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ÉTAT DES LIEUX

Sécheresse : une situation inédite et des impacts déjà lourds

Déficit de précipitations record et températures qui ont atteint des extrêmes : la situation pour les cultures en Drôme est dramatique. Le point avec la chambre d’agriculture de la Drôme.

Sécheresse : une situation inédite et des impacts déjà lourds
Jean-Pierre Royannez, président de la chambre d’agriculture de la Drôme et de l’organisme unique pour la gestion collective (OUGC) des prélèvements d’irrigation.

«Du jamais-vu ». Pour Jean-Pierre Royannez, président de la chambre d’agriculture de la Drôme, l’année 2022 marque un nouveau tournant dans le changement climatique. « Les services de l’État ont confirmé que nous vivons la deuxième année la plus sèche depuis le début du siècle. La précédente était 2011, sauf qu’après un printemps sec, nous avions connu un été pluvieux », résume le président. Un scénario qui, hélas, n’est pas celui des prévisionnistes pour 2022. « Cette année s’annonce comme celle de tous les records, confirme François Dubocs, conseiller irrigation à la chambre d’agriculture. Entre le 1er janvier et la mi-juin on enregistre à peine 100 mm de précipitations sur Montélimar là où normalement il tombe 900 mm sur l’année. Idem sur Chabeuil avec 120 mm sur la même période quand la moyenne annuelle se situe autour de 880 mm. »

Situation dramatique

Toutes les productions agricoles sont touchées, avec des impacts déjà lourds pour certaines. Réunis en cellule de crise avec la DDT de la Drôme le 16 juin, les responsables professionnels agricoles ont demandé que le dossier calamité sécheresse soit ouvert, « en activant tous les dispositifs possibles », insiste Jean-Pierre Royannez. Il se dit d’autant plus inquiet que, d’après les relevés de compteurs transmis à l’OUGC* à la date du 1er juin, certains irriguants ont déjà atteint voire dépassé les volumes attribués pour l’ensemble de la campagne. « C’est dramatique car nous n’avons pas un litre de plus à distribuer, avertit le président, et ceci malgré les contraintes auquel chacun a dû faire face : arroser pour faire lever les cultures, arroser les blés ou encore les fourrages plein pot… Le volume attribué est hélas à gérer sur l’ensemble de la saison. Ceux qui ont tout utilisé pour sauver les premières récoltes vont devoir faire une croix sur les suivantes. » En cas de contrôle par la police de l’eau, tout dépassement des volumes attribués peut être verbalisé. « Je n’ai aucun pouvoir là-dessus », rappelle le président de l’OUGC.

Tours d’eau : se battre pour faire évoluer la contrainte

Si les volumes sont figés, Jean-Pierre Royannez s’engage en revanche à « se battre pour faire évoluer d’ici 2023 les contraintes de l’arrêté sécheresse, ces jours où l’on ne doit pas prélever qui nous obligent ensuite à prélever des jours de grand vent… C’est d’une stupidité absolue. Je demande à l’État qu’on ouvre le chantier, on ne peut pas continuer sur de telles aberrations qui ne permettent pas de faire des économies d’eau et ont souvent même un effet contraire. »

Autre vaste chantier : l’adaptation des exploitations drômoises au changement climatique. « C’est le sujet prioritaire pour la chambre d’agriculture », rappelle son président. Beaucoup d’efforts ont déjà été faits pour économiser l’eau ou adapter les espèces. Mais, selon lui, aucune solution n’est aujourd’hui suffisante pour assurer une récolte « normale » et donc un revenu satisfaisant. « Hier [le 16 juin, ndlr], je recevais à la chambre d’agriculture une mission sénatoriale sur la gestion de l’eau, raconte Jean-Pierre Royannez. L’une des sénatrices souhaitait savoir si, en Drôme, nous étions allés chercher des cultures méditerranéennes. Mais de quelles cultures parle-t-on ? Que ce soit sur les fourrages, la viticulture… les expériences montrent que le climat est un vaste cocktail de paramètres. Malgré le réchauffement, ce qui est adapté en Grèce, Andalousie, Tunisie, Maroc ne le sera pas forcément en Drôme. »

« Pas de culture sans eau »

Le président de la chambre d’agriculture insiste : « On le voit bien en Paca ou Occitanie, mis à part les landes et parcours et quelques plantes à parfum ou aromatiques, il n’existe pas de culture qui pousse sans eau. Même les fourrages de la Crau sont irrigués. Arrêtons de sommer l’agriculture de trouver des solutions. Ce n’est pas un problème d’agriculture mais un problème de société. C’est à elle de décider ce qu’elle veut : qu’on nourrisse les populations ou qu’on arrête de produire », alerte le président. Il reconnaît qu’il n’est pas optimiste pour la suite de cette campagne. « Des agriculteurs vont perdre des récoltes, c’est certain. Il faudra faire des choix. J’espère que 2022 restera une année exceptionnelle et non la norme. »

Sophie Sabot

*Pour mémoire, la chambre d’agriculture de la Drôme est, depuis août 2021, l’organisme unique pour la gestion collective (OUGC) des prélèvements d’irrigation. Elle est chargée d’organiser la répartition d’un volume global de prélèvements autorisés par l’État. Ainsi, ce sont presque 300 millions de mètres cubes qui ont été répartis cette année par l’OUGC 26 sur le territoire dont elle est responsable, à savoir les bassins versants Bourne, Isère dans sa partie drômoise, Drôme des collines et Galaure, Véore et Barberolle, Drôme, Roubion-Jabron, Berre, Méouge.