Quels défis à venir pour la commercialisation de la viande d’agneau ?

«Suite aux incertitudes liées au Brexit puis au détournement du marché européen de la Nouvelle-Zélande, il semblerait que 2020 commence avec un marché quelque peu désencombré, ce qui pourrait expliquer les prix assez hauts en ce début d'année. Cette situation provoque des inquiétudes. Si les étals français des supermarchés reçoivent moins d'agneaux, la viande perdrait en visibilité et sa consommation en serait impactée », a révélé Louise Riffard, animatrice de la fédération départementale ovine (FDO) de la Drôme, à l'occasion de l'assemblée générale tenue le 4 février à Crest. Cette dernière a animé une table ronde sur le thème : « Quels défis à venir pour la commercialisation de la viande d'agneau ? ». Devant plus de soixante-dix personnes, François Mochet, directeur de la coopérative Agneau Soleil (Sisteron), et Morgane Cadario, dirigeante de la société Troupéou (Mornans), ont débattu.
Depuis la fin des années 1990, la consommation de viande d'agneau au niveau national est descendue en-dessous des trois kilos par an et par habitant.
Un problème de saisonnalité
« La viande d'agneau est un produit plutôt cher, consommé en majorité par les personnes de 55 ans et plus. C'est une viande qui n'appartient pas aux jeunes », a souligné le directeur d'Agneau Soleil. Pour lui, les marchés de collectivités sont les seuls, à ce jour, sur lesquels le taux de pénétration de viande d'agneau est plus bas que les autres viandes. « Si les démarches qualité peuvent permettre de fidéliser une part de marché, le vrai dossier sera de faire consommer de l'agneau autrement par les consommateurs de demain, et donc les jeunes », ajoute-t-il.
« Ce qui limite le développement de la consommation de viande d'agneau, c'est avant tout le problème de sa saisonnalité », a-t-il ajouté. « Durant un ou deux mois dans l'année, nous avons effectivement moins d'agneaux à la vente. Nous devons alors expliquer à nos clients ce qu'est la saisonnalité, comment cela se passe dans les élevages... La communication est très importante dans ces cas-là mais cela n'empêche pas pour autant que les consommateurs se dirigent vers d'autres viandes quand l'agneau n'est plus en rayon », a complété Morgane Cadario. Un sujet qui interpelle Frédéric Gontard, co-président de la FDO de la Drôme. « Le consommateur a perdu l'habitude des saisonnalités, comme nous pouvons nous en rendre compte avec les fruits et légumes. Il est donc plus facile pour les producteurs en vente directe d'entamer un dialogue avec les clients, contrairement aux bouchers ou coopératives qui n'ont pas forcément les réponses. »
Attirer les jeunes consommateurs
Pour autant, il semblerait que les producteurs en circuits courts soient moins touchés par cette baisse globale de consommation. « Il y a une forte demande actuelle en produits locaux et circuits courts », note Morgane Cadario. Cependant, elle regrette le manque de communication autour de cette viande d'agneau (conseils de découpe, de cuisson, etc.). « Ce serait un vrai levier pour faire évoluer la vente », avance-t-elle. Les conseils de pratique et de consommation semblent être devenus une priorité pour les clients. « Je constate qu'il y a eu une grande perte de confiance de la part des consommateurs. Cela se ressent dans nos petits magasins de producteurs, dans lesquels les gens posent des questions et s'intéressent aux élevages, notamment pour se rassurer », ajoute Frédéric Gontard. En ce sens, mettre en place des actions commerciales visant à valoriser la viande d'agneau pourrait permettre une belle mise en valeur du produit. « La loi Egalim, avec l'obligation pour la restauration collective d'introduire dans ses repas 50 % d'approvisionnement durable, dont 20 % de bio, pourrait aider la filière », a conclu Louise Riffard. A noter, l'opération « L'agneau dans nos assiettes » destinée à relancer la consommation, notamment dans la restauration hors domicile. Ce projet vise avant tout à recréer du lien entre les éleveurs et les professionnels de la restauration.
Amandine Priolet
Prédation / Fortes inquiétudes autour du déclassement des communes
Après une très légère baisse en 2018 du nombre d’attaques de loup, le bilan 2019 affiche une hausse (+ 10 % en un an) pour un petit peu moins de victimes. « La pression ne baisse pas sur les épaules des éleveurs », regrette Frédéric Gontard, co-président de la FDO. Le bilan régional (provisoire) s’élève à 1 099 attaques indemnisées et 3 582 victimes, soit une augmentation de 18 % du nombre d’attaques. En Drôme, plus de 524 chiens de protection sont subventionnés, soit une progression de 50 % en trois ans. Une autre source d’inquiétude pour la filière avec la gestion des conflits quant au multiusage de la nature.Par ailleurs, 2019 a vu d’importantes évolutions dans la gestion du dossier loup par l’État, en particulier un nouveau zonage pour la mise en œuvre et le financement des mesures de protection, avec la création de deux nouveaux cercles. Cela a pour conséquence un durcissement des critères pour intégrer et maintenir une commune dans le cercle 1 offrant un niveau de protection maximal (aides à la protection via des bergers, des chiens de troupeaux, de financement de clôture...). « Il est important de faire remonter tous les indices de présence du loup, puisque cela aura des conséquences pour les années futures et la définition des zonages », a alerté François Monge, co-président de la FDO. « Aucune commune du département n’a été déclassée en 2020 », a rassuré la sous-préfète de Die, Camille de Witasse-Thézy, en charge du dossier loup. L’arrêté de classement a été pris fin décembre pour la Drôme. Un arrêté qui peut être modifié au plus tard jusqu’au 31 mai. « Il sera possible qu’une commune soit surclassée en cas de nouvelles attaques d’ici là. En revanche, on ne déclassera pas une commune en cours d’année », a-t-elle ajouté.
En bref
François Monge quitte la co-présidence
Il y aura du changement à la tête de la FDO de la Drôme en 2020. Et pour cause, François Monge, actuel co-président, se retire du bureau. Il conservera toutefois sa place dans le conseil d’administration, afin de faire le lien avec la FNO dont il est également membre actif du bureau. « Je tiens à remercier François Monge qui part vers d’autres horizons », a souligné Frédéric Gontard, co-président à l’issue de son rapport moral. En effet, après plus de vingt ans à la coopérative Agneau Soleil, François Monge en a pris la présidence en août dernier. L’éleveur du Diois a donc la gestion de cette structure basée à Sisteron et qui regroupe plus de 600 éleveurs pour 210 000 brebis engagées, et compte une quarantaine de salariés.
La filière laine bientôt revalorisée ?
La fédération nationale ovine (FNO) a initié au printemps un groupe de travail sur la question de la valorisation de la laine en s’appuyant sur le contexte sociétal (recherche de produits textiles locaux et de qualité). La FDO a participé à cette réflexion nationale, d’autant plus que le parc naturel régional des Baronnies a également initié un travail à la demande d’éleveurs locaux sur ce sujet. En 2019 dans la Drôme, deux collectes de laine ont été effectuées (en mars et juin) sur une dizaine de sites. Au total, 26 tonnes de laine ont été récupérées sur 67 élevages.
La foire aux béliers de Crest
L’après-midi de son assemblée générale, la FDO a organisé la septième édition de la foire aux béliers. A cette occasion, huit vendeurs étaient présents, venus de la Drôme mais aussi des Alpes-de-Haute-Provence, des Hautes-Alpes, de la Haute-Loire, de la Saône-et-Loire et de la Savoie. 70 béliers reproducteurs de races diverses ont été présentés : Hampshire, Mérinos, Préalpes, Charollais, Mourerous, Blanche du Massif central, Berrichon, Ile-de-France… « Cette foire permet non seulement aux éleveurs de vendre ou d’acheter des bêtes mais aussi de pouvoir échanger avec des partenaires agricoles : coopératives, commerçants de produits liés à l’élevage, représentants des organismes de défense et de gestion des labels rouge, GDS... », souligne Louise Riffard, animatrice de la FDO 26. L’évènement a rassemblé près de 200 personnes. Dans une volonté d’attirer le grand public, une vingtaine d’agnelles et sept caprins étaient également exposés. Au total, une quinzaine de béliers a été vendue.
A. P.