Réduire l'usage des phytos en arbo

Dans le cadre du plan Ecophyto, une journée a été consacrée à la réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires en arboriculture le 9 décembre au lycée du Valentin, à l'initiative du CFPPA(*) de Bourg-lès-Valence. En ouverture, Régis Aubenas, président du conseil d'administration du Valentin et arboriculteur, a observé : « Le système doit être pris dans son ensemble. La protection phytosanitaire et l'agronomie sont liées. En jouant sur les deux, on peut arriver à des résultats intéressants, à une meilleure efficience des moyens engagés (intrants, travail...). Je crois qu'il faut aller vers un système durable, reproductible et surtout résilient. C'est complexe car nous travaillons sur du vivant. Une modification en implique d'autres. Mais on peut faire bouger les lignes. Cela demande toutefois de sans cesse se remettre en question, se former, se faire accompagner sur le plan technique, mettre en pratique de nouvelles connaissances ».
Ecophyto, de un à deux
Conseillère en arboriculture pour les chambres d'agriculture de l'Ardèche et de la Drôme, Sophie Buléon anime le réseau des fermes Déphy abricot. Elle a rappelé l'ambition initiale du plan Ecophyto : réduire de moitié l'utilisation des produits phytosanitaires d'ici 2018 tout en conciliant enjeux économiques, environnementaux et sociaux. Pour démontrer que c'est possible, expérimenter et produire des références sur les systèmes économes en phytosanitaires, des outils ont été mis en place. Déphy est l'un d'eux, via un réseau expérimental et un réseau de fermes. Ces dernières testent des démarches de réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires pour en connaître les conséquences en termes de charges, main-d'œuvre... L'indicateur utilisé est l'indice de fréquence de traitement (IFT). Les premiers résultats sur le plan national laissent apparaître une baisse plus ou moins importante selon les filières (12 % en arboriculture toutes espèces confondues) mais bien en dessous des 50 %. C'est pourquoi le plan Ecophyto a été revu. Sa deuxième version cible une réduction plus progressive (- 25 % en 2020 et - 50 % en 2025) et l'implication de davantage d'exploitations.
Le Déphy abricot
Le réseau Déphy actuel compte 222 groupes, soit quelque 2 630 exploitations en France, dans différentes filières. En Drôme-Ardèche, pour l'abricot, il se compose de 13 fermes, dont 10 dans notre département. Plusieurs techniques sont testées au sein du groupe : application d'argile et de lait de chaux dans la lutte contre l'ECA (enroulement chlorotique), de glu contre les forficules, bacillus thuringiensis contre l'anarsia, désherbage mécanique du rang ou enherbement, bâches tissées, prophylaxie, observations et piégeages...
Concernant le groupe initial abricot, « en moyenne, la baisse est intéressante : l'IFT est passé de 13 à 8,8 de 2010 à 2015, soit - 32 %, a précisé Sophie Buléon. Mais elle est variable selon les exploitations, leurs profils étant différents. » En fongicides, la réduction entre 2011 et 2015 n'est que de 14 %, du fait de l'absence de techniques alternatives et de la dépendance aux conditions climatiques. En insecticides, elle est de 47 % en moyenne, grâce aux technique alternatives. Et, en 2015, trois producteurs du réseau n'ont pas appliqué d'insecticides chimiques. A noter encore, un projet collectif relatif à la gestion des monilioses sur fleurs et fruits a été mis en place pour les années 2016 à 2020, en lien avec la Sefra et l'Inra de Gotheron. Les objectifs sont de mieux appréhender les conditions de contamination sur fleurs et d'évaluer la nécessité des traitements de conservation (problématique de gestion des résidus).
Une base de données
Le GRCeta Basse Durance (Saint-Rémy-de-Provence) assure un appui technique auprès d'arboriculteurs de Paca, Rhône-Alpes et Languedoc-Roussillon. Dans le cadre d'un projet Déphy Ecophyto expé, il travaille en partenariat avec l'Inra de Gotheron. Et ce, pour le dispositif Bioreco, dont l'objectif est de comparer les performances et l'impact environnemental de trois systèmes de production de pommes : raisonnée, biologique et économe en intrants. L'Inra de Gotheron avait besoin d'un référentiel pour comparer ses résultats. Le GRCeta a répondu à sa demande, a expliqué son directeur adjoint et conseiller, Bruno Hucbourg, en incluant les IFT dans sa base de données déjà existante. Différents éléments sont entrés : descriptif des exploitations et de toutes leurs parcelles, temps de travaux, performances agronomiques et IFT.
L'ensemble des données a pu être réuni pour 263 hectares (sur 700). Outre un référentiel variétal et des indicateurs, ce travail a servi à analyser les facteurs pouvant influencer les IFT : producteur, groupe variétal, densité de plantation, âge, conduite du verger, hauteur des arbres, taille, éclaircissage, type d'irrigation, rendement... Ceux ressortant le plus fortement sont les deux premiers. « C'est une base de données pour mettre le doigt sur les points clés à travailler », a résumé Bruno Hucbourg.
Annie Laurie
(*) CFPPA : centre de formation professionnelle et de promotion agricoles.
Témoignage / Dans leurs vergers, Philippe Patouillard et son frère mettent en œuvre des pratiques pour moins traiter mais avancent prudemment.Philippe Patouillard : « On y va pas à pas »

Ces arboriculteurs ont également recours à la confusion sexuelle dans des vergers. « Une technique qui nécessite une surface suffisante pour bien fonctionner et des observations afin de pouvoir traiter en cas de "décrochage". » Les frères Patouillard utilisent aussi des filets Alt'carpo, contre le carpocapse. Contre le psylle sur abricotiers (vecteur du phytoplasme responsable de l'ECA), en 2016, ils ont appliqué de l'argile en tout début de risque puis traité, par prudence. Ils se servent aussi de l'argile contre le psylle du poirier depuis cinq ou six ans.
Dans les plantations en bio, ils traitent avec de la bouillie bordelaise (un kilo à l'hectare). Celles-ci sont désherbées mécaniquement, de même que 20 hectares en conventionnel. « Il faut accepter que les vergers soient un peu moins propres qu'avec le désherbage chimique », a fait remarquer l'arboriculteur.
Pour favoriser les auxiliaires, les inter-rangs sont enherbés et un sur deux est broyé alternativement. Enfin, Philippe Patouillard a annoncé l'installation de nids pour mésanges afin de les inciter à venir manger des carpocapses et tordeuses dans leurs arbres fruitiers. « J'ai la satisfaction de dire que l'on pollue moins, a-t-il confié. J'aimerais que l'on puisse généraliser ces pratiques. Mais on est prudent, on y va pas à pas. »A. L.
Des filets de protection
