Rester performant tout en réduisant les intrants

Aux Rendez-vous de l'arbo en Rhône-Alpes, le 15 décembre à Valence, des interventions sur la performance économique et la diminution des intrants sont venues alimenter la réflexion. Conseiller en arboriculture à la chambre d'agriculture de la Drôme, Patrick Exbrayat a rappelé des fondamentaux agronomiques. « La technicité est un point essentiel, aujourd'hui, pour avoir une exploitation rentable », a-t-il observé. Les principaux objectifs sont d'améliorer la productivité et la pérennité du verger, de favoriser l'obtention de fruits de qualité et d'induire une plus-value économique.
Des points clés
Le repos végétatif de la terre (un ou deux ans) entre un arrachage et une replantation a un intérêt agronomique (lutte contre la fatigue du sol). D'autant plus si, entre les deux, sont implantées des cultures à pouvoir détoxifiant et enrichissant en matière organique. L'analyse de sol est utile pour les plans de fumure de fond et d'entretien. L'enrichissement du sol en matière organique à la plantation joue sur la pousse des arbres. Les composts sont importants pour maintenir la valeur en matière organique et faire travailler la microfaune du sol. La fertilisation d'entretien doit être raisonnée en fonction de l'espèce, de la charge en fruits et apportée quand l'arbre en a besoin.
La conduite des jeunes plantations doit favoriser la vitesse de croissance des arbres pour réduire leur phase non productive. Pour maintenir le sol propre, le désherbage mécanique est une alternative aux herbicides chimiques. La taille, elle, aère l'arbre, facilite la pénétration des produits phytosanitaires et donc la lutte contre les maladies cryptogamiques et les ravageurs.
Ecopêche, des systèmes testés
Avec le lancement du plan Ecophyto 2, réduire les intrants tout en maintenant la performance économique « est une problématique d'actualité », pour Yannick Montrognon, technicien chargé du programme pêches et nectarines à la Sefra(1). Dans le cadre du projet Ecopêche, un essai a été mis en place sur la plateforme Tab(2) à la ferme expérimentale d'Etoile-sur-Rhône en 2012, pour comparer trois modes de conduite : raisonnée (RAI), faibles intrants (FI) et agriculture biologique (AB).
Parmi les enseignements tirés, Yannick Montrognon note que le système RAI est performant mais son IFT(3) est élevé. La modalité FI a permis d'obtenir une récolte satisfaisante. Elle offre un bon compromis mais n'a pas permis de dégager la même marge économique (perte de production). Le système AB a dégagé une marge satisfaisante grâce à son prix de vente élevé et son IFT est faible.
Mettre des moyens sur la génétique
Quelles sont les possibilités de réduction en intrants ? Yannick Montrognon répond : « Elles sont faibles en irrigation et fertilisants. En IFT "chimiques", elles sont moyennes à court terme, plus importantes à long terme selon les moyens engagés »... Pour faire baisser ces IFT « chimiques », comme leviers à actionner dans l'immédiat, le technicien mentionne le désherbage mécanique, l'utilisation de produits de bio-contrôle (soufre, huiles, confusion sexuelle...), les comptages de bio-agresseurs (thrips sur fleurs, par exemple) et la biodiversité. Mais, pour vraiment réduire l'emploi de produits phytosanitaires, Yannick Montrognon prône le développement d'outils d'aide à la décision : il existe un modèle pour la tordeuse orientale du pêcher mais rien contre monilia et la cloque. Et le technicien de conclure : « Si l'État ambitionne de faire baisser l'utilisation des phytosanitaires, il faudra qu'il mette les moyens sur la création de géniteurs "élites" ».
Annie Laurie
(1) Sefra : station d'expérimentation fruitière Rhône-Alpes.
(2) Tab : techniques alternatives et biologiques.
(3) IFT : indice de fréquence de traitement.
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Le positionnement de l'Inra

La démarche de l'Inra cible le cumul de traits d'intérêts, incluant notamment autofertilité, régularité de production, résistance durable (sharka, chancre bactérien, monilia), production sous faibles niveaux d'intrants (résilience). « Nous y arriverons que si nous faisons de la co-construction, pas seulement entre chercheurs mais en lien étroit aussi avec les acteurs de la filière », a confié Jean-Marc Audergon.A.L.(*) Inra : institut national de recherche agronomique.
Prédation / Comment favoriser la biodiversité dans son verger ? Les Rendez-vous de l'arbo en Rhône-Alpes se sont intéressés à ce sujet.La biodiversité, outil de régulation des ravageurs

Dans les haies de la Plateforme Tab, et plus particulièrement dans l'essai « Vertical » associant pêchers et grandes cultures en agroforesterie, des nichoirs ont été posés pour les mésanges. Une expérimentation a démontré qu'elles vont se nourrir dans le verger : elles ont mordu les chenilles en pâte à modeler placées dans les arbres fruitiers. Ce travail va être poursuivi afin de mesurer si l'impact des mésanges en termes de prédation est significatif.Mares, perchoirs, nichoirs, gîtes...
Sur son exploitation, Sébastien Blache s'emploie à favoriser la biodiversité avec des mares, arbres, haies, perchoirs, nichoirs, gîtes, bandes enherbées. « Les chauves-souris (grosses consommatrices de papillons nocturnes), on peut en gagner, a-t-il assuré. Essentielles pour les libellules, qui mangent des insectes, les mares sont un investissement peu coûteux (quelques mètres carrés étanchés). » L'hermine et la belette, elles, sont deux spécialistes des campagnols mais ont besoin de gîtes. Dans son verger, Sébastien Blache leur en a confectionné avec des déchets de culture. A présent, des belettes y viennent. Il considère les haies comme des « éléments déterminants » et conseille de conserver des arbres morts. Sur la Plateforme Tab, une mare de 16 m² a été mise en place ainsi que des nichoirs à faucons crécerelles, à chouettes chevêches ou encore à chouettes hulottes. A l'Inra à Gotheron (Saint-Marcel-lès-Valence), sont expérimentés des perchoirs pour les rapaces qui chassent à l'affût avec, sur le dessus, des nichoirs pour les chauves-souris.
« Ces solutions peuvent faire sourire mais sont à prendre au sérieux », a remarqué l'intervenant. Et de signaler encore l'organisation de formations sur la biodiversité organisées par la chambre d'agriculture de la Drôme. Mais aussi un ouvrage du CTIFL(2) sur la biodiversité et la régulation des ravageurs en arboriculture fruitière.Annie Laurie(1) Ligue pour la protection des oiseaux.
(2) CTIFL : centre technique interprofessionnel des fruits et légumes.