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Témoignage

Sécheresse : « Ça va être très compliqué »

Comme bien d’autres exploitations de la Drôme, le Gaec Juven (Geyssans) est confronté à la sécheresse et au manque de fourrage. L’un des associés revient sur la situation et présente les solutions envisagées.
Sécheresse : « Ça va être très compliqué »

«C'est catastrophique ! On va passer l'année. Mais pour celles à venir, ça va être très compliqué ». Loïc Juven, éleveur à Geyssans, ne mâche pas ses mots quant au manque de fourrage dû à la sécheresse de ces derniers mois. « On a eu 30 mm qui sont tombés le week-end du 6 et 7 octobre. Cela faisait deux mois qu'il n'avait pas plu. Et sur l'été, nous n'avons eu que 30 mm. »

Loïc Juven.

Les réserves menacées

Alors forcément, cela se ressent, même si l'exploitation a choisi d'élever moins de génisses grâce au génotypage. « Nous avions auparavant 28 génisses, nous n'en avons plus que 20. C'est moins de bêtes à nourrir, il y a moins de pression sur le parc », poursuit l'éleveur. Des parcs qui ont extrêmement souffert. « Nous avons 108 hectares de prairies, d'herbe. Autant dire 108 hectares de pas grand-chose. Nous n'avons par ailleurs pas pu semer nos prairies à l'automne, mais seulement quelques parcelles qui sont irriguées », poursuit-il. Ses stocks devraient être consommés cet hiver. L'achat de fourrage auprès de prestataires est compliqué, tant la demande est importante et l'offre moindre. « On a aussi voulu acheter deux camions de paille, on en a eu qu'un. Je n'avais encore jamais vu quelqu'un acheter de la paille chez nous », raconte-t-il. Et les économies potentielles restent de mises. « Nous avons déjà commencé à donner du foin ; les animaux en consomment autant que s'ils étaient dans le bâtiment. Pour le moment, ils sont dehors. Avec cette atmosphère saine et sèche, on a dit qu'on ne les rentrait pas. Ils sont bien dehors, cela nous permet aussi de ne pas consommer de paille pour le moment », ajoute-t-il.

Plusieurs solutions envisagées

Le jeune éleveur est réaliste, il sait que les années à venir devraient être - au regard de l'évolution du climat - de moins en moins pluvieuses et de plus en plus sèches. Cette situation complexe n'est pas sans poser des interrogations quant à la continuité de l'élevage sur l'exploitation. Loïc Juven se penche donc, avec les autres associés du Gaec, sur de nouvelles solutions à court et moyen terme. Il vendra par exemple, dans les prochaines semaines, trois à cinq bêtes de son cheptel allaitant, voire plus. « Afin d'être sûrs de pouvoir nourrir toutes les autres. Ce sont des bêtes pleines qu'on ne pourra pas faire vêler », souligne-t-il, admettant que cela reste dur de voir des animaux partir.
Lors de la dernière campagne, du moha - mêlé à du trèfle - a également été semé pour nourrir le troupeau allaitant lors de la période automnale. « On essaie de nouvelles choses. Nous cherchions de nouvelles espèces moins gourmandes en eau. Le moha est une jolie plante qui est sortie sans eau. Nous avons fait pâturer les bêtes. Avec deux à trois tonnes de matière sèche à l'hectare, c'est toujours ça de pris », explique-t-il.

L'eau, un enjeu pour l'avenir

Selon lui, l'eau - et notamment son stockage - est d'ailleurs l'un des enjeux de l'agriculture de demain. Dans les prochains mois, les exploitants feront des sursemis dans les prairies naturelles. Selon les endroits, ils sèmeront au tracteur ou en quad. L'agroforesterie n'est en revanche pas une piste envisagée. « Il faut de l'irrigation. Sans cela, ça ne sert à rien, les arbres vont dépérir », précise-t-il.
Cette situation aura un coût pour l'exploitation. Mais difficile pour l'heure d'établir le montant. « Nous sommes sortis des zones défavorisées simples, nous sommes passés en zones vulnérables, il y a eu la sécheresse, c'est vraiment pour nous une triple peine », indique également Loïc Juven. 
A. T.

 

REPÈRES /
  Le Gaec Juven en bref

Une exploitation familiale, Loïc Juven représentant la quatrième génération.
SAU : 208 ha (dont 108 de prairies).
70 vaches montbéliardes (600 000 litres de lait produit chaque année en IGP saint-marcellin).
38 mères allaitantes charolaises et limousines.
26 000 poules pondeuses en intégration.
Arboriculture, maraîchage (vente directe).

 

Récolte de fourrages / Rendements réduits, qualité médiocre

Le bilan réalisé avec la collaboration des techniciens des Conseils élevage est alarmant : les éleveurs ont entamé les stocks depuis plusieurs semaines alors que la sécheresse persistante pénalise déjà les récoltes futures.
En Drôme, Isère et Ardèche, le moisture tracker* a démontré, sur les trois départements, que la sécheresse a entraîné une baisse générale de rendement sur les maïs non irrigués : en moyenne 10 tonnes sur 40 (entre 1 et 2 tonnes de matière sèche en moins par hectare). Le manque de pluie, même en montagne, hypothèque l’autonomie future en protéines car les prairies de luzernes, ray-grass ne poussent pas. Pour l’herbe, la fauche de printemps s’est déroulée sous la pluie. La première coupe (enrubannage) n’a pas été effectuée au bon stade. Pour la deuxième, la qualité est bonne mais le déficit en quantité est supérieur à 50 %. 
M. B.
* Moisture tracker™ est un scanner portable à infrarouge (NIR) mesurant et enregistrant rapidement et précisément sur site la teneur en matière sèche et en humidité des aliments, fourrages ou cultures. Cela permet de réagir rapidement aux modifications de la matière sèche.

Lire également les conseils et rations de l'utilisation de la paille de maïs.