Sécheresse 2015 : le bilan de la solidarité

« Même s'il pleuvait, le mal est déjà fait », déploraient en juillet 2015 des éleveurs du Nord-Drôme. Après un hiver très humide et un début de printemps humide et froid, les semis de maïs ensilage avaient été été tardifs. Un temps sec à partir de début juin puis une canicule en juillet avaient réduit à néant tout espoir de récolte sur les parcelles sans irrigation. Plus au sud, comme dans la plaine de Montélimar, l'excès de chaleur avait empêché la bonne fécondation des maïs semence. Face aux grandes difficultés d'affouragement, certains éleveurs avaient alors on tiré la sonnette d'alarme. L'association Solidarité agricole Drôme* (SAD26) - créée lors de la grande sécheresse de 2003, réactivée pour le même aléa en 2011 - avait donc repris du service en juillet 2015. Le 6 juin dernier, en assemblée générale dans les locaux de la chambre d'agriculture à Bourg-lès-Valence, son président, Jean-Pierre Royannez, a fait le bilan de l'opération mise en place l'an dernier.
Un déficit fourrager important
« L'inquiétude avait été très forte en juillet, quand les pâturages ont lâché », a-t-il rappelé. Les conseillers de la chambre d'agriculture avaient alors estimé les pertes de 33 à 35 %. Soit plus de 52 000 tonnes de déficit fourrager en Drôme. Comme en 2003 et 2011, la solidarité entre céréaliers et éleveurs a joué. Plus précisément avec les multiplicateurs de semences, lesquels avaient vu leurs cultures de maïs anéanties, faute de fécondation. Plutôt que de les broyer, le syndicat des producteurs de semence de maïs et sorgho (SPSMS) avait proposé de les mettre à disposition des éleveurs. Un technicien de la chambre d'agriculture, Jean-Pierre Chevalier, était alors venu analyser la faisabilité de l'opération. « Il s'est avéré que ce produit était tout à fait exploitable pour les animaux », a-t-il rappelé le 6 juin dernier. Les analyses avaient en effet montré de bonnes valeurs : 25 % de matière sèche vers le 20 août, une UFL entre 0,84 et 0,85.
Plus de 1 100 balles livrées
Les maïsiculteurs ayant obtenu de leur contractant l'accord de pouvoir fournir les éleveurs et de maintenir l'irrigation pour garder en bon état la végétation. Une chaîne de solidarité s'était alors mise en œuvre. « Nous avions recensé les besoins auprès des éleveurs de plus de 25 UGB, recherché et trouvé une solution pour round-baller ce maïs et négocié une aide pour le transporter auprès du conseil départemental », a expliqué Jean-Pierre Royannez. L'association SAD26 a fait appel à la SARL Bergeron (42), entreprise de travaux agricoles. Une fois l'offre construite, celle-ci a été communiquée à l'ensemble des éleveurs drômois. Au final, vingt-huit hectares ont été mobilisés chez cinq producteurs de maïs. L'opération d'ensilage s'est faite de fin août à mi-septembre. 1 140 balles ont été livrées à dix-neuf éleveurs, au prix de 30 euros, ramené à 28 euros grâce à l'aide du conseil départemental pour la prise en charge du transport (subvention de 15 000 euros). « Nous avons répondu à l'ensemble des demandes d'éleveurs », a précisé Jean-Pierre Royannez. Il a tenu à remercier aussi d'autres partenaires qui, d'une manière ou d'une autre, ont apporté leur contribution (notamment la chambre d'agriculture, la FDSEA, Groupama, le CerFrance Drôme-Vaucluse) ainsi que l'entreprise Bergeron, le SPSMS et, bien entendu, les maïsiculteurs ayant offert leurs cultures. « Cette action de solidarité est le fruit d'une action collective dans laquelle les maïsiculteurs de la filière semence et les techniciens de la chambre d'agriculture, entre autres, ont mené un travail remarquable », a souligné Anne-Claire Vial, présidente de la chambre d'agriculture. Pour certains éleveurs, cette opération leur a également permis de repenser leur système fourrager.
Christophe Ledoux
* Bien que son action ait jusqu'à présent été en lien avec la sécheresse, l'association Solidarité agricole Drôme a vocation à intervenir lors de tout type d'aléa, pour des actions de solidarité.