« Sodiaal doit s'expliquer auprès des sociétaires et de l'opinion publique »

Qu'est-ce que pense l'éleveur que vous êtes de la situation financière de Sodiaal présentée dans l'émission « Cash investigation » ?
André Bonnard : « Je suis un éleveur laitier et d'abord un sociétaire dont la famille a investi dans cette coopérative depuis deux générations. Malheureusement, cette émission ne m'a pas appris d'éléments positifs, bien au contraire ! Je suis en colère de voir que les justifications aux questions posées sont floues, alors qu'elles devraient être claires et engagées. Ce qui me navre, surtout, c'est que Sodiaal est toujours incapable de rémunérer correctement les producteurs et de dégager des profits à redistribuer. C'est fatigant pour le sociétaire que je suis et démotivant. »
Et le représentant de la FNPLait ?
A. B. : « En tant que représentant de la FNPL, je sais le rôle central de Sodiaal dans la filière pour donner la tendance sur le niveau du prix du lait. Je trouve cela injuste car ce prix est trop bas et je compte sur le plan de filière de l'interprofession et les guides de bonnes pratiques contractuelles qui doivent être rédigés pour contrecarrer cette situation. L'ensemble des producteurs français n'a pas à subir les conséquences d'une gestion erratique de cette coopérative, fut-elle la première de France. »
Sodiaal est mis sur le même plan que Lactalis dans cette émission, cela vous semble-t-il juste et pourquoi ?
A. B. : « Oui, dans cette émission Sodiaal n'apparaît pas plus transparente que Lactalis. C'est à Sodiaal de s'en expliquer non seulement auprès des sociétaires mais aussi auprès de l'opinion publique puisque, dans cette émission, les explications formulées sont alambiquées. Pourtant, on attend légitimement autre chose de la coopération. Le modèle coopératif ne peut se résumer à un empilement de holdings sans d'abord concentrer l'ensemble de ses moyens pour une juste rémunération des sociétaires. Objectivement, je ne pense pas qu'il y ait, ni trésor de guerre ni caisse noire à se partager, mais un manque criant de rentabilité depuis vingt ans ! Quand j'entends qu'une seule filiale a généré plus de 50 millions d'euros de résultat et qu'au final les comptes consolidés n'ont permis de verser que 25 millions aux producteurs en 2016, on peut logiquement demander aux dirigeants de Sodiaal où est passé le pognon ? »
Est-ce que le modèle coopératif de grande taille est à bout de souffle ? Quelle est encore la place des éleveurs dans les décisions de Sodiaal ?
A. B. : « Non, le modèle coopératif de grande taille n'est pas en cause. Ailleurs, en Europe, de telles coopératives sont de réelles réussites. Au cours des vingt dernières années, JA et FNSEA ont régulièrement plaidé pour des changements de gouvernance dans les coopératives de grande taille. Toutes ces propositions visent à ne pas confier la gestion quotidienne de l'entreprise à des éleveurs dont ce n'est pas le métier, mais les administrateurs doivent fixer les objectifs et contrôler le fonctionnement grâce à un service d'audit indépendant. S'ils ne sont pas atteints, l'enjeu est de renforcer le pouvoir de sanction, au sein de conseils de surveillance, sur les équipes dirigeantes en place. »
Propos recueillis par Camille Peyrache
Réactions / Suite à la diffusion de l'enquête de « Cash investigation » suivie par 3,5 millions de téléspectateurs le 16 janvier, la coopérative Sodiaal a répondu à différents points dans un document de quatre pages transmis à ses sociétaires et à la presse.
Sodiaal dément les informations de Cash investigation
Dans un courrier daté du 16 janvier adressé aux sociétaires de Sodiaal, Damien Lacombe, le président du conseil d'administration Sodiaal, s'insurge contre la façon dont sont présentées les informations sur la coopérative dans l'enquête de Cash investigation diffusée le 16 janvier sur France 2. Les journalistes « n'ont pas trouvé utile de se servir des informations factuelles et ont effectué un montage qui simplifie les problématiques au mépris de la vérité », écrit le président. Il invite les éleveurs sociétaires « à se rendre aux réunions d'hiver et aux assemblées de sections pour s'exprimer et faire vivre notre démocratie coopérative. »Dans ce courrier, Damien Lacombe revient sur l'analyse financière de la coopérative. Sur les 526 millions d'euros (M€) qualifiés de « trésor de guerre » dans le reportage, il indique que ce montant correspond à la valorisation de l'actif au bilan social de Sodiaal International et non à de la trésorerie disponible. C'est l'équivalent du patrimoine de la coopérative. « De la même manière que lorsqu'un bien immobilier prend de la valeur sur le marché, aucun cash ne rentre dans les poches de son propriétaire », précise la lettre de Sodiaal. Concernant le résultat de 51 M€ de Sodiaal International présenté comme celui de la coopérative, Damien Lacombe précise que seuls les comptes consolidés du groupe donnent une vision de l'ensemble du résultat d'une année. « Dans un groupe constitué de plusieurs entreprises, les comptes consolidés montrent l'état financier du groupe comme s'il n'était qu'une seule entité juridique (ils additionnent ainsi les bénéfices et les pertes). » Or, « en 2016, le résultat consolidé du groupe coopératif s'est élevé à 24 millions d'euros. Face au niveau exceptionnel de la crise, ce sont 25 millions d'euros qui ont été redistribués aux éleveurs, soit un montant supérieur au résultat. On est donc loin des 3,5 millions d'euros cités par l'émission ». La coopérative dément ainsi les affirmations de Véronique Le Floch, l'éleveuse interrogée dans le reportage.

Enfin, sur l'organisation du groupe Sodiaal, Damien Lacombe indique que « la multiplicité des entités de Sodiaal reflète simplement la diversité des activités de la coopérative, qui s'est construite progressivement par association avec des coopératives, des sociétés du secteur ou des associations avec d'autres entreprises. » Damien Lacombe participera le 22 février à un rendez-vous avec la FNPL pour s'expliquer devant le conseil d'administration de la FNPL.C. P.