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Rendez-vous

Sommet de l'Elevage : une caisse de résonance pour les revendications des agriculteurs

Le Sommet de l’élevage est avant tout un grand rassemblement du monde de l’élevage. C’est aussi un rendez-vous incontournable pour les élus, les politiques et le ministre de l’Agriculture. Cette année, Stéphane Travert ne sera pas venu pour rien, tant les sujets de préoccupations sont nombreux. Un accueil très spécial lui a d’ailleurs été réservé par la FRSEA-JA Auvergne-Rhône-Alpes qui l’ont reçu aux sons de pipeaux et avec un coton-tige géant, symbolisant de belles paroles sans acte et sa surdité aux demandes des agriculteurs.
Sommet de l'Elevage : une caisse de résonance pour les revendications des agriculteurs

Le 4 octobre, avant de visiter le Sommet de l'élevage, le ministre de l'Agriculture a rencontré les organisations syndicales pour « échanger sur leurs projets mais aussi sur les difficultés ». Cette rencontre ne semble pas avoir convaincu la FRSEA et JA Auvergne-Rhône-Alpes puisqu'elle lui avaientt concocté un comité d'accueil à l'endroit initialement prévu pour le point presse. Des agriculteurs arboraient un t-shirt portant l'inscription « Les éleveurs en colère ». Ils étaient également munis de pipeaux et l'un d'entre eux avait un coton-tige géant pour « déboucher les oreilles du ministre ». Le point presse a finalement été déplacé afin d'éloigner le ministre du rassemblement. Stéphane Travert a par la suite échangé avec les manifestants, au son des pipeaux et des « bon à rien » scandés par les éleveurs.

Sécheresse : des réponses insuffisantes

Sur le sujet de la sécheresse, « première grosse inquiétude des éleveurs », selon Bruno Dufayet, président de la FNB, et Michel Joux, président de la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes, le ministre a affirmé qu'il ne sous-estimait pas « les difficultés rencontrées par les régions touchées ». « J'ai rappelé haut et fort que depuis le mois de juillet nous étions totalement mobilisés sur cette question », assure-t-il. Pour répondre aux inquiétudes il a donc annoncé la mise en place de l'exonération sur la taxe du foncier non bâti (TFNB), l'avance des aides Pac au 16 octobre, la possibilité de pâturer les surfaces en jachère... Des annonces qui peinent à convaincre les agriculteurs. « Ces mesures traditionnelles que le ministre annonce, c'est bien, mais ce n'est pas suffisant », affirme Michel Joux. Il demande une aide exceptionnelle face à cette situation de sécheresse d'automne exceptionnelle. Concernant la TFNB, Patrick Bénézit, secrétaire général adjoint de la FNSEA, remet en doute la parole de Stéphane Travert. « Il nous parle de la TFNB, mais quand nous allons voir nos services départementaux ils ne sont au courant de rien, il n'y a pas de mot d'ordre national. Sur le dossier calamités, les DDT traînent aussi les pieds et attendent des réponses de Paris, rien n'est clair ! » s'insurge-t-il. « Plutôt que de lancer les procédures de calamités, nous aurions préféré qu'il nous dise qu'il allait abonder le fonds calamité », s'agace de son côté le président de la FNB.

« Il y a la vraie vie et il y a la loi »

Les responsables syndicaux regrettent encore une fois le manque de réponses concrètes à leurs demandes, signe, selon Patrick Bénézit, que « le gouvernement ne comprend pas que la situation est catastrophique ».
Autre sujet d'inquiétude : les relations commerciales et les négociations de novembre. Pour Michel Joux, la loi qui a été votée en début de semaine dernière « n'est malheureusement pas à la hauteur des enjeux pour les rééquilibrer ». Stéphane Travert appelle pourtant « agriculteurs, transformateurs et distributeurs à s'asseoir autour d'une table pour définir des indicateurs de coûts de production qui permettent de payer un prix juste et rémunérateur pour chaque maillon de la filière ». Encore une fois, ces paroles n'arrivent pas à convaincre les professionnels.
« Il y a la vraie vie et il y a la loi. Dans la vraie vie, à Interbev nous faisons face à une situation de blocage au niveau du plan de filière pour définir les indicateurs », raconte Bruno Dufayet. « Nous avions pensé à un plan B en cas de blocage, mais on nous l'a enlevé en nous retirant la possibilité de faire appel à l'Observatoire des prix et des marges », ajoute le président de la FNB. Le ministre a cependant annoncé qu'il appelait les interprofessions rencontrant des difficultés pour trouver des accords à se saisir du médiateur de la République en charge des relations agricoles. Une réponse qui, encore une fois, ne semble pas satisfaire les agriculteurs. « Si la grande distribution veut camper sur ses positions, le médiateur ne pourra rien faire », note le secrétaire général adjoint de la FNSEA. Il poursuit en soulignant qu'ils avaient mis en garde le ministre en lui rappelant que le travail n'était pas terminé et que le moment n'était pas encore à la communication. Bruno Dufayet assure qu'un bilan sera fait dans un an pour « vérifier si cette loi présentée comme exceptionnelle apporte bien les résultats escomptés en matière de rémunération pour les producteurs » 

 

Élevage laitier / En montagne, produire et collecter du lait coûte plus cher. Les producteurs attendent le retour d’une plus-value, profitable aux territoires, sans quoi, c’est un pan entier de l’économie rurale qui pourrait vaciller.

L’élevage en montagne génère une vraie dynamique rurale

Lors d’une conférence donnée dans le cadre du Sommet de l’élevage, Myriam Ennifar de FranceAgrimer a souligné que, depuis la fin des quotas en mars 2015, les zones du Massif central ont plutôt bien résisté en termes de production laitière. Pourtant, comme dans toutes les zones de montagne, les contraintes y sont plus nombreuses - et coûteuses - d’où l’espoir pour les producteurs de tirer de cette spécificité une plus-value. « Les conditions climatiques y sont plus rudes, les surfaces disponibles restreintes, l’alimentation essentiellement à l’herbe, le coût de collecte est plus élevé », résume la chargée d’étude de la filière laitière bovine. Elle liste aussi les compensations : d’une part, les aides déjà obtenues, au fil du temps, toujours en place ou non (prime à la vache laitière majorée, compensation de handicap naturel…) ; d’autre part, une démarcation via des signes officiels de qualité ou des circuits courts (vente à la ferme, notamment). Mais cela reste insuffisant.
Générateur d’emplois
À son tour, Benoît Baron, du service économie des filières à l’institut de l’élevage (Idele), relève les atouts et les faiblesses du lait de montagne. Une densité importante des exploitations, une concentration des outils de transformation (40 % des usines de transformation françaises) et une montée impressionnante de la collecte bio.
En revanche, il note au chapitre des faiblesses et menaces : un coût de collecte 10 €/1 000 l plus élevé qu’en plaine ; le renouvellement des chefs d’exploitation qui n’est pas facile, pas plus que de trouver des ouvriers ; une marque « montagne » qui existe mais qui reste difficile à percevoir pour le consommateur. Mais attention, si la production de lait de montagne venait à baisser les bras, c’est toute une économie qui risque de s’effondrer, prévient Yannick Péchuzal du département économie d’Idele. « Certes, chaque fois qu’on compte une vache laitière en moins, on voit une vache allaitante en plus. Mais les valeurs générées en termes d’emploi et d’économie ne sont pas les mêmes. On considère que l’élevage laitier dégage pour la filière
2 300 €/ha et crée 1,07 emploi, quand en production viande on ne génère que 870 € et 0,76 emploi », précise le spécialiste. D’où l’idée d’alerter les collectivités territoriales sur l’urgence à apporter de la plus-value sur ce qui s’avère un « maillon indispensable au maintien du tissu rural, de l’emploi et de la création de richesse », comme l’a indiqué Michel Lacoste, secrétaire général adjoint à la FNPL.
Une image positive du lait de montagne
Parmi les pistes évoquées figurent notamment : le confortement des AOP, le soutien à l’emploi par l’allègement de charges, le soutien à la collecte comme par exemple une détaxation partielle sur le carburant, la segmentation (bio ou autres) et... le soutien à la production. Yannick Péchuzal évoque même l’idée d’une « prime au maintien de la vache laitière », sur le modèle de la PMTVA qu’ont connu les éleveurs allaitants. En outre, la recherche sur les bienfaits du lait cru, sur la valorisation du sous-produit lactoserum et la lutte contre les contrefaçons se poursuivent.
Quant à la distribution, si elle convient d’une légère érosion des ventes de briques siglées « lait de montagne » (- 2,5 %), elle sait aussi que le consommateur reste sensible à une différenciation qualitative. Pour preuve, lors de la pénurie de lait bio, la ménagère a massivement reporté son achat sur le lait de montagne. Marc Delage,
directeur de la catégorie lait du groupe Carrefour, estime que les clients ont besoin d’être « rassurés ». Son groupe mise sur la provenance française (70 % des rayons) et les différenciations qui répondent à une éthique « durable et respectueuse de la planète ». En ce sens, le bio est selon lui ce qui répond le mieux à cette attente pressante et croissante. Le responsable du groupe livre à la filière lait de montagne des pistes de réflexion pour répondre à ce consommateur qu’il connaît si bien : sans OGM (ce qui devient la norme) ; flore naturelle d’altitude, alimentation issue de l’exploitation sans ensilage ; durée minimum de pâture ; bien-être animal (déploiement d’alternative aux antibiotiques) ; traite non-robotisée...
 Renaud Saint-André