Restauration hors foyer et GMS : à la recherche de l'origine France

Douze repas par mois et par Français. C'est en moyenne ce que représente la restauration hors foyer (RHF) dans notre pays, un secteur qui pèse près de 68 milliards d'euros de chiffre d'affaires (voir encadré). Mais d'où viennent les produits que nous mangeons en restauration collective et commerciale ? Pour avoir la réponse à cette question, la FDSEA et les Jeunes Agriculteurs (JA) de la Drôme sont allés contrôler les frigos de plusieurs établissements. Cette vaste opération s'est déroulée le 31 juillet simultanément à Montélimar, Valence et Romans.
« Une exception dans le système Sodexo »
A Montélimar, la délégation emmenée par Serge Guier, Anne-Claire Vial, Simon Chabaud et Christophe Richaud s'est tout d'abord rendue à la cuisine centrale, dans le quartier de Nocaze. Sous-traité par la Sodexo, cet établissement prépare quelque 2 000 repas par jour (400 l'été) pour les maternelles et les écoles primaires de la ville. Sans difficulté, le directeur, Cyrille Aubry, a ouvert les chambres froides. Les agriculteurs ont noté la présence de porc du Mont Ventoux, de volailles fermières d'Ardèche, de bœuf français de race bouchère ainsi que de fruits et légumes de la région. Hormis quelques produits comme du maïs doux d'Espagne et de l'ail conditionné en Belgique et sans doute d'origine chinoise, l'entreprise semble mettre en avant les productions locales. « C'est l'une des conditions du contrat de délégation que nous avons avec la ville de Montélimar, a indiqué le responsable. Nous essayons de travailler au mieux avec les producteurs locaux. »
Pour la délégation syndicale, si trouver de l'ail étranger au cœur de la zone IGP et en pleine saison est « intolérable », cet établissement semble toutefois être « une exception dans le système Sodexo ». « On avance », a répondu Cyrille Aubry, indiquant par ailleurs que du pain artisanal et des produits bio locaux étaient également servis. Les producteurs, plutôt satisfaits, ont tout de même prévenu qu'ils reviendront en septembre, lorsque la cuisine fonctionnera à plein régime. « Vous trouverez les mêmes produits mais en quantités plus importantes », leur a assuré le directeur.
Tromperie sur l'origine
La délégation de la FDSEA et des Jeunes Agriculteurs s'est ensuite rendue dans trois grandes surfaces. A Carrefour, les producteurs ont vu rouge en voyant de l'oignon jaune de Nouvelle-Zélande affiché avec l'origine France. Même constat mais cette fois avec de l'ail blanc d'Espagne. De plus, de grandes quantités d'ail argentin étaient proposées à la vente. « Il y a tromperie sur l'origine des produits et la qualité de l'ail proposée est déplorable », ont tempêté les producteurs. Et à partir du 1er août, l'ail français doit être mis en avant. » Ces derniers ont prévenu les services de la direction de la protection des populations (DDPP). Le directeur du magasin a reconnu l'erreur et assuré de sa volonté de mettre en avant les productions locales. « J'ai la possibilité de référencer des producteurs locaux, a-t-il indiqué. Qu'ils n'hésitent pas à me contacter. » Au Lidl puis au Leclerc de Montélimar, comme à Carrefour, la délégation syndicale a cependant constater la présence de fruits et légumes produits localement. Au rayon des viandes, « beaucoup sont d'origine française ce qui semble indiquer que les actions des éleveurs ont fait bouger les choses. Mais l'essentiel du marché, ont précisé les syndicalistes, concerne les produits conditionnés pour lesquels l'étiquetage de l'origine n'est pas précis sinon absent. »
Dans la démarche Agrilocal
A l'heure du déjeuner, la délégation FDSEA-JA a mis le cap sur l'hôpital de Montélimar. 1 800 à 2 000 repas sont préparés quotidiennement pour cet établissement ainsi que pour deux Ehpad et les crèches de l'agglomération. En présence d'un membre de la direction, les producteurs ont dialogué sereinement avec le responsable de la cuisine. « Depuis juin, nous sommes entrés dans la démarche Agrilocal pour des fruits et légumes, a expliqué ce dernier. Mais pour la viande, cela se fait par appels d'offres via un groupement et au mieux disant en termes de qualité et de prix. Nous n'avons pas de maîtrise. L'origine est UE et les fournisseurs sont différents. » Citant l'agglomération de Genève qui impose dans son cahier des charges 50 % de produits d'origine suisse, « celui qui est au bout de la chaîne, que ce soit une collectivité ou un consommateur, doit faire pression pour obtenir en France un système similaire, a indiqué Anne-Claire Vial. Notre démarche n'est pas de demander du 100 % français mais une préférence nationale à hauteur d'au moins 50 %. » Il semblerait que ce souhait soit entendu. Après vérification, le lait provient de Normandie. Quant au lapin, « notre groupement nous propose du sauté d'origine chinoise et du râble provenant de France, a confié le responsable de la cuisine. Nous avons fait le choix du râble. »
Christophe Ledoux
Cuisine centrale de Valence /
Pas si mal, hormis des pêches espagnoles


La deuxième visite s'est déroulée sur un site de restauration collective dédié aux fonctionnaires. En moyenne, Api restauration prépare sur ce site 200 repas par jour. « Nous avons constaté la présence de nombreux produits français, indique Paul Despesse. De plus, les fruits et légumes proviennent de producteurs locaux, les yaourts également et la viande provient d'Ardèche. Un effort est fait sur la qualité, y compris en bio. » Le seul bémol est la présence de cuisses de poulets d'Espagne alors que la Drôme est le premier producteur de volailles de Rhône-Alpes.
Cuisine des hôpitaux Nord Drôme /
98 % de produits étrangers !
De cette série de contrôles menés le 31 juillet, la palme de l'approvisionnement dans les pays étrangers revient sans conteste à la cuisine centrale des hôpitaux Nord-Drôme (Romans, Valence et de Saint-Vallier), qui prépare 5 800 à 6 000 repas par jour. Un constat effarant pour la délégation FDSEA-JA emmenée ici par Jean-Baptiste Vye, Jean-Pierre Royannez, Corinne Deygas et Lilian Berthelin, entre autres. « A part des pêches et des abricots provenant de Châteauneuf-sur-Isère ainsi que de la volaille française (Gastronome), tout le reste ou presque étaient d'origine étrangère, raconte Corinne Deygas. Les poivrons provenaient d'Espagne, les tomates de Hollande, les coulis d'Angleterre... L'origine des légumes sous vide, comme les carottes râpées, n'étaient pas indiquée. La viande bovine, elle, venait d'Allemagne et des Pays-Bas... »La responsable qualité de la cuisine centrale a expliqué que 90 % des achats se font à l'échelle nationale. Les représentants syndicaux ont déploré cette situation. « Comment pouvons-nous être compétitifs si nos produits, qui sont soumis à des normes contraignantes, ne sont ensuite pas valorisés ? », ont-ils mis en avant. Pour sûr, ils ont prévenu qu'ils reviendront effectuer un nouveau contrôle très prochainement.
Affichage ambigu de l'origine /
« Mais que font les services des fraudes ? »

S'ils ont constaté que grâce à la pression exercée par la profession agricole les grandes et moyennes surfaces (GMS) proposent de plus en plus de viande française, par contre pour les fruits et légumes, « c'est la catastrophe ! ». En pleine période de production locale, ils ont trouvé de l'ail, des pêches et des nectarines espagnoles dans les rayons. Les agriculteurs ont donc rappelé aux responsables des magasins Carrefour et Aldi de Crest que la Drôme produit de l'ail et des pêches.
Par ailleurs, ils ont constaté une nouvelle fois de grandes ambiguïtés dans l'affichage de l'origine des produits. Sous des affiches « ail origine France », l'ail venait en réalité d'Espagne. Des tomates signalées « origine France » provenaient en réalité de Belgique. « C'est de la tromperie, déclarent les représentants FDSEA-JA. Il est grand temps que les services des fraudes se rendent dans les magasins et effectuent des contrôles. »
RHF / De grands groupes se partagent le marché de la restauration collective et commerciale. Selon des enquêtes, les trois plus gros importent massivement les produits qu'ils préparent.
Restauration hors foyer : plus de six milliards de repas
En France, la restauration hors foyer (RHF) représente 6,2 milliards de repas et réalise près de 68 milliards d'euros de chiffres d'affaires. Ce secteur regroupe la restauration commerciale (self-service, service à table, restauration rapide, etc.) et la restauration collective. Cette dernière se différencie de la restauration commerciale par son caractère social : elle prépare et sert des repas à une communauté (élèves, salariés, malades, etc.) tout en garantissant des prix réduits. En Rhône-Alpes, par exemple, les lycées servent 20 millions de repas par an.
Jusqu'à 80 % de produits importés
Les sociétés Sodexo, Compass et Elior représentent 80 % du chiffre d'affaires de la restauration collective concédée. Elles importent 75 % de la viande bovine qu'elles servent (source : Idele). Dans le secteur de la volaille, 87 % de la viande utilisée en RHF est importée (source : Institut technique de la volaille). Par ailleurs, selon une enquête du CTIFL, près de 75% des représentants de la restauration commerciale et des collectivités n'accordent aucune importance particulière à l'origine géographique des fruits et légumes. Une situation que dénoncent la FDSEA et les Jeunes Agriculteurs et qui les a conduit à se mobiliser pour de vastes opérations de contrôle (lire ci-dessus).