Règles environnementales : « des avancées obtenues grâce à la mobilisation »

Eric Thirouin, vous avez pris part au conseil départemental de la FDSEA de la Drôme, le 15 novembre à Loriol. Quels sujets environnementaux y avez-vous abordés ?
Eric Thirouin : « Nous avons traité de plusieurs problématiques environnementales, relatives aux cours d'eau, directive nitrate et zones vulnérables, phytosanitaires (retrait de molécules telles que le diméthoate et les néonicotinoïdes)... et j'ai évoqué des avancées que nous avons obtenues ou sommes en passe d'obtenir.
L'arrêté de 2006 sur l'utilisation des produits phytosanitaires a été attaqué. Le gouvernement prévoyait de sortir un nouvel arrêté avec notamment une extension des zones non traitées (ZNT riverains), que ce soit au niveau des cours d'eau, fossés... Les nouvelles règles proposées dans le projet seraient revenues à retirer de la production agricole au minimum quatre millions d'hectares et se seraient traduites par sept milliards d'euros de chiffre d'affaires en moins. Nous avons appelé le terrain à alerter sur le projet d'arrêté ZNT avec des courriers adressés aux parlementaires. Grâce à la mobilisation du réseau des FDSEA, dont celle de la Drôme, et de la FNSEA, nous avons pu faire comprendre au Premier ministre et à d'autres ministres, notamment de l'Ecologie, que leur projet était déraisonnable. Manuel Valls a assuré, fin octobre, que le futur arrêté phytos "sera pour l'essentiel celui de 2006 ". Moyennant, éventuellement, quelques consensus. Mais avec un abandon des ZNT riverains.
Nous sommes par ailleurs en train d'obtenir la possibilité, dans des situations particulières, de traiter par vent d'une vitesse légèrement supérieure à trois degrés d'intensité sur l'échelle de Beaufort. Cela en utilisant du matériel adapté, performant permettant de réduire fortement la dérive des produits. Nous sommes aussi en train de faire reconnaître la possibilité de pouvoir, avec des équipements de protection individuelle (EPI), pénétrer sur une parcelle traitée pendant le délai de rentrée. Lorsque l'on traite dans une serre, par exemple, l'on n'a pas le droit d'y entrer les deux jours suivants, alors qu'il faut venir régler les ouvertures. C'est absurde. Cela amène nombre d'agriculteurs à ne pas respecter la réglementation. »
Des avancées aussi sur d'autres problématiques environnementales ?
E. T. : « Oui, des avancées ont été obtenues sur la directive nitrate. Un nouveau plan national sorti le mois dernier permet, en zone vulnérable, d'épandre des fertilisants azotés dans les pentes à condition qu'une bande enherbée de cinq mètres de large soit implantée le long des cours d'eau (alors que c'était interdit précédemment). Nous avons aussi fait "sauter" l'obligation d'avoir des fumières en aviculture pour les fumiers de moins de deux mois. A présent, stocker au champ est autorisé. Et, par rapport aux demandes initiales de l'Europe, nous avons pu obtenir le maintien du stockage au champ pour les autres élevages, notamment bovins.
Je tiens aussi à souligner tout le travail accompli sur les cours d'eau dans les sections locales des FDSEA et notamment de la Drôme. La loi s'est appuyée sur ce travail pour définir les cours d'eau à protéger avec des bandes enherbées. »
Et au sujet du diméthoate, des néonicotinoïdes, comment agit la FNSEA ?
E. T. : « Suite à l'interdiction du diméthoate, la drosophila suzuki a causé des dégâts sur cerises. Nous nous battons afin que les pertes de récolte subies par les arboriculteurs puissent être indemnisées. Quant aux néonicotinoïdes, la loi biodiversité promulguée les interdit à partir du 1er septembre 2018, avec des dérogations possibles jusqu'en 2020. Toutes les analyses scientifiques montrent que la suppression de leur utilisation serait pire que son maintien. Car, si l'on ne traite plus avec des néonicotinoïdes, on sera obligé le plus souvent d'appliquer deux insecticides aériens (des pyréthrinoïdes). Nous sommes convaincus que ces derniers sont plus impactants qu'un insecticide au sol. L'Anses(1) n'avait pas donné de préconisation d'interdiction des néonicotinoïdes. Elle avait demandé des recommandations sur la manière de les utiliser. L'interdiction n'a été commandée ni par elle ni par le ministre de l'Agriculture. C'est juste une position de la ministre de l'Ecologie et des ONG(2). Normalement, le sujet est clos au niveau de l'Assemblée nationale. Mais nous ne voulons pas baisser le pavillon et allons continuer à nous battre, y compris avec le futur gouvernement, quel qu'il soit. Je suis convaincu qu'en se mobilisant, on peut arriver à améliorer toutes ces contraintes normatives. »
Propos recueillies par Annie Laurie
(1) Anses : Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail.
(2) ONG : organisations non gouvernementales.