Semences et abeilles : des intérêts communs

Premier producteur européen de semences d'espèces agricoles avec 353 000 hectares (ha), la France est aussi premier exportateur mondial dans ce secteur. En 2015-2016, la filière a généré dans l'Hexagone un chiffre d'affaires dépassant les trois milliards d'euros. « De la création variétale à la mise en marché, la production de semences est une filière d'excellence. C'est une pépite de l'économie française », a fait remarquer Philippe Roux, délégué régional du Gnis(1) Sud-Est, lors d'une réunion organisée le 20 janvier à Top Semence. Cette union de coopératives regroupe 550 agriculteurs multiplicateurs et 7 000 hectares, de l'Ain au Vaucluse. Lors de la campagne 2015-2016, son chiffre d'affaires a dépassé les 30 millions d'euros. Son directeur, Bertrand Launay, a mis l'accent sur les atouts de ce groupe dont l'une des forces est la mutualisation. Grâce à un climat favorable, une ressource en eau sécurisée et un savoir-faire technique, la région Auvergne-Rhône-Alpes et plus largement le Sud-Est restent des territoires propices à la production de semences de qualité. « C'est un monde de passionnés dont l'un des enjeux est d'aller constamment vers l'innovation », a assuré Yves Courbis, vice-président de Top Semence.
Optimiser les rendements
Pour les entreprises de la région, la sécurisation des productions à pollinisation entomophile constitue l'un de leurs enjeux. En colza et tournesol semence, le travail des abeilles se révèle très bénéfique dans l'optimisation des rendements et de la qualité. « Pour 100 euros par hectare d'investissements avec la pose de ruches sur les parcelles, on peut estimer à 300 euros le retour », a indiqué le directeur de Top Semence. Ce n'est qu'une estimation car les facteurs intervenant dans la pollinisation sont extrêmement complexes. Des chiffres précis seront donnés lors de la présentation des résultats de l'étude scientifique Polapis (voir encadré). Quoi qu'il en soit, en production de semences, la pose de ruches se généralise. Top Semence en a installé 2 600 l'an dernier. « On investit pour créer de la valeur ajoutée », a ajouté Bertrand Launay. Pour faciliter les mises en relation entre agriculteurs multiplicateurs et apiculteurs, en 2012 a été créée la plateforme internet Beewapi(2). De plus, la location des ruches est encadrée techniquement par une charte de bonnes pratiques agricoles et apicoles. « Nous contractualisons avec treize apiculteurs, a indiqué Fabrice Terrot, responsable des productions oléagineuses à Top Semence. Du 10 juillet au 10 août, on est à fond sur la pollinisation pour gérer l'implantation des ruches, vérifier les mises en place et l'activité des colonies... »
Un travail en symbiose
Pour les semenciers, l'objectif est d'avoir un maximum d'abeilles pollinisatrices. Autrement dit des butineuses de nectar (source de glucides) et non des butineuses de pollen (source de protéines). Pour ce faire, les colonies sont nourries avec une pâte protéinée. Ainsi, en se consacrant à prélever du nectar (et non du pollen), les abeilles pollinisent les fleurs. Les ruches sont installées dans les parcelles lorsque 10 % des fleurs femelles sont ouvertes.
Apiculteurs depuis 2010, Nicolas et Emilie Bourg (Gaec Bourg Apiculture en Ardèche) ont développé une activité de pollinisation (comptabilisée comme prestation de service). Ils interviennent pour Top Semences. Détenant un cheptel de 600 colonies (ruches et essaims), ils produisent huit tonnes de miel par an. « La pollinisation fait partie de l'itinéraire technique de production de miel et d'essaims, a expliqué Nicolas Bourg. Apiculteurs et multiplicateurs de semences travaillent ainsi en symbiose.
Christophe Ledoux
(1) Gnis : Groupement national interprofessionnel des semences et plants.
(2) Beewapi est une initiative commune entre l'Anamso (association nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences oléagineuses), le Gnis, l'UFS (Union française des semenciers) et l'Itsap (institut technique et scientifique de l'apiculture et de la pollinisation).
Etude / Pouvoir prédire le nombre d'abeilles à importer dans une culture afin d'optimiser le rendement est l'un des objectifs de l'étude Polapis.
Une étude pour optimiser la pollinisation d'une culture

Selon une autre étude, internationale cette fois et publiée l'an dernier dans la revue Science, les variations de rendements tiennent pour l'essentiel à une équation à trois variables : la densité des insectes pollinisateurs présents, la diversité de leurs populations et la taille des parcelles cultivées.
C. L.
Chiffres clés : la production de semences dans le Sud-Est
Technologie /
Des robots « abeille »
