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Congrès de la FDSEA de la Drôme

« Reconstruire les prix en marche avant »

Pour son 72e congrès, la FDSEA de la Drôme a fait le point de l’ensemble des dossiers qui préoccupe le monde agricole, au premier rang desquels les prix et le revenu des agriculteurs. Le rôle des femmes a également été mis en avant dans l’évolution de l’agriculture. La présence de Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, a constitué un événement.
« Reconstruire les prix en marche avant »

Salle comble pour le 72e congrès de la FDSEA de la Drôme, le 9 mars à Claveyson. La venue de Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, classée dans le Top 20 des personnalités françaises les plus médiatiques*, constitue à elle seule un événement. A peine arrive-t-elle que les échanges avec les adhérents vont déjà bon train sur pléthore de sujets : le loup, l'irrigation, les normes, les phytos, l'environnement... Des dossiers repris par Grégory Chardon, président de la FDSEA de la Drôme, dans son discours (voir ci-dessous). Toutefois, c'est sur les prix agricoles et la reconnaissance du métier d'agriculteur que les échanges sont les plus riches. Et le témoignage d'un agriculteur de Bourg-lès-Valence résume bien la situation. « Autrefois, le plateau de pêches se vendait 10 francs et l'ouvrier agricole était payé 350 francs. Aujourd'hui, le même plateau est vendu 8 à 10 euros mais le salarié coûte 1 800 euros. En tant qu'exploitants agricoles, nous ne sommes pas payés à la juste valeur de nos produits et de notre travail. Le bien-être humain, c'est pourtant important. »

Salle comble pour le 72e congrès de la FDSEA de la Drôme, 
le 9 mars à Claveyson.

Attentive, la présidente de la FNSEA rappelle que les productions employant de la main-d'œuvre sont celles qui, en France, ont le plus perdu de surfaces. « L'administration française organise les distorsions de concurrence. C'est inacceptable », dénonce-t-elle en évoquant notamment les travailleurs détachés, le retrait de molécules phytosanitaires... Et d'expliquer que les trois priorités de la FNSEA sont les prix et le revenu, la baisse des charges et des normes ainsi que la nécessité de redorer l'image de l'agriculture.

« La guerre des prix ne fait que des perdants »

Alors que depuis 2014 la perte de valeur marchande alimentaire représente 1,4 milliard d'euros, « il faut reconstruire les prix en marche avant, demande Christiane Lambert. Car la guerre des prix ne fait que des perdants et le système Leclerc est pervers. » Pour inverser la situation, elle compte sur l'aboutissement du projet de loi sur l'équilibre des relations commerciales dans le secteur de l'alimentation, dont le débat devrait avoir lieu en avril. « Nous serons présents pour que cette loi, qui fait suite aux Etats généraux de l'alimentation, tienne ses promesses », prévient-elle. Les points cruciaux porteront sur l'encadrement des promotions, les seuils de revente à perte et la capacité de renégociation des prix lorsque la conjoncture évolue.
Si les prix sont essentiels, les perspectives le sont tout autant. Celle d'un accord commercial avec les pays du Mercosur constitue « un point de désaccord profond avec Emmanuel Macron », déplore Christiane Lambert. L'opinion publique, hostile à l'importation de produits moins normés qu'en Europe, pourrait être « un point de jonction avec les agriculteurs », estime-t-elle.

« Il faut changer les regards et ne plus laisser se développer des discours de peur autour de l’agriculture », déclare Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, invitée au congrès de la FDSEA de la Drôme, le 9 mars à Claveyson.

« Décrisper les esprits »

Sur l'irrigation, « il faut décrisper les esprits de certains décideurs pour qu'ils comprennent qu'il n'y a pas d'agriculture sans eau », considère-t-elle. Et d'annoncer que la FNSEA sera présente dans les prochaines discussions avec le ministre de la Transition écologique, Nicolas Hulot, afin de défendre les solutions de stockage d'eau. Quant aux produits phytosanitaires, « c'est comme les médicaments, on ne peut pas s'en passer totalement », explique-t-elle. Alors, lorsqu'un adhérent de la FDSEA lui reproche de dialoguer avec Nicolas Hulot, elle répond que « depuis dix ans, l'agriculture subit des revers sur le plan environnemental. Aujourd'hui, avec le contrat de solutions proposé par la FNSEA et 35 organisations, nous avons les coudées franches pour avancer. Et je fais le pari que ce sera gagnant. » Et d'ajouter : « Concilier activité économique et environnement se pose dans tous les secteurs. Parler avec les écologistes, c'est d'abord montrer tout ce que l'agriculture entreprend de positif. C'est aussi convaincre que le principe d'innovation est préférable au principe de précaution. Ce qu'il nous faut, ce sont des solutions et non des interdictions. » Prônant une posture offensive face au « bruit de fond très critique sur l'agriculture », la présidente de la FNSEA évoque ce sentiment de mal-être qui touche nombre d'agriculteurs.

« Changer les regards »

« Notre profession est injustement accablée. Or l'agriculture, en plus de son rôle alimentaire, est source d'emplois, de solutions au changement climatique, d'entretien des espaces... » Elle demande aux élus politiques de l'expliquer et d'agir en modérateurs. Dans ce nouveau paradigme, elle exhorte aussi chaque exploitant à expliquer son travail, à ouvrir sa ferme afin de rétablir des vérités. « Il faut changer les regards et ne plus laisser se développer des discours de peur autour de l'agriculture. »
Alors que le taux de croissance progresse en France, Christiane Lambert invite à identifier les nouveaux marchés (énergies renouvelables, biocarburants...), source de compléments de revenu. Par ailleurs, « ce qui caractérise l'activité agricole, c'est l'imprévisibilité, d'où la nécessité de nouveaux outils financiers et fiscaux. » La FNSEA demande la possibilité d'une épargne de précaution défiscalisée d'un montant allant jusqu'à 70 % du chiffre d'affaires. « Nous avons mis le pied dans la porte, nous ne reculerons pas sur ce sujet », assure-t-elle. Et sur le loup, « le nouveau plan ne nous convient pas, admet-elle. Si on atteint le quota de loups à abattre, il faudra négocier pour pouvoir continuer à tirer afin de protéger les troupeaux. »
Enfin, à propos de l'Europe, « le désamour de l'esprit européen doit nous inquiéter, prévient-elle. Car l'agriculture n'est pas seulement pro-européenne pour les aides Pac, elle l'est aussi pour la paix, le marché, les échanges, le développement. Aussi, les points noirs et les gros défauts de certaines décisions européennes doivent-ils être corrigés. »
Christophe Ledoux
* Classement annuel Forbes.

 

S’exprimant sur la révision du Sage de la Drôme des collines, qui prévoit de fortes restrictions d’eau, « nous ne l’accepterons jamais, a prévenu Grégory Chardon, président de la FDSEA de la Drôme. Ce serait tuer ce territoire. »
Discours / Dans son intervention, le président de la FDSEA de la Drôme, Grégory Chardon, a listé moult préoccupations du monde agricole.

« Redonner de la valeur à nos produits »

«Le revenu sur nos exploitations est insuffisant et pénalise la viabilité et les performances de nos entreprises, a expliqué Grégory Chardon, président de la FDSEA de la Drôme. Nous attendons beaucoup des Etats généraux de l’alimentation pour redonner de la valeur à nos produits. » Au cours de son intervention, il a espéré que la future loi commerciale rebattra les cartes en faveur d’une meilleure répartition de la valeur pour les agriculteurs. Il a aussi dénoncé les contraintes environnementales, plus restrictives en France qu’en Europe.
Eau, plan loup, zones défavorisées simples
Parmi les autres sujets évoqués, l’irrigation et notamment le schéma d’aménagement et de gestion des eaux (Sage) qui prévoit, dans la Drôme des collines, une baisse de 40 % des prélèvements d’eau. « Nous ne l’accepterons jamais, a-t-il prévenu. Ce serait tuer ce territoire. » Par ailleurs, sur la commune de Châteaudouble, « il faut trouver une solution, a-t-il demandé. Et pour la rivière Drôme, Il nous fait encore deux ans pour aboutir. » Autre dossier sensible, le loup. Grégory Chardon n’a pas manqué de rappeler la hausse des attaques sur les troupeaux. « C’est une véritable catastrophe qui met en péril la survie des exploitations d’élevage, a-t-il rappelé. Ce que nous voulons, c’est zéro attaque et que l’Etat arrête de se désengager de ses responsabilités. ». Très critique sur le nouveau Plan loup, il l’a jugé « inacceptable » et vécu par les éleveurs comme un « abandon ».Concernant les zones défavorisées simples (ZDS), « nous sommes particulièrement choqués par la version de découpage retenue pour notre département, a-t-il indiqué. Nous demandons que soit réexaminé le sort des 19 communes afin que soit appliquée la continuité territoriale. »
Mercosur, assurance récolte, main-d’œuvre et cours d’eau
Rappelant la récente mobilisation syndicale quant au projet d’accord commercial entre l’Union européenne et les pays du Mercosur, il a dénoncé des incohérences. « Comment accepter que des tonnes de viande élevées avec des OGM et sans cahier des charges entrent en Europe alors que dans le même temps, lors des Etats généraux de l’alimentation, on demande à l’agriculture française de monter en gamme ? », s’est-il offusqué.
Par ailleurs, au sujet de l’assurance récolte, Grégory Chardon a déploré les retards de paiement ainsi que les nouveaux critères en application. « Nous n’accepterons pas que des agriculteurs ayant rempli leurs obligations en toute bonne foi se voient pénalisés », a-t-il prévenu.
Alors que le secteur agricole drômois est fortement employeur de main-d’œuvre, « que restera-t-il de la compétitivité de nos exploitations sans le CICE1 et l’exonération TO/DE2 ? », a-t-il questionné. L’augmentation des coûts inquiète alors qu’en Espagne ils sont déjà trois fois moindres. Et la mise en place du nouveau Tesa s’avère anxiogène.
Grégory Chardon est également revenu sur les cours d’eau, qui représentent l’équivalent de 18 000 kilomètres en Drôme. Il a mis l’accent sur le travail engagé par la FDSEA et les JA. « Dans les prochains jours, a-t-il indiqué, les agriculteurs devront vérifier les cours d’eau divergeant avec l’Agence française de la biodiversité. Des visites de terrain vont être organisées. C’est un dossier prioritaire. »
En conclusion, il a rappelé que « la FDSEA est force de propositions et de solutions. Restons confiants dans l’avenir, c’est nous qui le construisons. » 
C. L.
1 CICE : crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.
2 TO/DE : réduction de charges travailleurs occasionnels / demandeurs d’emploi.

 

Ils ont dit

Marie-Pierre Mouton, présidente
du conseil départemental de la Drôme
Outre annoncer sa fierté d’être à la tête du premier département bio de France, ou celle d’accueillir le salon Tech&Bio, Marie-Pierre Mouton a indiqué que l’agriculture n’était pas seulement une force économique. « Que serait la Drôme des collines sans ses noyers ! L’agriculture façonne les paysages », a-t-elle notamment dit. Si le secteur est soumis aux aléas climatiques, l’élue a aussi noté qu’il l’était en matière de loi, dénonçant « l’inacceptable Mercosur ». Avant de poursuivre sur le plan loup « qui met en danger le pastoralisme. (...) Il y a de l’incompréhension, de la colère (...) Les bergers sont démunis, ils ont tout essayé pour se protéger. Ce ne sont pas les loups qu’il faut protéger mais les bergers et le pastoralisme, ce sont eux qui sont en voie d’extinction », a-t-elle souligné lors de son allocution, montrant sa véritable inquiétude sur ce sujet. La présidente du Département a indiqué qu’elle avait entendu les préoccupations sur le schéma d’aménagement et de gestion des eaux (Sage). Elle a également rappelé les différents programmes mis en place afin d’aider les agriculteurs, à l’instar d’Agrilocal, la promotion des filières, etc.
Michel Joux, président de la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes
Le président de la FRSEA Aura a rappelé que l’agriculture drômoise était belle et exceptionnelle, tout en notant qu’il y avait toutefois beaucoup d’embûches. « Il y a des femmes et des hommes motivés, amoureux de ce métier. Mais l’amour et l’eau fraîche ne suffisent pas pour que l’on puisse vivre. Il faut avoir une rentabilité. La construction du prix n’est plus là », a-t-il notamment indiqué.
La rentabilité passera aussi par une baisse des normes et des charges. L’élu est également revenu sur les État généraux de l’alimentation, dont la démarche visait à mieux répartir la valeur ajoutée. « Il faut qu’on aille très rapidement dans ce sens là », a-t-il noté. Michel Joux a aussi parlé des discours « séduisants » prononcés par Emmanuel Macron à Rungis ou encore à Clermont-Ferrand. « On jugera sur les actes » a-t-il enfin martelé.
Éric Spitz, préfet de la Drôme
Après avoir salué l’engagement de Christiane Lambert et d’Anne-Claire Vial, le préfet de la Drôme est revenu sur les mesures dévoilées jeudi dernier par le gouvernement afin de favoriser l’égalité femmes-hommes. Certaines concerneront l’agriculture, telles encourager les congés maternité.
Depuis son arrivée dans la Drôme, le préfet a par ailleurs réalisé près de 70 visites d’exploitations. Et s’il a pu découvrir les richesses du monde agricole, il a aussi indiqué être attentif quant aux remontées du terrain. Sur certains sujets, comme le Mercosur, le préfet a assuré qu’il « jouera son rôle de faire remonter au gouvernement les inquiétudes ». Des retards sont constatés concernant les paiements Pac. « Cela revient progressivement à la normale », a-t-il noté. L’aide à l’assurance récolte 2016 est en cours d’instruction. Les aides bio et MAEC 2016 seront instruites à partir de mai ; celles de 2017 au dernier trimestre 2018. Dans le cadre de la réforme de l’ICHN, 12 communes en Nord-Drôme pourraient sortir du zonage. Si tel était le cas, le préfet a promis un « vrai accompagnement ». Le loup, les calamités agricoles ou encore la cartographie des cours d’eau sont des thèmes qui ont aussi été abordés dans son discours. Avant de conclure : « Je serai à vos côtés pour la prospérité de la ferme Drôme ».