Sécheresse et canicule : gérer l'urgence et envisager l'avenir

Pour la troisième année consécutive, les productions fourragères, et surtout les prairies, subissent une période de sécheresse aggravée par de faibles réserves en eau à la fin de l'hiver et des températures exceptionnelles. Les conséquences économiques et techniques sont lourdes. La perte de la productivité des prairies est évidente. De plus, le potentiel de production est largement entamé pour l'avenir. Il y a d'ailleurs disparition de certaines plantes mal adaptées à ces contrastes climatiques, au profit d'autres qui ne présentent pas d'intérêt fourrager. Le maintien des animaux en prairie entraîne un surpâturage préjudiciable aux graminées qui facilite l'invasion d'adventices adaptées à ce contexte climatique. Cette pénurie de fourrages à pâturer engendre la nécessité de nourrir les animaux avec des fourrages stockés initialement prévus pour l'hiver, ou avec des concentrés avec le surcoût que l'on imagine, sachant que les frais de récolte multiplient par trois le prix de revient par rapport au fourrage pâturé.
Reconstituer des stocks avec les dérobées fourragères
Les solutions et décisions à prendre sont multiples et à adapter en fonction des conditions du foncier (disposition des parcelles), du type d'animaux, du mode d'exploitation prévu. L'année climatique a avancé la date des moissons et autres récoltes. L'occasion de miser davantage sur les cultures dérobées fourragères. Au moins 25 espèces sont disponibles : des crucifères, des légumineuses, des graminées comme le moha, le millet, le sorgho. Le choix se fera en fonction de la période prévue de récolte (ou pâturage), récolte uniquement à l'automne ou uniquement au printemps ou à la fois à l'automne puis au printemps. Le choix se fera aussi en fonction du mode de valorisation : pâturage, fauche, affourragement. Il faut penser aussi à la destruction de ce couvert et gérer le risque de repousse ou de dissémination.
Bien choisir la culture dérobée fourragère
Deux clés essentielles sont à prendre en compte pour réussir la culture dérobée fourragère : la qualité de la semence et les soins de l'implantation. Enfin, pour éviter les dégradations liées au surpâturage, il est préférable de limiter les surfaces accessibles aux animaux afin d'épargner l'essentiel de la surface. Les conditions difficiles pour la prairie sont aussi des périodes particulièrement favorables au sursemis. Le principe est d'utiliser de préférence un semoir de semis direct pour une perturbation minimale du sol et éviter les levées d'adventices, de semer dans la terre - et non dans la matière organique de surface - à 1 cm de profondeur, des espèces pérennes agressives, comme les ray-grass
d'Italie, les ray-grass hybrides et les trèfles hybrides. Ces espèces peu pérennes seront toutefois en capacité de produire rapidement des stocks. Pour une restauration plus durable de la prairie, on pourra envisager un sursemis de ray-grass anglais et trèfle blanc géant. La fétuque élevée, la fétuque des prés, la fléole, le dactyle sont plus lentes à s'implanter et il faudra être très rigoureux sur le fait de maintenir une hauteur basse du couvert existant afin que les jeunes plantules ne soient pas étouffées et aient accès à la lumière.
La betterave fourragère : une solution pour l'avenir
Sur le long terme, on peut penser aussi à l'aménagement parcellaire : les points d'eau mais aussi des parcelles arborées : de l'ombre pour les animaux et les plantes. En ces conditions d'été exceptionnelles, remarquons le comportement des betteraves fourragères qui, même d'apparence « fanées », surprendront par leur faculté de récupération dès que les conditions redeviendront favorables. Occasion de préciser que les betteraves peuvent se pâturer au fil dès la fin août.
Bruno Osson, technicien de communication Gnis
Trois réglettes sur le choix des cultures dérobées fourragères, des espèces pour prairies temporaires et des cultures intermédiaires de service sont proposées gratuitement par le Gnis.Trois réglettes différentes selon les besoins
Les cultures dérobées fourragères cumulent les intérêts agronomiques d’un couvert à une production de fourrage supplémentaire. La culture doit être un mélange d’au moins deux espèces, elle doit être en place huit semaines au moins pendant lesquelles aucun traitement phytosanitaire n’est appliqué. Elle peut être semée sous couvert de la culture précédente.Prairies temporaires : quel mélange pertinent ?
Quant aux prairies temporaires, il s’agit de réaliser le bon mélange en suivant quelques règles simples, notamment l’association de six espèces et huit variétés au maximum. L’idéal est de semer sur une terre ameublie en surface et aplanie et de loger la graine à 1cm de profondeur. Pour les espèces lentes d’implantation, il est possible d’envisager des semis sous couvert de céréales. Lors du sursemis, il est important de semer dans la prairie en supprimant l’apport d’azote pour ne pas favoriser la flore en place qui ne doit pas être détruite. Choisissez des espèces invasives (ray-grass, trèfles) et fertilisez pour permettre aux espèces d’exprimer leur potentiel. Apportez 30 unités N à 200 jours pour favoriser le redémarrage en végétation, densifiez la végétation et réduisez les adventices pour un pâturage précoce. Exploitez enfin l’herbe au bon stade. Pour le pâturage, avant le stade épi à 10 cm ; pour l’ensilage et pour le foin, avant l’épiaison.
Les atouts des cultures intermédiaires de service
Les cultures intermédiaires de service sont bénéfiques pour les insectes pollinisateurs : beaucoup sont mellifères et ne reçoivent pas de traitement phytosanitaire. Elles sont également bénéfiques pour le petit et grand gibier, qui peuvent y nicher, se cacher et se nourrir. La microfaune utile du sol (vers de terre, champignons mycorhiziens…) en tire aussi un grand bénéfice de part la matière organique rendue au sol lors de leur destruction et l’architecture de leurs racines. L’utilisation de légumineuses comme couverture de sol permet un apport d’azote naturel grâce à la fixation de l’azote atmosphérique dans le sol. Certaines espèces vont également puiser les éléments minéraux profondément dans le sol pour ensuite remonter à la surface et les rendre disponibles pour la culture suivante.
A. P.
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