). Dans le cadre des acquisitions foncières, « on a beaucoup de dossiers hors cadre familial avec des projets innovants », a indiqué le président du comité Drôme de la Safer, Marc Fauriel. Parmi les exemples cités, un projet de production de citrons. « Je crois qu'il faut avoir un regard curieux, intéressé car le modèle d'aujourd'hui n'est pas celui d'hier et ne sera pas celui de demain, a-t-il confié. Cet esprit d'innovation doit nous animer. »
Agriculteur à Marsanne adhérent à la FDSEA, Thierry Mommée a dit bien se retrouver dans les propositions départementales. Notamment sur le verdissement « car la société est demandeuse. Il faut faire avec mais il n'est pas utile d'en rajouter au niveau de la Pac. Il faut sécuriser le revenu, garder l'innovation, la performance… » Henri Biés-Péré, membre du bureau de la FNSEA, a salué le travail de prospective conduit dans la Drôme, qui« permettra d'alimenter le débat national ». Et de noter que le statut de l'agriculteur, le dispositif assurantiel, la DPA font partie entre autres des priorités de la FNSEA. « La dernière réforme de la Pac est cause de difficultés, a-t-il ajouté. La puissance publique s'est fortement désengagée. Nous n'avons plus d'outils de gestion des crises. Inventons des outils modernes compatibles avec les règles fixées par l'organisation mondiale du commerce. Il faut une Europe différente, il faut mieux d'Europe. »
Annie Laurie
(1) Acta : Association de coordination technique agricle.
(2) Cad : conseil de l'agriculture départemental (chambre d'agriculture, FDSEA, JA, Crédit Agricole, Groupama, MSA, CerFrance Drôme-Vaucluse et Safer).
(3) DPB : droit au paiement de base.
(4) ICHN : indemnité compensatoire de handicaps naturels.
(5) DJA : dotation jeune agriculteur.
FDSEA / Didier Beynet laisse la présidence de la FDSEA, en raison de la prédation du loup sur son troupeau.
Didier Beynet passe la main


Dans son dernier discours de président, Didier Beynet a dit la fierté des agriculteurs de nourrir les hommes, façonner les paysages qui font de la France une terre de tourisme. Mais, aujourd'hui, les prix ne sont pas à la hauteur. A l'heure où certains parlent de revenu universel, les agriculteurs veulent simplement vivre de leur métier. Aussi, « que chacun paie le juste prix ». En 2016, la FDSEA s'est une nouvelle fois battue pour la prise en compte des coûts de production. Des plateformes d'approvisionnement et des entreprises de transformation de la région ont été bloquées.


Michel Joux, président de la FRSEA
« Une crise de rentabilité »

Invité national / Administrateur de la FNSEA, Henri Bies-Péré était l'invité national du congrès de la FDSEA de la Drôme. Il a notamment soutenu le maintien d'une politique agricole européenne rénovée.
« Il faut revoir les fondamentaux de la Pac »

Ils ont dit /
Franck Reynier, député-maire de Montélimar et président de l'agglomération :Dans un contexte difficile avec une économie mondialisée et des règles européennes, « il faut que la France puisse faire entendre sa voix, a dit Franck Reynier. Je suis favorable à des dispositifs européens mais qui ne défavorisent pas notre agriculture. Il faut être le plus compétitif possible car, avec le coût de la main-d'œuvre, faire fonctionner une exploitation est de plus en plus difficile. Il faut alléger les charges, mettre en œuvre une TVA compétitivité, simplifier les normes, renforcer la protection sociale des agriculteurs. Il faut aussi un système de retraite adapté. Je défends l'idée que, si l'agriculture a un rôle essentiel de nourrir la population et valoriser les territoires, une partie des charges pesant sur elle devrait relever de la solidarité nationale. Nous devons être fiers de notre agriculture et la soutenir. » Il a encore souligné que Montélimar Agglomération avait un vice-président en charge de l'agriculture et décidé de mettre en place une maison de l'agriculture sur son territoire. « Il était important de faire ce geste. »André Gilles, vice-président du conseil départemental chargé de l'agriculture :De par sa grande diversité de productions, « la Drôme connaît des problèmes climatiques, de mévente, sanitaires toutes les années, a constaté André Gilles. C'est pourquoi le Département s'attache à soutenir l'agriculture, qui est une des premières économies de la Drôme. Et je soutiens le syndicalisme car nous en avons bien besoin lorsque surviennent des crises. » Jean-Louis Briand, secrétaire général de la fédération des chasseurs de la Drôme :« La fédération des chasseurs de la Drôme entend satisfaire à son obligation de service public en matière de dégâts agricoles, a confié son . Mais cette obligation réglementaire ne pourra s'enrichir que par la bonne entente du monde agricole avec celui de la chasse. » Et de signaler les efforts consentis dans la protection des cultures pour limiter les dégâts : 200 000 euros investis par les chasseurs dont 50 % pris en charge par la fédération. La saison 2015-2016, c'est près de 267 000 journées de chasse au grand gibier (13 % de plus que la précédente), 22 000 battues, 16 500 sangliers prélevés (58 % de plus) et 340 000 euros d'indemnisations de dégâts. En outre, 1 157 chasseurs ont été formés pour tirer un loup sur demande de la préfecture. Et, depuis cinq ans en vallée du Rhône, 1 000 chasseurs se sont mobilisés pour prélever chaque année 10 000 corvidés causant des dégâts aux semis. Le coût de cette action est intégralement supporté par le monde de la chasse. « Cela se nomme la solidarité avec vous, a ajouté Jean-Louis Briand, car rien ne nous oblige à intervenir de la sorte. »