Systèmes assolés : les enseignements de la Tab

Ce mois de juin, la chambre d'agriculture de la Drôme a organisé une visite des systèmes assolés de la plateforme Tab (techniques alternatives et biologiques), à la ferme expérimentale d'Etoile-sur-Rhône. Sur 10 hectares, sont testés trois systèmes assolés diversifiés, construits pour allier performances agronomiques et économiques. La première rotation est en agriculture biologique, irriguée : soja/maïs semence/blé dur/ail/colza/coriandre. La seconde est aussi en agriculture biologique mais sans accès à l'eau d'irrigation : féverole d'hiver/sauge sclarée (2 ans)/pois chiche/blé tendre. La troisième est en agriculture conventionnelle « faibles intrants » : courgette porte-graine/blé tendre/colza/basilic/tournesol semence. Les espèces et les contraintes différant, les trois systèmes ne sont pas comparables. Ils sont évalués indépendamment.
Les référents suivant ces cultures ont détaillé leurs résultats 2014 et itinéraire technique 2015. Didier Chollet (Cetiom1) s'est chargé du colza et du soja, Thibaut Ray (Arvalis Institut du végétal) du blé, du maïs semence, de la féverole et du pois chiche, Jean Champion, Mikael Boilloz et Pierre-Yves Mathonnet (chambre d'agriculture de la Drôme) du tournesol semence, de l'ail et des plantes aromatiques (coriandre, basilic et sauge sclarée), Olivier Garrigues (Fnams2) de la courgette semence. Et Nicolas Sagnes (chef de culture à l'AGFEE3) a donné son regard sur les réussites et les échecs rencontrés.
Des échecs et des réussites
Les rotations sont à mi-parcours, 2014 est leur troisième année. Sur le plan technique et agronomique, des résultats intéressants commencent à se dégager. Des échecs et des réussites sont constatés. Mais ces résultats sont provisoires, il faut attendre une rotation complète pour savoir s'ils se confirment ou non. Dans toutes les rotations, des cultures ont atteint voire dépassé les objectifs fixés. C'est le cas du soja, du colza, ainsi que du tournesol et des courgettes semences. D'autres sont plus difficilement maîtrisables, notamment en termes d'enherbement, tels que la coriandre et le basilic. Les systèmes assolés de la Tab n'échappent pas aux aléas climatiques et à la pression parasitaire. Par exemple, en 2014, le blé a souffert d'une forte attaque de rouille jaune. Le basilic a été confronté à des problèmes de phytotoxicité d'un herbicide et une attaque conséquente de mildiou (humidité estivale). La féverole, elle, a donné un faible rendement (mauvais remplissage des grains lié aux conditions climatiques).
Les résultats sont analysés chaque année. Cela amène à une adaptation des règles de décision en fonction des échecs observés. Par exemple, pour la coriandre, un semis d'automne est testé depuis 2014 afin de rendre la culture plus concurrentielle vis-à-vis des adventices de printemps. Peuvent aussi être cités un changement de variété de blé, l'adaptation des règles d'application de l'herbicide et du fongicide sur basilic.
La gestion des adventices
Pour gérer les adventices, l'alternance des familles de culture est systématique. De même que l'alternance de deux années de cultures d'hiver et deux de cultures de printemps. Ceci, à l'exception de la rotation bio sans irrigation du fait de la difficulté majeure de produire des cultures de printemps sans accès à l'eau dans notre région. En culture, la gestion des adventices passe par la gestion du stock grainier via un labour puis un faux semis systématique au printemps et une intervention mécanique au stade plantule des adventices (herse étrille, bineuse). Un rattrapage chimique est possible en conventionnel sur la base d'observations, ainsi qu'un rattrapage manuel sur cultures à fort enjeu économique et selon le débouché (ex : basilic, productions de semences). Cette année, le semis de plantes compagnes est testé sous colza, blé et maïs semence, pour apporter de l'azote et concurrencer les adventices.
Du côté des cultures semées en plein, aucune difficulté majeure n'est à noter en termes de gestion des adventices. L'association au semis de colza de plantes compagnes gélives (fenugrec, lentille et gesse) participe à la concurrence des adventices au démarrage. Grâce à des passages de herse étrille sortie hiver, sur sol ressuyé, la flore adventice a pu être contenue dans les blés et pois chiches. Le semis de trèfle blanc sous le blé à épi 1cm est plus que satisfaisant.
Des choix affirmés
Du côté des cultures semées à 55 cm en inter-rang, l'expérience 2014 et 2015 est contrastée. Les binages répétés permettent une bonne maîtrise des adventices sous le soja et le maïs semence. Cette année, un trèfle blanc sera semé entre les rangs de maïs pour fournir de l'azote et aider à la maîtrise des adventices après le dernier binage. Pour l'ail, suite à une plantation tardive dans des conditions humides, la densité est limitée et la gestion des adventices délicate. Des binages, un buttage puis un désherbage manuel final ont été réalisés pour obtenir un niveau d'enherbement acceptable à la récolte. Le cas de la coriandre rappelle l'importance de la date du semis pour la gestion de l'enherbement. Semée une première fois en novembre, les trois quarts du semis ont été détruits, très probablement par les limaces. Sur la partie qui a pu être conservée, l'enherbement est parfaitement maîtrisé. La partie resemée en avril, en revanche, subit actuellement un salissement important sur le rang nécessitant une intervention manuelle coûteuse. Enfin, dans le système faibles intrants, une stratégie alliant désherbage chimique en pré-levée puis interventions mécaniques en post-levée est testée sur basilic, ainsi que courgette et tournesol semence.
Cette troisième année d'essai permet d'affirmer les choix techniques et agronomiques pour la gestion des adventices. La diversification de la rotation est intéressante du point de vue agronomique et économique, si les prix sont assurés et la main-d'œuvre rémunérée.
Laurie Castel et Jean Champion, chambre d'agriculture de la Drôme (respectivement coordinatrice du projet et animateur du groupe de travail des systèmes assolés de la plateforme Tab), et Annie Laurie.
Cetiom1 : centre technique interprofessionnel des oléagineux métropolitains.
Fnams2 : fédération nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences.
AGFEE3 : association de gestion de la ferme expérimentale d'Etoile.
Systèmes assolés de la Tab : les perspectives de travail 2015
Une réflexion a été engagée sur la gestion des intercultures de chacun des systèmes assolés de la plateforme Tab. Cela, dans l'objectif de concilier une couverture maximale du sol (pour répondre aux enjeux de la directive nitrates), l'amélioration de l'autonomie azotée des cultures (grâce aux engrais verts) et la lutte mécanique contre les adventices en interculture. Ce travail a conduit à expérimenter des techniques innovantes comme l'implantation d'engrais verts sous couvert du maïs semence et avant la récolte du soja. Un autre exemple peut être cité : montrer l'intérêt d'un engrais vert de trèfle avant la culture de l'ail.
Cette année 2015, la mise en place d'une évaluation multicritères de chaque système testé est aussi prévue. C'est-à-dire une analyse des pratiques et résultats selon les trois piliers du développement durable, qui sont l'économie, le social et l'environnement.
Point de vue / Les systèmes assolés de la plateforme Tab vus par Frédéric Lérat, membre de la chambre d'agriculture.Le temps dira si les systèmes fonctionnent

De ces expérimentations, j'attends entre autres de savoir si des carences en phosphore apparaîtront dans le temps. C'est dans la durée que nous pourrons constater si ces systèmes fonctionnent ou non sur le plan économique. »Propos recueillis par Annie Laurie