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Etude

Repp'Air suit les molécules phytosanitaires dans l'air

Comprendre les transferts de produits phytosanitaires dans l'air et identifier des moyens pour les limiter sont des objectifs de Repp'Air. Un projet national de recherche auquel la chambre d'agriculture de la Drôme contribue.
Repp'Air suit les molécules phytosanitaires dans l'air

La chambre d'agriculture de la Drôme est partenaire du projet de recherche Repp'Air (réduction des produits phytosanitaires dans l'air). Il a été initié dans l'objectif d'affiner la compréhension des transferts de produits phytosanitaires dans l'air. L'idée, à partir des connaissances techniques et scientifiques ainsi engrangées, est d'identifier des moyens de réduire les pertes dans l'air. Et, au final, de pouvoir accompagner les agriculteurs vers des solutions performantes limitant les risques tout en étant économiquement et socialement pertinentes. Mais aussi de fournir des ressources pédagogiques à l'enseignement agricole. D'une durée de trois ans et demi, Repp'Air (lauréat du Casdar* « innovation et partenariat » 2016) a débuté en janvier 2017 et se terminera en juin 2020.

26 partenaires

En tout, neuf chambres d'agriculture collaborent à ce projet réunissant vingt-six partenaires. S'y sont aussi investies six associations agréées pour la surveillance de la qualité de l'air, trois organismes de recherche - l'Inra** de Colmar et Paris-Grignon, l'Ineris*** - ainsi que huit établissements de formation agricole, dont la MFR d'Anneyron. Repp'Air est déployé sur sept sites en France, dans différentes régions et sur plusieurs types de cultures, dont l'un en arboriculture-grandes cultures dans l'Isère rhodanienne. Celui-ci est piloté par la chambre d'agriculture de la Drôme, en particulier par Marion Bouilloux, responsable de l'équipe arboriculture. Et les mesures sont assurées par l'association Atmo Auvergne-Rhône-Alpes (observatoire agréé par le ministère de la Transition écologique et solidaire pour la surveillance et l'information sur la qualité de l'air).

Des mesures et des enquêtes

Le site isérois Repp'Air est piloté par la chambre d'agriculture de la Drôme, en particulier par Marion Bouilloux, responsable de l'équipe arboriculture.

Sur chaque site Repp'Air, des mesures hebdomadaires de produits phytosanitaires dans l'air ont été réalisées à l'aide d'un capteur sur trois ans (2017, 2018 et 2019). Sur le site isérois, elles ont eu lieu chaque année pendant vingt semaines, au cours des mois de mars à juillet (période de traitements). En plus, une mesure appelée « bruit de fond » (mesure témoin) a été faite une semaine durant en décembre 2017 ainsi que 2018 (période sans traitements).

« L'air prélevé par le capteur passe dans un filtre qui retient les molécules chimiques, explique Marion Bouilloux. Chaque semaine, un technicien d'Atmo Auvergne-Rhône-Alpes récupère le filtre, qui est envoyé dans un laboratoire spécialisé dans les analyses de micropolluants (à Thionville, en Moselle). »
En parallèle, des enquêtes sur les pratiques agricoles ont été réalisées auprès d'une vingtaine d'exploitants dans un rayon d'un kilomètre autour du capteur. Etape suivante, la chambre d'agriculture met en relation les mesures de produits phytosanitaires et les pratiques agricoles. L'idée est d'évaluer les transferts potentiels de produits phytosanitaires dans l'air.

Des résultats « encourageants » en arbo

82 matières actives identiques ont été recherchées sur tous les sites Repp'Air de France. Sur celui suivi par la chambre d'agriculture de la Drôme, « les résultats sont très encourageants, annonce Marion Bouilloux. Très peu de molécules utilisées en arboriculture ont été détectées. Pour celles qui l'ont été, les concentrations sont très faibles (de l'ordre du nanogramme par mètre cube et la plupart du temps souvent bien inférieures) et correspondent à la période de traitements, elles sont donc plutôt liées à des dérives de produits. Les molécules les plus utilisées en arboriculture dans la zone d'étude n'ont pas été détectées, notamment les fongicides de contact les plus employés. La matière active la plus détectée en occurrence (nombre de semaines) et concentrations (qui sont toutefois très faibles) est utilisée en grandes cultures. »

Un indicateur

Actuellement dans le cadre de ce projet, l'Inra (recherche fondamentale) paramètre un outil (logiciel). Il s'agit d'« I-Phy Air », un indicateur pour évaluer les risques de transferts dans l'air d'une molécule à partir du sol ou de la plante, en tenant compte de ses propriétés et des pratiques. Voilà, un pas a été fait avec Repp'Air dans la connaissance sur les transferts de produits phytosanitaires dans l'air. Y aura-t-il une suite pour aller plus loin dans la compréhension de ces phénomènes et limiter les risques... ?

Annie Laurie

*     Casdar : compte d'affectation spécial développement agricole et rural.
**   Inra : institut national de la recherche agronomique.
*** Ineris : institut national de l'environnement industriel et des risques.

 

Les sites Repp'Air

- Auvergne-Rhône-Alpes : arboriculture-grandes cultures.
- Grand Est (Alsace et Lorraine) : polyculture-élevage ; grandes cultures (deux sites).
- Bretagne : polyculture-élevage.
- Pays de la Loire : viticulture
- Centre-Val de Loire : arboriculture-grandes cultures.
- Nouvelle-Aquitaine : grandes cultures-viticulture.

 

Point de vue / Elu chambre d'agriculture de la Drôme en charge de la filière arboriculture, Bruno Darnaud donne son sentiment sur le projet Repp'Air.
« Une démarche de progrès »
« Avec le projet Repp'Air, on partait dans l'inconnu, note Bruno Darnaud. Les premiers résultats des mesures de produits phytosanitaires dans l'air réalisées sont plutôt encourageants. Peu de matières actives ont été retrouvées et, surtout, ce sont des traces infimes. Cette étude nous apprend aussi des choses en termes de dérive et de volatilité des produits. Avec les firmes phytosanitaires, on doit réfléchir sur cette volatilité. Mais aussi sur les pratiques agricoles, que l'on essaie de mettre en lien avec les mesures. Par contre, on ne s'explique pas, par exemple, d'avoir retrouvé dans le filtre du capteur un produit utilisé en viticulture alors qu'aucun agriculteur n'a de vigne dans le secteur. Un particulier en cultive peut-être dans le voisinage.
J'ai toutefois un regret : seule une partie des agriculteurs s'est mobilisée autour de ce projet mais je peux comprendre, avec l'agribashing. C'est dommage car il s'agit d'une démarche de progrès, pas pour stigmatiser mais pour comprendre. Dans le débat d'aujourd'hui, j'aimerais que cette expérimentation se poursuive car elle permet de dédramatiser, relativiser, ainsi que de décrédibiliser le discours de certaines ONG. Elle est aussi intéressante sur le plan technique (météo, conditions d'épandage....) afin d'optimiser l'utilisation des produits phytosanitaires. »
Propos recueillis par A. L.