« Revenir », un film sur la détresse du monde agricole tourné en Drôme

Après « Petit paysan » sorti en 2017 et « Au nom de la Terre » en 2019, « Revenir » est un film qui aborde une nouvelle fois le thème de la détresse d'exploitants agricoles. Tourné à la fin de l'été 2018 dans la Drôme, entre Valence et Montélimar, le premier long métrage de Jessica Palud est sorti au cinéma ce mercredi 29 janvier (sortie nationale Valence, Portes-lès-Valence et Montélimar). « J'avais envie de soleil, d'une atmosphère chaude et d'une image lumineuse, pour contrebalancer la dureté de l'histoire. J'avais aussi envie qu'on croie à la réalité de ces lieux. Les propriétaires de la ferme que nous avons choisie m'ont bouleversée. J'ai passé beaucoup de temps avec eux, le film n'était pas si loin de leur vie : ils ont aussi perdu leurs vaches, leur fils est parti, le père ne lui a plus parlé pendant deux ans... », a expliqué la réalisatrice de 37 ans.
Les scènes principales ont été tournées dans une ferme de Poët-Célard. Dans le film, cette ferme, c'est celle où Thomas (Niels Schneider) est né. C'est sa famille. Son frère qui ne reviendra plus, sa mère qui est en train de l'imiter et son père, avec qui rien n'a jamais été possible. Il retrouve tout ce que qu'il a fui douze ans avant. Mais, aujourd'hui, il y a Alex (Roman Coustère Hachez), son neveu de six ans, et Mona (Adèle Exarchopoulos), sa mère incandescente. L'acteur principal se confronte alors à la dure réalité du monde rural et découvre que l'exploitation familiale est criblée de dettes...
Un film lumineux dans un contexte sombre
Jessica Palud a ainsi souhaité retracer cinq jours de la vie d'une famille bouleversante et bouleversée par un quotidien qu'elle ne maîtrise plus. De Valence au Poët-Célard, de Dieulefit à l'hôpital de Montélimar, en passant par Charpey, les paysages et l'ensoleillement qu'offre la Drôme apporte à ce long métrage une douceur frappante.
Car les équipes technique et artistique se sont aussi installées dans une ferme en activité, celle du Gaec Vigne à Charpey. Associé avec son épouse Danielle et son frère Régis, Thierry Vigne raconte : « J'ai reçu un appel téléphonique d'une société de repérage m'indiquant que la réalisatrice recherchait une exploitation en activité afin de pouvoir filmer des scènes au milieu des vaches. Celle-ci serait, dans le film, "la ferme des amis". Notre ferme a finalement été retenue en juin 2018, pour un tournage prévu deux mois plus tard. Entre temps, nous avons reçu plusieurs fois l'équipe de production pour évoquer les modalités du tournage ». Une grande première pour la famille d'éleveurs qui n'avait encore jamais franchi ce cap : « Ce qui m'a poussé à accepter, c'est vraiment l'histoire. Elle est basée sur un fond de crise agricole ; chaque personnage est empreint d'émotions », poursuit Thierry Vigne.
Au plus près de la réalité
Pour rester maître de son exploitation, l'éleveur a cependant posé quelques conditions, non seulement pour sécuriser les scènes et les acteurs, mais aussi pour ne pas effrayer les bêtes. Il a ainsi guidé l'équipe technique. « Certains acteurs ne connaissaient pas du tout le milieu agricole. La veille du tournage, je les ai reçus sur la ferme pour leur expliquer comment se comporter au milieu du troupeau. Au final, avec vingt-cinq techniciens dans l'étable, tout s'est bien déroulé », indique Thierry Vigne. Et pour la petite surprise du chef, l'une des vaches a vêlé ce jour-là, permettant à la réalisatrice de filmer des scènes plus vraies que nature.
L'éleveur, avec quelques membres de sa famille, a joué un rôle de figurant. Il s'avoue privilégié d'avoir vécu une telle aventure. « Nous avons eu la chance de rencontrer les acteurs, d'échanger avec l'équipe technique sur notre profession, de créer des contacts forts avec la réalisatrice... Cela restera un souvenir inoubliable », confie Thierry Vigne, dont le Gaec compte 65 vaches laitières et ses descendances.
Emouvant et éprouvant
« À travers cette histoire, je voulais aussi évoquer le malaise paysan. Ce monde agricole en déshérence, ces fermes sans cheptel, ces campagnes du vide où règne souvent une très grande solitude, morale et affective. Ces familles isolées, ces hommes usés... Chez beaucoup d'entre eux, la famille et l'exploitation ne font qu'un », souligne la réalisatrice. Un film émouvant et éprouvant, porteur de messages.
« J'ai forcément été touché par l'histoire car elle montre la détresse et le déclin de l'agriculture d'aujourd'hui. Pour nous éleveurs, le prix du lait n'augmente pas, au contraire des charges. J'ai appris dernièrement que 30 % d'éleveurs laitiers en France avaient arrêté leur exploitation l'an dernier. Ce film ne montre donc que la triste réalité du monde agricole », conclut Thierry Vigne.
Porté par les acteurs Niels Schneider et Adèle Exarchopoulos, le film « Revenir » a déjà reçu le prix Orizzonti du meilleur scénario à la Mostra de Venise 2019.
Amandine Priolet