Revenu agricole : en hausse mais avec de fortes disparités

Alors que la conjoncture s'est fortement dégradée depuis le début de l'année 2015, le revenu agricole s'est nettement amélioré en 2014, selon la Commission des comptes de l'Agriculture de la Nation réunie le 3 juillet. Selon l'Insee, il s'est redressé de 20,8 % par rapport à 2013 et seulement de +7,6 % selon le ministère de l'Agriculture. Un écart qui s'explique par une approche méthodologique différente. Les comptes du ministère de l'Agriculture portent sur les grandes et moyennes exploitations dont le chiffre d'affaires annuel est supérieur à 25 000 €, alors que l'Insee agrège les résultats de toutes les unités économiques qui produisent un bien agricole, y compris les Cuma, les entreprises de travaux agricoles et même les lycées agricoles. L'importance de l'écart trouve également son origine dans le fait que le ministère de l'Agriculture n'a pas pris en compte l'impact du CICE, évalué à 250 millions d'euros, qui a été intégré par l'Insee dans ses estimations.
Des résultats hétérogènes
Quoi qu'il en soit la hausse de 2014 ne compense pas la chute de 2013 (-27,5 % selon l'Insee ou - 29,5 % selon le ministère de l'Agriculture). Et cette progression moyenne est très hétérogène, avec de fortes baisses pour certains secteurs de production et des hausses également élevées pour d'autres. En effet si la moyenne s'établit à 27 200 euros par actif non salarié dans les exploitations grandes et moyennes (+7,6 %), le revenu des producteurs de grandes cultures (céréales, oléagineux, protéagineux) n'atteint que 16 400 euros (-11,9 %) à cause de la baisse des prix qui n'a pas compensé la progression des volumes. L'abondance des récoltes à l'échelle mondiale, en particulier du blé, du maïs et du soja a lourdement pesé sur les cours. Les prix des fruits ont également nettement fléchi, entraînant celui du revenu des producteurs qui n'atteint que 13 700 euros (-52,4 %), après une année 2013 caractérisée par une faible production. Alors que le revenu des producteurs de légumes et de l'horticulture est parvenu à se maintenir à 21 700 euros (+3,5 %). Egalement à la traîne, le revenu des producteurs de bovins viande qui n'atteint que 15 900 euros (-14,7 %), victimes eux aussi de la baisse des prix et d'une conjoncture dégradée depuis plusieurs années. En berne aussi, le revenu des producteurs de porcs à 24 800 euros (-13,3 %), à cause également du recul des prix à la production consécutif à l'embargo russe. Les éleveurs d'ovins sont guère mieux lotis : leur revenu s'affiche à 17 400 euros (+15,8 %), même s'il a progressé grâce à une légère embellie des prix.
Forte instabilité
Finalement le revenu moyen de la ferme France n'est parvenu à se redresser que grâce à la viticulture et au lait. Le prix du lait est resté bien orienté tout au long de l'année tiré par le dynamisme de la demande mondiale. Les producteurs en ont profité en poussant leur production. Leur revenu a atteint 31 000 euros (+30,3 %), le plus élevé de toutes les productions animales. Mais la sortie des quotas en 2015 ouvre une période d'incertitude pour l'avenir, les prix étant orientés à la baisse depuis janvier. Idem pour les vignerons qui ont bénéficié d'une hausse des volumes et des prix soutenus par la faiblesse de stocks. Leur revenu a atteint 51 300 euros, en progrès de 37,5 % sur l'année précédente. Quoiqu'il en soit, la volatilité s'est installée dans l'économie agricole française. La progression du revenu agricole en 2014 suit une dégradation aussi intense en 2013. Cette instabilité touche désormais tous les secteurs d'activité y compris ceux qui ont été très stables durant de nombreuses années comme les céréales, la viande bovine et le lait. Autre leçon des résultats 2014, les disparités régionales ne se sont guère modifiées au cours du temps. Entre 1990 et aujourd'hui, on constate le même partage entre le nord (hauts revenus moyens) et le sud (bas revenus moyens) avec un léger déplacement du centre de gravité des revenus vers l'Ouest grâce à une progression des revenus des régions de grandes cultures du Bassin parisien et du Poitou et un léger repli de ceux de Champagne Ardennes, observe les chambres d'Agriculture.