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expérimentation

Sensibilité des variétés d’abricot au chancre bactérien

Parmi toutes les variétés commerciales testées, aucune n’est véritablement résistante au chancre bactérien. Toutefois, quelques-unes présentent une moindre sensibilité mais, souvent, avec des caractéristiques agronomiques en retrait sur leur créneau de maturité. Le point avec la Sefra*.

Sensibilité des variétés d’abricot au chancre bactérien

Causé par des bactéries du type Pseudomonas syringae, le chancre bactérien de l'abricot reste une des maladies principales de cette espèce, particulièrement en Rhône-Alpes. Dotée d'un pouvoir glaçogène, la bactérie ne provoque des dégâts qu'avec « l'aide » de gelées (responsables de l'éclatement des tissus et des chancres), plus fréquentes dans nos zones septentrionales. Si le réchauffement climatique permet d'envisager une amélioration, il va falloir vivre encore quelques années avec la maladie.
Parmi les autres facteurs favorables à son développement, on peut citer la nature des sols. La bactériose est plus fréquente dans les sols acides, à texture grossière, hétérogènes. Mais des symptômes sont aussi observés sur des sols argileux, basiques. Des excès d'eau en automne vont également accentuer la gravité des symptômes, tout comme une pousse trop tardive des arbres (fertilisation ou irrigation trop tardive ou trop importante). Toute amélioration de la structure du sol sera donc bénéfique, en particulier des apports de matière organique peu évoluée (avec un rapport C/N > 10) afin d'augmenter la rétention en eau du sol.
A ce jour, aucun moyen de protection chimique (préventif ou curatif) n'a démontré d'efficacité satisfaisante pour lutter contre cette maladie. Les techniques culturales et le choix du matériel végétal restent donc les principaux leviers d'action dont nous disposons.

Porte-greffe et hauteur de greffage

Le choix du porte-greffe est essentiel : il doit être adapté au type de sol. Dans les sols légers de diluvium alpin de la vallée du Rhône ou les arènes granitiques, les porte-greffes de pêchers restent les plus indiqués. Les derniers essais mis en place par la Sefra l'ont encore démontré : les porte-greffes Montclar® et Rubira induisent les plus faibles sensibilités dans ce type de sol. Ce dernier est toutefois à réserver à des bonnes conditions de pousse, des variétés vigoureuses ou à une plantation plus densifiée. Le porte-greffe Mariana GF 8-1 peut être une alternative. Ce porte-greffe de type prunier (le seul à avoir un bon comportement en sols légers) apporte une vigueur légèrement supérieure, qui peut être intéressante en replantation. Son incompatibilité avec la plupart des variétés d'abricots nécessite l'utilisation d'un intermédiaire, ce qui complique sa fabrication. A contrario, dans les sols lourds, argileux ou calcaire, les porte-greffes de type pruniers sont à préférer.
La hauteur de greffage est également importante. Les premiers essais ont démontré clairement qu'un greffage à une hauteur de 1,20 mètre diminuait fortement les risques d'attaque. La conduite de l'arbre n'est que peu modifiée et une densification un peu plus importante permet de compenser la baisse de vigueur. Le choix d'un greffage de hauteur intermédiaire (60 cm) est souvent fait en raison de la difficulté d'obtention de plants greffés plus hauts (fabrication en deux ans). Cette hauteur constitue un compromis qui ne suffit pas à contenir les attaques en années de forte pression.

Une échelle de sensibilité

Il existe également une échelle de sensibilité importante au sein des variétés dont nous disposons. C'est ce que montrent les études de la Sefra depuis une trentaine d'années en testant quinze à vingt variétés tous les deux ou trois ans, dans un verger situé en forte pression. Ce sont des conditions (de sol et de climat) « extrêmes » que l'on ne rencontre pas en verger mais qui permettent d'avoir assez rapidement de l'information. Le dispositif en « blocs » avec cinq à six répétitions, selon les tranches de plantation, permet d'avoir des résultats plus fiables, même si les attaques sont toujours très hétérogènes et l'analyse des résultats à faire avec prudence.
La dernière tranche de plantation réalisée en 2015 a montré que des variétés comme Digat cov, Pricia cov, Swigold cov, Luxared cov, Delice cot cov et Swilate cov (dégâts importants en quatrième année pour ces trois dernières) ont des sensibilités proches de Bergeron (témoin de sensibilité élevée). Cela veut dire que des précautions devront être prises concernant la plantation des ces variétés (choix des parcelles, du porte-greffe, de la hauteur de greffage...).
A l'opposé, a pu être noté le bon comportement de variétés comme Orangered®, Gilgat cov, Koolgat cov et Memphis cov, avec aucune mortalité jusqu'en troisième année. La variété Latica cov, utilisée comme témoin de faible sensibilité, a confirmé son bon comportement. Agronomiquement, la variété Koolgat cov est intéressante sur son créneau de maturité (époque Orangered®) ; Memphis cov peut l'être également sur le créneau tardif (problème de fente pistillaire maîtrisable par un calibre plus modéré). Gilgat cov a un intérêt plus limité, tout comme Latica cov (autostérile, de production irrégulière), mais ces variétés sont intéressantes en matière de potentiel génétique et de création variétale.
On peut voir également qu'une grande majorité de variétés a un comportement intermédiaire et peut être qualifiée de sensible au chancre bactérien. Toutes ces variétés pourront présenter des attaques sévères si elles sont mises en situations favorables (sols, porte-greffe, hauteur de greffage, climatologie favorable...).
En 2017, une nouvelle série de variétés (de type rouge) a été mise en observation. Les résultats en fin de troisième année ne sont pas définitifs mais ils montrent déjà certaines différences. La variété Monabri cov fait office de témoin de sensibilité élevée (proche de Bergeron).
Dans des conditions de forte pression, l'évolution de la maladie est assez rapide avec cette génétique « rouge ». Quelques variétés présentent des attaques plus faibles, comme Cirano cov, A5248 cov, ou Bolero cov et Cheyenne cov (pas de mortalité en fin de troisième année).

Mortalité causée par la bactériose et repousses. © Sefra

La prudence reste de mise

En attendant la confirmation de ces résultats avec une ou deux années supplémentaires, la prudence reste de mise avec ces variétés et les précautions doivent être les mêmes qu'avec une variété comme Bergeron.
Le tableau (en cliquant ici) récapitule et classe les variétés selon leur sensibilité au chancre bactérien (pour les observations antérieures). Les variétés les plus sensibles ne sont pas incultivables. On y retrouve régulièrement, d'ailleurs, la variété Bergeron, utilisée en témoin. Il faut simplement prendre toutes les précautions citées précédemment et, dans certains cas, éviter effectivement leur plantation lorsque les conditions de sol ou de climat sont trop favorables à la maladie. A l'opposé, les variétés moins sensibles peuvent manifester des dégâts importants en situation de forte pression (année favorable) et avec un mauvais choix de porte-greffe ou des techniques culturales inappropriées.
Toutes ces années d'étude montrent qu'il n'existe pas de vraie résistance au chancre bactérien parmi toutes les variétés commerciales ayant été testées. Quelques variétés présentent une moindre sensibilité mais, souvent, avec des caractéristiques agronomiques en retrait sur leur créneau de maturité. Ceci reste cependant particulièrement intéressant du point de vue génétique. Dans un avenir relativement proche, les travaux de l'Inrae sur la recherche de gènes de résistance et la détection future de marqueurs de ces gènes (au même titre que la sharka) pourraient faciliter la sélection et la création de variétés tolérantes. 

Christophe Chamet, Sefra
* Sefra : station expérimentale fruits de Rhône Alpes.