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Changement climatique

Sécheresse : « Sortir de la peur du manque d'eau »

La sécheresse qui sévit encore en Drôme ravive l'urgence de l'accès à l'eau pour l'irrigation, facteur de durabilité des exploitations agricoles et non plus seulement facteur de production. C'est ce qu'ont rappelé les élus de la chambre d'agriculture en session
Sécheresse : « Sortir de la peur du manque d'eau »

Des déficits en eau de 200 à plus de 400 millimètres entre juillet et fin septembre(1) sont « la preuve évidente et suffisante que la sécheresse est avérée sur plus de 80 % du département », a déclaré Anne-Claire Vial, présidente de la chambre d'agriculture de la Drôme, le 28 septembre. Lors de la session de la compagnie consulaire, elle a ainsi demandé à Patrick Vieillescazes, secrétaire général de la préfecture, représentant le préfet, que la Drôme soit entièrement reconnue sinistrée. Tout au long des débats de la journée, cette nouvelle sécheresse a mis en évidence l'urgence et la sécurisation de l'accès à l'eau pour l'irrigation. « Avec l'évolution significative des températures, c'est une problématique pour toutes les filières du département, a expliqué Anne-Claire Vial. Si l'irrigation recule, c'est l'économie de nos territoires qui recule. »

Le climat, facteur préoccupant

A la tribune de la session de la chambre d'agriculture de la Drôme : Pierre Combat et Jean-Pierre Royannez (vice-présidents), Anne-Claire Vial (présidente), Patrick Vieillescazes (secrétaire général de la préfecture), et Damien Colin (directeur de la chambre d'agriculture).
© Journal L'Agriculture Drômoise

Seulement 21 % de la surface agricole utile drômoise est irriguée. Aussi, les élus de la chambre d'agriculture plaident pour la création de nouvelles ressources en eau dans le département. S'adressant aux décideurs politiques et représentants de l'Etat, « il faut sortir de la peur du manque d'eau », leur a dit Anne-Claire Vial, expliquant, chiffres à l'appui, que la ressource disponible est sous-utilisée en France. Pour les exploitations agricoles, « l'irrigation est une condition de durabilité et non plus seulement un facteur de production », a-t-elle ajouté.
Jean-Louis Mancip, agriculteur à Montlaur-en-Diois, a témoigné de l'incidence forte du changement climatique sur ses systèmes de production. Lui aussi a plaidé pour que la collectivité investisse dans le stockage de l'eau pour l'irrigation. « Le facteur climatique est un thème qui préoccupe les jeunes car cela impacte le fonctionnement de notre agriculture et son devenir, a également expliqué Sébastien Richaud, président des Jeunes Agriculteurs de la Drôme. Sur le bassin versant de la rivière Drôme, il est de plus en plus difficile d'irriguer. » Et de constater qu'« en France, seulement 2,7 % de l'eau de pluie est stockée contre 23 % en Espagne et au Portugal ».

Des projets d'irrigation à faire aboutir

A la session de la chambre d'agriculture, un point a été fait sur les projets d'irrigation. A commencer par la création d'une réserve de 330 000 m³ à Châteaudouble, en attente depuis une vingtaine d'années ! Michel Baude, agriculteur dans cette commune, a dénoncé la lenteur des démarches et la multiplicité des études sans cesse demandées par les financeurs. « Il faut que la Région et le Département s'engagent, a-t-il martelé. Les études du Syndicat d'irrigation de la Drôme montre qu'il ne peut y avoir d'autre alternative à ce projet. » Anne-Claire Vial n'a pas caché sa colère. « Ca ne peut plus durer. Il faut que l'Agence de l'eau affiche son financement dans ce projet », a-t-elle insisté auprès du représentant du préfet.
En matière de retenues collinaires, « il faut faire bouger les lignes », a pour sa part indiqué Lionel Brard, président du Scot(2) du Grand Rovaltain. Et s'agissant du grand projet d'irrigation « Hauts de Provence rhodanienne », lequel concerne le Sud-Drôme et le Nord-Vaucluse, les études se poursuivent. Pierre Combat, vice-président de la chambre d'agriculture, en a souligné l'importance, y compris pour la viticulture. Et la sénatrice Marie-Pierre Monier a exprimé son soutien à ce projet.

Invitation lancée au chef de l'Etat

Un autre point de friction concerne le schéma d'aménagement et de gestion de l'eau (Sage) du Bas Dauphiné - Plaine de Valence. La profession agricole refuse la réduction envisagée des prélèvements de 40 % sur la période d'étiage. Guy Péran, éleveur en Drôme des collines, a fait part de l'inquiétude des exploitants. « Rien ne justifie cette décision, a estimé Anne-Claire Vial. La chambre d'agriculture a proposé des solutions. Nous demandons à la préfecture d'organiser une réunion d'arbitrage. » Basile Garcia, en charge de ce dossier à la DDT(3), a rappelé qu'un moratoire a été voté pour trois ans afin que les prélèvements se fassent sur les mêmes bases qu'actuellement.
« Nous devons promouvoir une harmonisation des modes de gestion au sein des différents bassins versants », a indiqué le secrétaire général de la préfecture. Il s'est dit prêt à travailler sur le projet de Châteaudouble ainsi qu'à organiser une réunion d'arbitrage pour le Sage.
« Nous attendons de l'Etat qu'il reste un facilitateur pour l'irrigation », a signalé Anne-Claire Vial. Elle a suggéré que la Drôme accueille les Assises nationales sur la gestion de l'eau et, à cette occasion, le chef de l'Etat. « Cela nous permettra de lui montrer la gestion exemplaire de l'eau dans notre département et l'intérêt à soutenir les projets d'irrigation face à l'évolution climatique. »

Christophe Ledoux

(1) Déficit en eau : pluie moins évapotranspiration (ETP) du 1er juillet au 23 septembre 2018 selon les données de Météo France.
(2) Scot : schéma de cohérence territorial.
(3) DDT : direction départementale des territoires.

 

Pénurie de fourrage /

Demande de reconnaissance du sinistre

« Nous revivons le même automne sec que l'an dernier, a expliqué Jean-Pierre Royannez, premier vice-président de la chambre d'agriculture de la Drôme. Mais le printemps a été pluvieux et beaucoup de fourrages récoltés cette année sont de mauvaise qualité. » Il souhaite la reconnaissance de ce sinistre au titre des calamités agricoles. « Mais il faut revoir la méthode car les règles de calcul ne sont pas adaptées à la réalité de la situation, a-t-il expliqué. Est également demandé un dégrèvement de TFNB sur les surfaces fourragères.
Concernant l'implantation des Cipan (cultures intermédiaires pièges à nitrate) et des SIE (surfaces d'intérêt écologique), lui et l'ensemble des élus de la chambre d'agriculture regrettent l'absence de mesures dérogatoires. « Obliger les exploitants à semer en condition de sécheresse est contraire à l'objectif visé. On marche sur la tête », a déploré Jean-Pierre Royannez.
« Nous avons tous les arguments pour que la Drôme bénéficie de dérogations, s'il y en a », a indiqué Dominique Chatillon, chef du service agriculture à la DDT. En attendant, elle invite les agriculteurs ayant des difficultés à respecter leurs engagements à se signaler à la DDT.

 

D'autres points d'actualité /

Emploi saisonnier
En moyenne, la Drôme compte 29 600 contrats d'occasionnels pour 5,7 millions d'heures de travail. L'impact de la fin du dispositif TODE a été rappelé en session de la chambre d'agriculture. Cela représenterait une charge supplémentaire de 8 millions d'euros pour les entreprises drômoises. « Une nouvelle perte de compétitivité inacceptable pour les 2 000 exploitations agricoles spécialisées par rapport à nos concurrents européens », ont rappelé les élus consulaires. « Le préfet a relayé vos demandes auprès du gouvernement », a répondu le secrétaire général de la préfecture.
Zone défavorisées simples (ZDS)
71 exploitations sont impactées par la nouvelle carte des ZDS, ce qui représente 373 000 euros d'aides perdues. Dans ce contexte, « il est désormais essentiel d'accompagner ces exploitations et c'est tout le travail mené par la chambre d'agriculture », a expliqué Jean-Pierre Royannez. Ces mesures d'accompagnement prennent la forme d'audit d'exploitation afin d'identifier et appuyer des projets collectifs. « On peut mobiliser des crédits, a-t-il indiqué, à condition d'ouvrir des pistes. » C'est tout le sens de la réunion qu'organisent la DDT et la chambre d'agriculture le 9 novembre à Crépol avec les éleveurs concernés, des entreprises et collectivités. Le vice-président du Département, André Gilles, a fait part du soutien du conseil départemental.
Comité de prévention animal drômois
Voulu par la profession (APCA, FNSEA, FNGDS), ce comité a pour but de favoriser la concertation afin d'intervenir préventivement pour éviter des situations extrêmes de saisie d'animaux. Chaque département est appelé à s'en doter. En présentant ce dossier, Jean-Pierre Royannez s'est exprimé sur l'incendie qui a détruit un abattoir dans l'Ain (lire page XX). « Ce sont des actes inacceptables. L'Etat doit veiller au respect des biens et des personnes, sinon des débordement sont à craindre. »
Effaroucheur et production de semences
L'utilisation d'un système sonore d'effarouchement a entraîné l'intervention de la gendarmerie (sans verbalisation), a expliqué Frédéric Lerat, exploitant agricole à Saint-Marcel-les-Sauzet. La profession agricole demande une évolution de l'arrêté encadrant l'utilisation de ce type de système. « Je m'engage à examiner ce dossier », a répondu le secrétaire général de la préfecture.
Loup
Déjà 166 attaques et 373 victimes cette année, sans compter les animaux blessés ou disparus. « C'est une situation insupportable pour les éleveurs », a rappelé Didier Beynet, exploitant à Saint-Nazaire-le-Désert. Le secrétaire général de la préfecture a fait part de « l'entière détermination du préfet à défendre les spécificités drômoises ».
Ambroisie
Yvon Palayer, représentant les bailleurs à la chambre d'agriculture, s'est étonné de la prolifération de l'ambroisie au sein de la réserve naturelle des Ramières quand bien même il est demandé à chacun et en particulier aux agriculteurs de détruire cette plante.
Contrat d'objectif des chambres d'agriculture
L'annonce par le Premier ministre d'un contrat d'objectifs entre l'Etat et les chambres d'agriculture a fait réagir Anne-Claire Vial. « Nous sommes attachés à notre chambre départementale et sa suppression est hors de question, de même que le transfert de l'impôt à la chambre régionale, a-t-elle indiqué. La multiplicité des tâches qui incombent à la chambre d'agriculture nécessite une maîtrise budgétaire départementale. » En réponse, le secrétaire général de la préfecture a indiqué que, si des évolutions devaient avoir lieu, elles se feraient en concertation.