Thomas Huriez surfe sur les savoir-faire locaux

Et si les bâtiments d'hier abritaient la créativité des talents de demain ? La communauté d'agglomération Valence Romans sud Rhône-Alpes a lancé en février dernier un appel à projet dans le cadre de la vente du tènement Jourdan. Propriété de l'intercommunalité, les bâtiments sont depuis 2008 à l'abandon. Si plusieurs porteurs de projets s'y sont intéressés, aucune démarche n'a pour l'heure abouti. Aujourd'hui, deux candidats se sont positionnés : le groupe Aegide-Domitys ainsi que Thomas Huriez et sa marque 1083.
Des jeans et baskets fabriqués en France
L'histoire commence en 2007. Le jeune entrepreneur, un ancien informaticien, ouvre l'enseigne Modetic, avenue Gambetta à Romans-sur-Isère, dans une maison appartenant à sa famille. Le magasin propose alors des vêtements écologiques, issus du commerce équitable ou encore Made in France (fabriqués en France). Mais voyant ses fournisseurs fermer les uns après les autres, il décide de créer sa propre marque. Il s'agit alors de pouvoir maîtriser l'offre et de ne pas être fragile lors de la fermeture de sous-traitants. Nous sommes en 2013 : 1083, c'est le nombre de kilomètres entre Menton (dans les Alpes-Maritimes) et Porspoder (Finistère), les deux villes les plus éloignées du pays.
Ainsi, c'est toute une filière qui se trouve relancée. Pour fabriquer les jeans, chaussures et ceintures Made In France, Thomas Huriez s'appuie sur des ateliers répartis dans tout l'Hexagone (filature, tissage, etc.). Certains sont implantés à Marseille ou encore à Charlieu, d'autres à Bourg-de-Péage ou encore Mours-Saint-Eusèbe. En mars dernier, l'entrepreneur a même dû créer un nouvelle unité de production à Romans-sur-Isère afin de pouvoir répondre à la demande. Car le concept et les valeurs défendues plaisent. C'est d'ailleurs pour ces aspects que 1083 a été retenue par la ville de Paris pour habiller ses élus et responsables pendant l'Euro-2016.
Des chiffres en progression
Certes, le prix de revient est plus élevé. Mais c'est le prix à payer pour que les savoir-faire restent en France. Et de fait, la valeur ajoutée reste sur le territoire national. Afin de rester concurrentiel, la marque 1083 supprime les intermédiaires et s'appuie donc sur la vente directe : il n'existe aujourd'hui que deux boutiques Modetic. L'une est basée à Romans-sur-Isère, l'autre à Grenoble (ouverte depuis 2014). Par ailleurs, près de 60 % des clients achètent les produits via internet.
En 2013, le chiffre d'affaires de la marque s'élevait à 230 000 euros. Deux ans plus tard, le million d'euros était atteint. Pour le prochain exercice, Thomas Huriez espère d'ailleurs le doubler ; la moitié de l'objectif a d'ores et déjà été dépassé. Cette activité a en tout cas déjà permis de créer 21 emplois, dont 13 dans l'agglomération romano-péageoise. Si la marque venait à s'installer dans les anciens locaux de Charles Jourdan, ce seront au moins 30 nouveaux postes qui pourraient être à pourvoir à l'horizon 2018 : responsable logistique, préparateurs de commande, standardistes, vendeurs, animateurs, couturières, etc. Les ateliers devraient par ailleurs être accessibles au public, Thomas Huriez souhaitant véritablement montrer l'envers du décor et communiquer sur les savoir-faire artisanaux.
Du local, même dans l'assiette
Outre les activités de production ou encore la logistique, l'ancienne usine Charles Jourdan pourrait également accueillir une boutique, un espace consacré à l'histoire de la chaussure ainsi qu'un restaurant. Concernant ce dernier, son nom est déjà tout trouvé : celui-ci s'appellerait en effet le « 183 ». Son slogan ? Il ne sera point « Borne in France » comme c'est le cas pour la marque 1083, mais « Borne appétit ». « Avec sa borne jaune, comme une borne de route départementale », précise même Thomas Huriez. Concrètement, les repas proposés seraient réalisés avec des produits provenant à moins de 183 kilomètres de Romans-sur-Isère. « Il fallait proposer aux clients la possibilité de se restaurer sur place. Mais il y a une cohérence avec 1083. Nos ateliers ont autant besoin de boulot que nos agriculteurs. Ces deux métiers sont pénalisés par les mêmes problèmes de distribution. Nous croyons aux circuits courts, même dans nos assiettes », poursuit l'entrepreneur.
« Une chose est certaine, nous ne porterons pas seuls ce projet de restaurant ; la restauration doit être gérée par des professionnels », souligne encore Thomas Huriez. Cinq restaurateurs locaux ont d'ores et déjà manifesté leur intérêt. Ceux-ci devront désormais attendre la décision politique avant de se pencher un peu plus sur le concept.
Les élus communautaires devraient se prononcer quant à l'avenir de l'ancien site industriel le 29 septembre.
Aurélien Tournier
DÉPENDANCE / Domitys veut créer une résidence pour seniors.
Un deuxième projet en lice

Pour le groupe immobilier, cette résidence permettrait de renforcer son implantation dans le Sud-Est de la France. Il s'agirait également de répondre à un besoin, la société ayant estimé à 7 000 le nombre de personnes âgées de 75 ans et plus, dans un rayon de 10 kilomètres. « Cette résidence compterait en croisière une population d’environ 155 résidents. Ces séniors participeraient alors de façon substantielle à la redynamisation des commerces de proximité, ainsi qu’au développement de réseaux professionnels du paramédical à l’échelle intercommunale », indique également l'entreprise.
A. T.