Sites classés : levée de boucliers contre la réforme en préparation

Le gouvernement prépare actuellement un projet de loi visant à simplifier le régime d'autorisation spéciale de modification des sites classés. Avec deux objectifs clairement identifiés : simplifier les procédures et rapprocher la décision des territoires en faisant des préfets départementaux les garants de la préservation des sites classés en lieu et place du ministère de l'Environnement. « En matière de patrimoine national, la décentralisation n'est pas la solution », s'indigne pourtant Ivan Sujobert, inspecteur des sites classés et trésorier à l'association des inspecteurs des sites et des chargés de mission paysage. « D'après nous, ces sujets méritent de prendre de la hauteur. Or, avec cette réforme, certains acteurs de poids pourront plus facilement influencer les décisions prises au niveau local qu'au niveau national ».
Le préfet départemental, nouveau personnage clé du dispositif
Le classement de sites se fait aujourd'hui grâce à un régime d'autorisation spéciale délivré par l'État. C'est la Dreal (direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement) qui conduit les opérations en consultant, notamment, les acteurs locaux concernés, avant validation définitive par le ministère. Mais ce à quoi s'attaque le projet de loi en préparation, c'est bien la procédure de modification des sites classés. Dans les faits, tous les travaux qui engagent la modification de l'aspect des lieux classés nécessitent une autorisation spéciale aujourd'hui délivrée par le ministre en charge des sites. Les préfets départementaux n'avaient jusqu'ici compétence que pour les modifications les plus modestes comme les travaux d'entretien. Avec ce projet de loi, leurs prérogatives devraient donc être étendues. « Il y a trois ans, un projet de décret qui satisfaisait tout le monde était sur la table. L'idée était alors que les dossiers les moins importants comme certaines démolitions, permis de construire modificatifs et exploitations forestières pour lesquels l'enjeu est faible, seraient désormais validés par les préfets départementaux », rappelle Ivan Sujobert, qui regrette que le gouvernement aille cette fois plus loin.
Un manifeste et une pétition face à la réforme
« Nous, association des inspecteurs des sites, sommes convaincus que le décret déconcentrant toutes les autorisations de travaux en site classé, s'il était validé, conduirait à une dégradation indéniable de la qualité des projets, porterait inéluctablement atteinte à l'intégrité des sites classés et, à court terme, à la dégradation, voire la disparition de leur caractère exceptionnel », mettent en garde les inspecteurs des sites de l'association dans un manifeste publié le 23 mars dernier. Alerter l'opinion publique, c'est aussi la volonté de Sandrine Rolengo, citoyenne marseillaise membre de la SPPEF, la Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France. « À l'heure où le gouvernement se mobilise pour faire face aux conséquences de l'incendie de Notre-Dame, il prépare en même temps un projet qui menace notre patrimoine paysager et nos monuments naturels », s'alarme-t-elle dans une pétition lancée le sur la plateforme Change.org. Leur mobilisation sera-t-elle suffisante ? Réponse attendue pour le mois de juin.