Sacs plastiques au marché : la transition est déjà en marche

Un brouhaha chaleureux, les odeurs de poulet rôti, d'herbes fraîches ou de melon, pas de doutes, vous êtes sur la place du marché. Les couleurs sautent aux yeux : le rouge des tomates, l'orange des abricots, le pourpre des aubergines. Et le bleu, et le jaune... des sacs plastiques que l'on retrouve encore sur les étals. Plus pour longtemps cependant. Producteurs, revendeurs, forains seront aux aussi soumis à l'interdiction de distribuer les sachets à usage unique, à compter du 1er janvier 2017.
Le plastique, pas systématique
« Après avoir écoulé ceux qu'il me reste, j'achèterai des sacs biodégradables. Je ne suis pas contre, c'est une bonne mesure. Il faut économiser, ça reste du pétrole », indique Jacques, maraîcher à Loriol. La révolution n'est pas au programme, et pour cause. Nombre de clients n'ont pas attendu le vote de la loi pour opérer la transition. « De plus en plus d'entre eux me demandent de ne pas leur donner de sac plastique et viennent avec leur panier. » La preuve avec Marie Rochas, de Lyas : « Je ne peux pas porter, donc je ne viens jamais au marché sans mon caddie. Dedans, j'y entrepose mes sacs en papier ou alors mes légumes en vrac. Si on veut être honnêtes avec nous-mêmes, on est bien obligé de constater que la planète va de plus en plus mal. Alors moins de plastique, c'est mieux ! »
Certains professionnels ont également déjà opté pour la rigueur. « Je ne les donne que pour les salades et seulement si le client m'en demande », explique Virginie Paoletti, productrice de légumes bio à Coux. À son stand, cela reste exceptionnel : « les gens sont bien organisés ». Même son de cloche au stand d'à côté. Jacky Basset, éleveur caprin à Rochessauve, utilise depuis des années des sacs en papier ou à base d'amidon de maïs pour son fromage. « Les sacs biodégradables se dépérissent tout seuls. Certains, en stock, s'étaient déjà détériorés avant même d'avoir servi. De toute façon, j'utilise principalement les emballages en papier et ne donne du plastique que si l'acheteur le souhaite. Et c'est « rentabilisé » : un sac plastique contient en moyenne 10 euros d'achat. J'ai même un client qui revient avec le même sachet, au nom de l'entreprise, depuis deux ans ! »
« Ça remplace le sac-poubelle »
Alain Doize, producteur des légumes à Chomérac, se montre plus sceptique. « En maraîchage, on vend trop de produits humides pour utiliser du papier et les gens sont indisciplinés, même si environ 10 % de nos clients réutilisent déjà leurs sacs ou prennent un cabas. » Nombreux encore sont ceux qui, selon lui, réclament un sachet pour trois fois rien. « Il ne faut pas se leurrer, ça remplace le sac-poubelle », affirme-t-il.
Plutôt bon élève, Loïc Plottard, un Choméracois jovial, n'avait cette fois pas anticipé. Dépourvu de panier, le voilà portant plusieurs sachets. « Cette mesure est une bonne chose mais cela va demander plus d'organisation, de laisser en permanence des cabas dans la voiture au cas où », prévoit-il. Denise Savary, proche des 70 printemps, fait quant à elle partie des inconditionnels. « Je ne peux pas mettre tous mes achats comme ça dans mon cabas, tout s'écraserait ! » Ainsi, elle y empile les cornets de plus petite contenance... Mais elle rassure : « ce sont les transparents qui vont être interdits, pas ceux que j'utilise ».
Alain Doize est aussi perplexe sur les alternatives et leur coût. « Je me suis déjà vaguement renseigné et on m'a annoncé le double ou le triple du prix pour un sac biodégradable. On sera obligé de le répercuter sur le prix de vente au client. » Le prix d'achat de sacs plastiques à usage unique traditionnel semble en effet imbattable. Par exemple, une enseigne se revendiquant n° 1 européen de l'emballage vend le sac à bretelle basique
28 euros (HT) les 2 000 exemplaires et propose le sac biodégradable floqué à 54 euros (HT) pour un colis de 250. Les producteurs vont devoir trouver l'équilibre et sensibiliser davantage la clientèle mais Virginie Paoletti reste malgré tout confiante : « Cette loi vient juste formaliser quelque chose qui fonctionne déjà ». n
T. R.