Savoir interpréter les analyses de sol

Une analyse de sol c'est d'abord une analyse physico-chimique. La texture du sol est dépendante des éléments minéraux présents et est la résultante de la dégradation de la roche mère en dessous. Grâce à cette analyse en proportion des éléments (limons, argiles, sables), on peut situer son sol sur le triangle des textures (voir graphique) et connaître les propriétés physiques de ces derniers. Il est important de préciser que la texture évolue à des temps géologiques et que l'impact de l'agriculteur est très faible dans cette mesure. Comme on dit « on fait avec ce qu'on a ! » Ce sont donc les pratiques qu'il faut faire évoluer en fonction du type de sol et non l'inverse ! La structure est liée à la texture (nature du sol) et aux pratiques de l'agriculteur. Elle peut évoluer beaucoup plus rapidement grâce ou à cause du travail du sol. Un passage de tracteur avec la mauvaise pression des pneus ou encore sur une terre pas assez ressuyée peut provoquer des tassements et ainsi pénaliser le fonctionnement du sol. En effet, la présence d'oxygène est indispensable pour les bactéries et champignons qui dégradent la matière organique. Une bonne structure de sol, un équilibre entre éléments minéraux et organiques permet la création de complexe argilo humique dans le sol. Ces complexes se forment par des liaisons à l'échelle moléculaire et permettent de favoriser la rétention en eau, la disponibilité des éléments et sa non-lixiviation. En résumé, la création de ses complexes dans le sol permet de tamponner la nature du sol imposée par les éléments minéraux et d'utiliser la matière organique comme un allié pour optimiser ses cultures. Il faut aussi garder en tête que toutes ces analyses se font sur la terre de l'échantillon et non sur les pierres. Les pierres issues d'un échantillon de terre qui arrive au labo sont triées avant de procéder aux analyses. Par conséquent, plus il y a de pierres, plus votre proportion de terre est faible et plus les analyses sont à relativiser.
Caractérisation de la matière organique
La matière organique (MO) totale regroupe toutes les différentes formes de MO qui existent dans le sol. Elle est la résultante de la nature du sol, les pratiques de l'agriculteur, les apports réalisés... À savoir que qu'une MO totale de 4,5 % correspond à 105 tonnes par hectare sur une profondeur de 20 cm.
Les MO libres, sont les plus facilement consommées par la vie du sol. Elles correspondent au stock à moyen terme. Elles apportent de l'énergie à la vie du sol pour l'activité de minéralisation des bactéries. Les MO libres doivent être en quantité suffisante pour assurer une multiplication et activité intense des organismes du sol. La MO liée est la plus stable dans le temps. Elle correspond à ce qu'on peut appeler humus. Quand cette matière est minéralisée par la vie du sol, elle apporte des éléments nutritifs pour les cultures. C'est donc le réservoir du sol. De plus, c'est ce type de MO qui se fixe aux éléments minéraux pour la création de complexe argilo-humique La biomasse microbienne est la matière organique vivante dans le sol. Les bactéries, les champignons et toutes les « petites bêtes » que vous voyez ou pas d'ailleurs ! La biomasse microbienne est constituée de nombreux éléments nutritifs qui se libèrent au fur et à mesure du renouvellement de cette biomasse dans le sol. Elle participe également à de nombreuses propriétés agronomiques (porosité, rétention...). Ce bilan de MO de la parcelle permet de déterminer l'activité microbienne du sol qui aboutit (quand tout se passe bien) à la fertilisation des cultures.
Les différents types de produits et comment choisir ?
Les engrais organiques sont très diversifiés que ce soit par leur forme (fumier, compost, engrais vert, BRF, poudre de viande, d'os ou de plumes pour les granulés, voire bien plus encore...) ou par leur composition (pourcentage de paille, litière sur sciure, paille ou copeaux, types d'élevage...). La liste est très longue et peut poser des soucis quand il faut choisir. Nous avons vu comment faire le « bilan » de l'activité biologique du sol, il est donc important de corréler les besoins du sol avec l'effet que va apporter l'engrais. Et pour ça, malheureusement le « nom » du produit ne suffit pas.
Le rapport C/N
Il permet de comprendre la proportion de carbone par rapport à l'azote dans le produit. Plus ce rapport est bas et plus le produit est chargé en azote ; plus le rapport est haut plus la proportion de Carbone est importante. Un C/N élevé va induire une consommation d'azote du sol pour dégrader les celluloses. La valeur fertilisante du produit sera donc minime à court terme. À l'inverse, un rapport C/N très bas (engrais vert de féverole par exemple) va enrichir le milieu en azote et apporte une valeur fertilisante rapide (cas des fientes par exemple).
Aucun produit est mieux que l'autre mais il paraît évident que si l'objectif sur un blé meunier est de monter en protéine, il ne sera pas favorable de mettre un produit avec un rapport C/N élevé au mois d'avril. En effet, la faim d'azote crée par le produit va pénaliser le blé. En revanche, si ce même produit est mis à l'automne à la destruction d'un engrais vert la problématique n'existera donc pas.
L'indice de stabilité de la matière organique : ISMO
L'ISMO permet d'appréhender la proportion de la matière organique du produit qui se « transformera » soit en MO liée résistante à la dégradation (humus) soit en MO libre facilement minéralisable qui alimentera les cultures.
Pour un ISMO de 50 %, cela veut dire que la moitié du produit se stockera sous forme d'humus et l'autre moitié aura un effet fertilisant selon l'activité biologique et les conditions climatiques ! Si nous reprenons notre blé d'hiver, l'objectif d'un apport au printemps sera de trouver un produit avec un C/N bas et un ISMO faible pour conserver le plus de valeurs fertilisantes possible. À l'inverse, pour un épandage d'hiver il faudra privilégier un ISMO élevé pour éviter le lessivage de l'azote pendant l'hiver. En revanche, si vous avez une analyse de sol qui vous montre une MO bloquée qui n'évolue pas bien dans le temps, il faudra éviter des produits à fort ISMO qui n'arrangeront pas la situation.
En conclusion, et comme souvent en agriculture (biologique comme conventionnelle), il n'y a aucune recette magique. L'engrais parfait avec la période adéquate pour l'épandre n'existe pas. Il faut raisonner en fonction de la culture en place, des caractéristiques de l'engrais ou effluent dont on dispose ou encore de ce que les analyses de sol peuvent dire à moyen ou long terme. Une analyse de sol régulière permet d'appréhender des choses invisibles à l'œil nu et de faire un bilan organique de sa parcelle. Elle permet de se remettre en question et de voir quels impacts les pratiques ont sur le bilan organique et comment on peut y remédier. L'objectif d'une analyse de sol en bio n'est pas « d'acheter » les éléments minéraux manquants, mais de comprendre comment l'activité microbienne du sol peut nous aider dans cette quête. Non, le sol n'est pas qu'un support et le comprendre est essentiel pour produire sans engrais de synthèse.