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Viticulture

Syndicat des Côtes-du-Rhône : « Pas d’appel mais la problématique reste entière »

Sanctionné par l’Autorité de la concurrence le 23 mai dernier pour « entente », le Syndicat général des vignerons réunis des Côtes du Rhône ne devrait pas faire appel. Explication avec son président, Philippe Pellaton.
Syndicat des Côtes-du-Rhône : « Pas d’appel mais la problématique reste entière »

A la suite d'indices transmis par la DGCCRF, l'Autorité de la concurrence a rendu le 23 mai une décision sanctionnant le Syndicat général des vignerons réunis des Côtes-du-Rhône (SGVRCR) « pour entente ». Concrètement, le syndicat est accusé d'avoir fixé un « prix plancher » en diffusant des grilles tarifaires annuelles ayant « pour objectif de faire remonter les cours » des vins en vrac. Les recommandations tarifaires ont concerné l'ensemble des vins en vrac AOC des Côtes-du-Rhône selon leur couleur (blanc, rosé, rouge) et, pour les vins rouges, selon les gammes de produits (entrée de gamme, cœur de gamme, haut de gamme). L'Autorité de la concurrence justifie la sanction appliquée (20 000 €) par le fait que le Syndicat, « compte tenu de sa nature et de ses fonctions, n'a pas vocation à être reconnu comme organisation de producteurs ».

En lien avec le plan stratégique

« Ce qui nous est reproché fait référence au projet stratégique mis en place en 2009, en plein cœur de la crise viticole débutée en 2003, et alors même que les outils utilisés entre 2003 et 2006 - arrachage, distillation, blocage de vin par mise en réserve - avaient échoué », commente le président du syndicat, Philippe Pellaton. Face à ce constat, le Syndicat avait acté - lors du congrès des Côtes-du-Rhône, en Avignon - le lancement d'un plan stratégique à dix ans « avec comme base l'amélioration qualitative de nos vins ». Ce plan comportait plusieurs mesures dont la modification du cahier des charges sur les règles d'assemblages (réduction de 10 % de grenache et remplacement par syrah et mourvèdre), « afin d'avoir des vins plus équilibrés et aromatiques » ; l'augmentation du niveau d'exigence du cahier des charges (sur des aspects comme l'intensité colorimétrique, les indices de polyphénols totaux notamment) ; le renforcement des moyens de contrôle des vignerons et du vignoble « avec le recrutement de quatre techniciens ayant pour mission de vérifier la conformité de la production par rapport à ces nouvelles obligations du cahier des charges. Cela n'avait jamais été fait » ; la mise en place d'un plan de restructuration pour renouveler le vignoble et « développer notre offre en côtes-du-rhône blancs » ; le lancement de la charte paysagère.
« Nous avions aussi ajouté la mécanique économique à ces objectifs, et notamment celle du prix de revient. Ces prix de revient, par catégorie et couleur, avaient été établis en partenariat avec Inter Rhône et les centres de gestion. C'est cela qui nous est reproché aujourd'hui », résume le président du syndicat.

Pas d'appel

À partir de 2009, le Syndicat a donc communiqué sur le plan stratégique « et pas seulement sur les prix de revient » au travers de son journal, Le Vigneron. « Jusqu'en 2016, cela n'a pas posé de problèmes apparents à nos autorités de tutelle régionales, d'autant qu'en face de ces prix, nous n'avons jamais évoqué d'éléments coercitifs », indique Philippe Pellaton. Mais entre 2014 et 2016, le dossier a semble-t-il glissé vers l'Autorité de la concurrence au niveau national pour devenir « un dossier plus contentieux ». Résultat : fin 2016, l'autorité demandait des éléments au Syndicat afin « de décortiquer l'ensemble de la mécanique que nous avions mise en place ».
« Durant deux ans, nous avons justifié ces raisons au regard de notre plan stratégique mais nous étions conscients, dès le départ, que le simple fait de parler "prix" pour l'Autorité, quel que soit le prix d'ailleurs, n'était pas possible. Et l'on se doutait un peu du type d'amerrissage vers lequel nous nous dirigions », ajoute-t-il.
L'amerrissage a donc eu lieu le 23 mai avec l'annonce de la sanction. « Bien évidemment, j'aurais préféré que l'on soit blanchi. Mais le niveau de l'amende montre que, malgré tout, nos arguments ont porté et que l'Autorité n'a pas constaté d'entente formelle ou de dommages économiques. Ce dossier se ferme de façon mesurée et je proposerai au conseil d'administration (qui s'est réuni le 31 mai) de ne pas faire appel de cette décision et de fermer la procédure. »

Porter le débat à Inter Rhône

Pour l'avenir, Philippe Pellaton souhaite s'appuyer sur les annonces du président Emmanuel Macron qui souhaite, dans le cadre des États généraux de l'alimentation (EGA), légiférer et définir un cadre permettant de travailler sur la notion de prix, « et notamment pour nos AOC, car le problème des coûts de revient dans l'agriculture n'est toujours pas réglé ». Ce travail est d'ailleurs d'ores et déjà engagé au sein de la Cnaoc, qui va formuler des propositions dans le cadre de ce projet de loi. « Les AOC ne sont pas des produits agricoles comme les autres : le cahier des charges impose des critères qualitatifs, sociétaux, parfois environnementaux. Ces contraintes génèrent des coûts supplémentaires que l'on doit être capable d'exprimer. C'est ce travail fait il y a dix ans qui vient de nous être reproché. Nous avions juste de l'avance », fait remarquer Philippe Pellaton.
Désormais, le cadre doit se construire. « Même si le projet de loi n'est pas sorti, un cadre semble se définir et ouvrir un champ d'investigation au sein des interprofessions, conclut Philippe Pellaton. Je me ferai fort de mettre le sujet en débat au sein d'Inter Rhône quand nous connaîtrons les conditions d'application de la loi issue des EGA. » 
Céline Zambujo