TODE : « Il faut que le gouvernement fléchisse »

Si rien ne change, le dispositif TODE (travailleur occasionnel - demandeur d'emploi) d'allègement de charges salariales n'existera plus au 1er janvier 2019. Il en sera de même pour le CICE (crédit impôt compétitivité emploi). Pour les exploitants agricoles drômois employeurs de main-d'oeuvre mais aussi les groupements d'employeurs et autres structures collectives, l'ardoise dépasserait les huit millions d'euros, ont indiqué Grégory Chardon et Sébastien Richaud, respectivement président de la FDSEA et de JA 26. Un véritable séisme ! Après avoir manifesté leur colère dans la rue à deux reprises la semaine dernière (lire ci-contre et dans notre édition du 13 septembre), les deux syndicats ont convié les parlementaires drômois à une matinée d'échanges. Celle-ci s'est tenue le 17 septembre dans la salle de conditionnement de l'EARL Valla, à Saint-Marcel-lès-Valence. Avec plus de 60 hectares de cultures spécialisées (dont 40 de vergers, 10 de maraîchage et autant en production de semences), cette exploitation compte trois salariés permanents à temps plein, deux à mi-temps ainsi qu'une quarantaine de saisonniers pour les travaux d'éclaircissage, de cueillette et de conditionnement... Selon une analyse comptable, la fin du TODE et du CICE représenterait une charge supplémentaire de plus de 36 000 euros. « C'est environ la moitié de notre bénéfice », ont indiqué Jean-Michel et Antoine Valla.
« Un dossier éminemment politique »
L'allégement de cotisations patronales depuis les années 1980, et surtout depuis 2012 avec le cumul TODE et CICE, a permis de redonner de la compétitivité et de la confiance aux filières agricoles fortement employeuses de main-d'oeuvre. C'est ce qu'a rappelé Régis Aubenas, président de la section fruits de la FDSEA Drôme, aux députés et sénateurs. Face à la disparition de ces deux dispositifs, « nous ne disons pas qu'il faut baisser les salaires, leur a-t-il expliqué. Ce qu'il faut, c'est que la puissance publique continue à compenser l'écart de coût avec les pays voisins, et ce tant qu'une convergence fiscale et sociale ne sera pas en place au sein de l'Union européenne. C'est un dossier très technique mais éminemment politique. »
Ont ainsi été rappelés les écarts du coût du travail entre la France et l'Italie (37 %), l'Allemagne (27 %), l'Espagne (20 %), la Belgique (19 %) et leurs conséquences. Un pays comme l'Allemagne a vu ses surfaces maraîchères croître de 30 % en vingt ans alors qu'en France elles ont diminué d'autant sur la même période. En Drôme, le verger a régressé d'un tiers en quinze ans sous l'effet, notamment, de la concurrence de pays tiers tel l'Espagne qui produit à bas coût.
Des pertes très lourdes
Pour les employeurs agricoles français, « supprimer les dispositifs CICE et TODE aboutirait à une charge supplémentaire de 1,40 euro minimum par heure pour un salarié au Smic avec les congés payés », a souligné Régis Aubenas. Et selon une étude du CerFrance, une exploitation arboricole de 17 hectares (dont 11 de vergers en production) totalisant 10 000 heures de travail saisonnier annuel perdrait entre 14 000 et 15 000 euros par an. « Cela signifie qu'il n'y a plus de revenu », a noté Régis Aubenas. Le risque de davantage de recours aux travailleurs détachés a aussi été abordé.
« Il faut que le gouvernement fléchisse, a pour sa part souligné Jérôme Volle, vice-président de la FNSEA, car le risque, c'est de voir des exploitations cesser leur activité. Tant qu'il n'y a pas d'harmonisation sociale et fiscale dans l'Union européenne, les outils comme le TODE sont nécessaires pour maintenir la compétitivité des exploitations agricoles françaises. » Et de réclamer une prise en charge du coût de la mesure TODE (144 millions d'euros) non pas sur les fonds du ministère de l'Agriculture (déjà bien amputés) mais sur ceux du ministère des Finances. De plus, il a mis en garde les élus quant à l'épargne de précaution, « un dispositif sans lien avec la problématique du coût de la main-d'oeuvre », a-t-il précisé.
Si les responsables syndicaux sont ouverts à une évolution du dispositif TODE, ils restent intransigeants pour qu'en 2019 la mesure soit reconduite à l'identique.
Christophe Ledoux
Réactions /
« Aucun arbitrage n'est fait. C'est ce que m'a indiqué la semaine dernière Bruno Le Maire, ministre de l'Economie et des Finances », a dit Mireille Clapot, députée de la première circonscription de la Drôme. Par ailleurs, elle estime nécessaire de rechercher d'autres solutions que la seule baisse des charges, notamment en analysant les raisons qui font que l'Allemagne ou les Pays-Bas ont une agriculture plus compétitive. Des propos qui n'ont pas manqué de faire réagir la salle eu égard, entre autres, aux contraintes environnementales imposées aux agriculteurs français.Concernant les difficultés à recruter des chômeurs, l'assistante parlementaire de Célia de Lavergne, députée la troisième circonscription de la Drôme, a fait part de la prochaine réforme de l'assurance chômage. « Attention à la tentation de taxer les contrats courts, nombreux en agriculture » a prévenu Jérôme Volle.
Le sénateur Didier Guillaume a, lui, d'abord mis l'accent sur la prochaine réforme de la Pac et le risque de voir la France beaucoup moins dotée. Concernant le dispositif TODE, « ce serait un assassinat que de le supprimer, a-t-il dit. Mais il faut des évolutions pour favoriser le développement économique. Quels que soient les gouvernements, l'objectif d'amélioration du revenu des agriculteurs est une incantation. Aujourd'hui, il faut assumer des choix politiques avec pragmatisme. »
Emmanuelle Anthoine, députée de la quatrième circonscription de la Drôme, s'est interrogée sur la volonté du gouvernement de vouloir maintenir une agriculture en France. Elle a défendu le maintien du dispositif TODE et évoqué aussi le dossier des zones défavorisées simples (ZDS).
C. L.