Sorgho : la filière européenne se structure

A l'issue du premier congrès européen du sorgho qui se tenait à Bucarest les 3 et 4 novembre, les congressistes ont validé l'idée de créer une structure interprofessionnelle du sorgho d'échelle européenne - de la semence à la transformation - pour accélérer son développement, a annoncé le directeur de la FNPSMS (interprofession de la production de semences de maïs et de sorgho), Luc Esprit. L'interprofession devrait porter le nom de Sorghum ID et pourrait être adossée à la confédération européenne de la production de maïs (CEPM). Sous l'impulsion des Français, et avec un fort soutien des producteurs roumains et polonais, la filière veut se structurer. En amont du congrès, des démarches visant à développer le sorgho européen ont déjà été lancées ; la FNPSMS a déposé à Bruxelles un dossier de promotion des produits agricoles pour le sorgho, qui est « en bonne voie », confie Luc Esprit. « On est aux prémisses d'une nouvelle filière », a annonçé Daniel Peyraube, président de l'Association des producteurs de maïs (AGPM), lors du congrès. Très peu d'outils existent pour soutenir la production européenne, a rappelé, à Bucarest, Damien Plan, membre de la Commission européenne : aucun État membre n'a choisi de créer d'aide couplée pour soutenir la production de sorgho, bien qu'elle soit éligible.
« Une bonne manière de gérer la réglementation nitrate »
Le sorgho est une plante originaire de la région orientale du Sahel, qui peut se cultiver du nord de l'Allemagne à la pointe sud de l'Afrique. Elle nécessite peu d'eau et d'intrants, et supporte facilement les forts stress hydriques. Pour Thierry de l'Escaille, secrétaire général de l'association des propriétaires fonciers européens (European Landowners), le sorgho est une « bonne manière de gérer la régulation nitrate » et le changement climatique. Mais « l'Europe n'est pas prête à un basculement du blé et du maïs vers le sorgho ». Les chercheurs présents lors du congrès ont souligné les importantes collections de génétique à disposition dans le monde sur cette plante, et sa grande diversité génétique, au travers de ces différentes variétés. L'Europe est aujourd'hui importatrice net de sorgho mais n'a presque pas d'influence sur le marché mondial de cette plante, a expliqué durant le congrès Olivier Bouillet, directeur général d'Agritel Ukraine. Elle produit environ 600 000 tonnes de sorgho grain, essentiellement en France et en Italie, et importe environ 300 000 tonnes, essentiellement en provenance d'Ukraine à destination de l'Espagne. La production européenne de sorgho est surtout utilisée à destination de l'élevage. Elle se structure toutefois autour de filières diversifiées, proches de celles du maïs (grain, ensilage, méthane...).
Manque de solutions phytosanitaires
En France, la production oscille entre 50 000 et 100 000 hectares depuis quelques années, a expliqué Jean-Luc Verdier, spécialiste du sorgho pour Arvalis. Le sorgho est localisé dans le Sud-Ouest et la vallée du Rhône. Il est majoritairement produit sans irrigation, intégré par exemple à des rotations blé-tournesol, pour limiter la pression des bioagresseurs. Dans sa conduite, cette petite production est pénalisée par le manque de solutions phytosanitaires, notamment contre les graminées d'été. En Allemagne, le sorgho offre une alternative au maïs dans la filière biogaz, a expliqué une ingénieure de l'institut technique du ministère de l'Agriculture de Bavière ; il « ne requiert pas d'aussi bons sols que le maïs et demande moins d'intrants ». Et « dans certaines régions, la limitation réglementaire du maïs à deux années sur trois fait du sorgho une alternative », de même que la limitation à 60 % de maïs dans les méthaniseurs, qui ne s'applique pas au sorgho. Les projections de réchauffement des températures en Allemagne d'ici 2040 montrent par ailleurs une extension des surfaces propices à la culture, au centre et au nord-est du pays. Des perspectives prometteuses pour le sorgho qui valent pour toute l'Europe.