Regard sur l’organisation du travail en élevage laitier

La méthode Actel est reconnue au niveau national comme le bilan travail des éleveurs laitiers. Elle permet de se situer au niveau de l'efficacité dans la réalisation des tâches par un bilan quantitatif et une comparaison à des références ; de voir comment se répartit le travail entre les différents intervenants et parler du travail sur une exploitation laitière à partir d'un état des lieux objectivé. En Auvergne-Rhône-Alpes, 40 élevages laitiers ont bénéficié d'un diagnostic. Certains éleveurs ont réalisé ce diagnostic simplement pour faire un point et échanger sur l'organisation de leur travail. D'autres ont demandé cette prestation à leur Conseil élevage à l'occasion du départ d'un associé, d'une transmission ou dans le cadre d'un projet bâtiment. Complété d'une approche économique, le diagnostic permet de faire le point entre le temps passé et la marge dégagée et de rééquilibrer les priorités. Dans les sociétés, il permet de mettre tout le monde autour de la table pour mettre à plat le fonctionnement et repartir sur des bases assainies. Chacun peut y trouver l'occasion de redéfinir sa place au sein de la société, et de repartir travailler plus serein et plus motivé. « Les exploitations enquêtées sont généralement spécialisées sur le lait mais très diverses : elles se trouvent aussi bien en plaine qu'en montagne, il y a 8 troupeaux de plus de 80 vaches et 10 troupeaux de moins de 40 vaches ; 3 élevages qui transforment leur production et 2 avec un robot de traite. La médiane s'établit à 52 vaches ; 80 UGB ; 395 000 litres de lait produit ; 90 ha de SAU dont 80 % de surface fourragère et 2 unités de main-d'œuvre (UMO) », récapitule Cécile Pandrot, consultante travail et stratégie, Acsel Conseil élevage.
Bilan des 40 diagnostics
Les troupeaux se sont agrandis sans que la main-d'œuvre sur les exploitations n'augmente. Au contraire, la main-d'œuvre bénévole a presque disparu des exploitations. Et la délégation reste très partielle. Les exploitants représentent 1,8 des 2 UMO. Ils réalisent généralement le travail d'astreinte, en particulier la traite. Le travail de saison est délégué à hauteur de 17 % avec des modalités diverses : entreprise, entraide, bénévoles et salariés. Le temps disponible calculé, indicateur de souplesse du travail des exploitants, recule donc de près de 30 % par rapport aux références nationales établies en 2010. Les associés ou exploitants individuels ne disposent plus que d'un peu plus de 2 heures par jour, contre un peu plus de 3 auparavant. Ce temps sert à faire face aux aléas, à réaliser le travail administratif, l'entretien du matériel et des bâtiments. Il sert aussi à envisager des responsabilités professionnelles ou à souffler un peu : avoir une activité sportive extérieure ou passer du temps avec ses enfants par exemple. Ce répit est nécessaire pour soi-même, et aussi pour avoir le recul indispensable au pilotage d'une entreprise. On comptabilise près de 2 500 heures de travail par unité de main-d'œuvre, soit 3 équivalents temps plein réalisés par 2 UMO, soit : un équivalent temps plein pour la traite ; un pour les autres travaux d'astreinte et un troisième pour le travail de saison et le travail rendu.
Les tâches répétitives constituent le travail d'astreinte (TA) dans toutes les exploitations. C'est un point prioritaire qu'il faut gérer pour améliorer ses conditions de travail. L'astreinte représente à elle seule près de 35 heures par semaine et par UMO (27 heures pour le quart inférieur des élevages enquêtés, et 42 pour le quart supérieur). La traite est le poste clé à maîtriser car il représente généralement 50 % de ce travail. Les élevages les plus efficaces traient 1 000 litres en moins de 3 heures, quand l'élevage médian est à près de 4 heures. Sur 395 000 litres produits, cela représente un écart de 395 heures, soit 1 h 05 par jour. Le temps de travail d'astreinte par vache laitière est un critère d'efficience de l'atelier lait. Il est lié à la taille du troupeau : 58 heures par vache et par an pour un grand troupeau, 66 heures pour un troupeau de moins de 80 vaches. En ajoutant simplement trois vaches par an au troupeau, ce sont 175 à 200 heures d'astreinte qu'il faudra ajouter au compteur travail, soit 30 minutes chaque jour.
Les enseignements à tirer
Derrière les moyennes se cachent des résultats contrastés qui dépendent des individus plus que des systèmes.
Ainsi, sur la traite, par exemple, les neuf élevages les plus efficaces ont de 28 à 117 vaches et produisent de 225 000 à 921 000 litres de lait ; ils sont équipés de salles de traite tandem, TPA ou épi et traient de 3 à 14 vaches par poste de traite. Deux réalisent les soins aux veaux pendant la traite et 2 seulement ont un chien électrique. Pour connaître sa situation, il faut faire le diagnostic chez soi. Se comparer aux références permet de voir les tâches sur lesquelles on est efficaces et celles à optimiser.
Et parfois, il y a des surprises. On imagine toujours très prenantes les tâches que l'on n'aime pas faire et l'on sous-estime le temps passé à ce qu'on aime faire. Le diagnostic permet d'objectiver.
« Ce n'est pas parce qu'on a un grand troupeau qu'on a réussi à optimiser les économies d'échelle. Sur les cinq élevages les plus efficaces en alimentation, deux sont des troupeaux de moins de 50 vaches, qui rivalisent avec des élevages de 90, 120 et 150 vaches. Si un équipement adapté est important, les préconisations réalisées à l'issue de ces diagnostics travail portent rarement sur des investissements à réaliser. Ce sont surtout des questions d'organisation qui sont discutées, notamment dans les sociétés », analyse Cécile Pandrot.
Repères en chiffres à consulter
Un outil pour la réflexion stratégique dans les élevages
Il semble important de réaliser ce diagnostic travail dans deux situations :
- Lors d’une installation ou d’une transmission, pour que le nouvel arrivant puisse prendre sa place dans les meilleures conditions possible. Le diagnostic travail permet de déterminer ce qui est à faire et de voir qui va faire quoi dans la future organisation. Il donne une base objective à la discussion et permet de faire la balance entre les besoins de l’entreprise et les compétences, désirs et attentes de chacun.
- Lors d’un investissement important, afin de vérifier son impact sur le travail. Que ce soit pour réfléchir à la circulation des éleveurs et animaux dans le cadre d’un investissement bâtiment ou alors pour voir qui va faire quoi lorsque les tâches à réaliser auront grandement évolué avec l’installation d’un robot de traite.