Tab : une plateforme en évolution

Depuis 2011, sur la plateforme des techniques alternatives et biologiques (Tab) sont évalués des systèmes agricoles plus autonomes en intrants. Situé sur la ferme expérimentale d'Etoile-sur-Rhône, le site de vingt hectares accueille des ingénieurs et techniciens de la chambre d'agriculture de la Drôme ainsi que de différents instituts techniques et stations d'expérimentation. Ainsi, depuis 2011, dans ce laboratoire de plein champ sont testées la diversification des assolements, des systèmes proches de l'agroforesterie, des aménagements favorisant la biodiversité et la lutte contre certains ravageurs... Des études sont également conduites dont l'une sur la fertilité des sols.
Le 29 janvier à Etoile-sur-Rhône, agriculteurs, techniciens, ingénieurs et partenaires de la plateforme Tab ont participé à une journée d'échanges. « La Tab a vocation à être en avance, c'est de l'expérimentation pour tester et voir ce qui marche et ce qui ne marche pas, a expliqué Anne-Claire Vial, présidente de la chambre d'agriculture. Le but reste une agriculture performante, socialement acceptable et surtout économiquement viable. » Mettant l'accent sur le caractère précurseur de cette plateforme née avant le plan Ecophyto 1 et pratiquant l'agro-écologie avant l'heure, « la Tab a vocation à évoluer en se nourrissant de ses propres résultats ainsi que des avancées techniques et des travaux de recherche menés par ailleurs », a souligné Anne-Claire Vial.
Principaux axes de travail
Avant que ne soient détaillées certaines expérimentations, Laurie Castel, coordinatrice de la plateforme Tab, a fait le point sur les travaux menés en 2015. A été poursuivie, pour la troisième année, l'expérimentation de systèmes assolés (bio irrigué, bio non irrigué, faibles intrants) construits selon trois rotations pluriannuelles diversifiées (grandes cultures, semences, légumes et plantes aromatiques).
En arboriculture, l'évaluation des performances de trois vergers de pêchers conduits en agriculture biologique, raisonnée et à faibles intrants s'est poursuivie, de même que l'essai de lutte contre le cynips sur châtaignier. De plus, a été préparée la plantation d'un verger « comportement de variétés d'abricots en agriculture biologique ».
Par ailleurs, l'essai inspiré de l'agroforesterie, associant pêchers et cultures annuelles (soja, maïs, semence, féverole, colza, blé tendre), mis en place en 2012, a fourni ses premiers résultats de production fruitière. Les objectifs fixés ont été atteints. Mais, compte tenu de la variabilité de certains facteurs, comme le climat, plusieurs années seront nécessaires pour fiabiliser les données.
Diagnostic de sols
Un des points développés le 29 janvier a porté sur l'amélioration de la fertilité du sol. Plusieurs profils culturaux ont été réalisés et diverses analyses (chimique, physique, organique et biologique) ont permis de poser un premier diagnostic sur les sols de la plateforme Tab. « De grandes variabilités ont été mises en évidence même si le pH est globalement neutre, a noté Thibaut Ray (Arvalis - Institut du végétal). Un pH basique est de nature à mieux stimuler l'activité biologique du sol, a-t-il notamment expliqué. De plus, la capacité d'échange cationique est faible (CEC), ce qui limite le stockage de matière organique. » Si la teneur en macro-éléments est globalement jugée satisfaisante, un défonçage réalisé après un arrachage d'arbres a réduit la matière organique disponible pour les cultures annuelles. Des mesures pour améliorer ce taux de matière organique sont déjà engagées (restitution des pailles post-récolte, développement de la biomasse des couverts intermédiaires) ou le seront (apport de compost de déchets verts).
Suivi de la biodiversité
Faire de la biodiversité un allié de l'agriculture, notamment en termes de pollinisation et de lutte contre les ravageurs, tel est l'objectif d'une autre étude présentée le 29 janvier. Sur la plateforme Tab, ont été installés haies brise-vent, couverts herbacés diversifiés, bandes enherbées... Une petite mare a même été creusée. « Pour les oiseaux, entre 2011 et 2015, est observée une augmentation de la richesse cumulée », a fait remarquer Sébastien Blache (LPO 26). Autrement dit, de nouvelles espèces ont été comptées chaque année et celle qui a le plus progressé est la mésange. Un des facteurs clés a été la mise en place d'une luzerne en 2012. « Quand on agit sur la rotation, le milieu s'enrichit », a-t-il fait remarquer. Le même phénomène a pu être observé avec les papillons. Mais avec des différences. Alors que les espèces diurnes sont abondantes dans le verger bio, leur présence dans le verger de pêchers à faibles intrants chimiques est similaire à celle d'un verger conventionnel. Les travaux vont se poursuivre afin d'aller plus loin dans la démonstration des services rendus vis-à-vis de certains ravageurs des cultures.
Avant de se rendre sur la plateforme Tab, les participants à la journée d'échanges ont travaillé en ateliers. Le premier était consacré aux systèmes pêchers et châtaigniers. Le second aux systèmes assolés biologiques et à faibles intrants. Chacun a pu exprimer ses remarques et idées pour faire évoluer les travaux de la plateforme.
Christophe Ledoux
Systèmes assolés /
Viabilité économique ?
L'approche très originale de la plateforme Tab combine des leviers agronomiques, écologiques et techniques sans perdre de vue l'objectif économique ; car la finalité est d'apporter des réponses au plus grand nombre d'agriculteurs.Dans l'évaluation des performances des systèmes assolés, les coûts de production et les marges sont calculées pour chaque système. Dans le cas du système à faible intrants (rotation : courgette semence, blé, colza, basilic, tournesol semence), les premiers résultats sont la réduction de l'indice de fréquence des traitements (IFT) tout en maintenant une marge directe satisfaisante, ce qui est prometteur, indique Laurie Castel, coordinatrice de la plateforme Tab. Quant au système bio irrigué associant soja, maïs semence, blé, colza, coriandre et ail, les résultats ne sont pas encore stabilisés. Maîtrisées, les cultures comme la sauge sclarée permettent d'apporter une importante plus-value à la rotation (entre 1 300 et 2 800 euros/ha sans aide). Mais il faut garder dans sa rotation des cultures « valeur sûre », comme le soja ou le maïs.
Les résultats issus de deux années de rotation ne sont donc que partiels. Il faudra attendre 2018 pour juger sur une rotation complète. En raison notamment du climat « les rendements varient fortement d'une année à l'autre, précise Laurie Castel. Par exemple, en blé bio dans le système agroforestier, ils ont été de 53 q/ha en 2015 et 27 en 2014. A l'inverse pour le colza, 16 q/ha en 2015 contre 36 en 2014. De plus, une culture comme la féverole dégage une marge directe faible mais sa contribution se mesure dans l'augmentation du rendement de la culture suivante. »
Au terme des rotations, une simulation économique consistera à faire varier la surface de chaque culture, de façon à se mettre en condition d'une exploitation « à grandeur réelle ».