Tomate : 60 ans pour la Sonito et un nouveau départ

L'interprofession de la tomate d'industrie a soufflé ses 60 bougies en Avignon, fin novembre. 60 ans, cela pourrait être l'âge de la retraite mais pour son président, André Bernard, cela signe le nouveau départ de la filière tomate d'industrie, qui aurait pu disparaître il y a quelques années. « Au-delà de l'histoire, ce qui m'intéresse, c'est l'avenir. 60 ans, deux fois trente ans, comme les deux piliers de la Sonito, le technique d'un côté, et le lobbying et la stratégie de filière de l'autre », a-t-il expliqué, avant de dédier cette soirée à ceux qui ont marqué son parcours.
La technique, c'est l'un des leviers qui a permis à la filière d'être toujours présente aujourd'hui, notamment via la mécanisation mais aussi la sélection de variétés. Chaque année, 40 à 50 variétés sont testées grâce à l'appui de l'Inra, le CTCPA (Centre technique de la conservation des produits agricoles), l'Ardepi et FranceAgriMer. D'autres travaux sont conduits, notamment sur la lutte contre le taupin, « et l'expérimentation de plantes répulsives pour le maintenir en profondeur et éviter qu'il attaque les jeunes plants, a illustré André Bernard. L'intérêt de ces couverts pour stocker l'azote et garder l'eau est aussi évalué, de même que le suivi de précision des systèmes goutte-à-goutte, grâce à des objets connectés. »
Naissance d'une filière
Mais au-delà des avancées techniques, c'est surtout la contractualisation qui a permis à la filière de traverser les crises. En 1957, la Sonito garantissait aux agriculteurs des débouchés et un certain prix ; et aux industriels, un approvisionnement. Bien sûr, certains ont fustigé ces accords, trouvant les prix trop faibles. C'est l'époque de la « compote », c'est-à-dire des écarts de tri des maraîchers, qui partent pour les conserves. D'un sous-produit est née une véritable filière, avec des variétés dédiées. D'écarts de tris du maraîchage, les tomates d'industrie deviennent une rotation de plein champ pour les céréaliers. « Et une filière très réactive : entre 2008 et 2009, nous avons été en capacité d'augmenter la production de 70 % », a rappelé André Bernard. L'objectif étant d'atteindre 600 000 tonnes en quelques années.
Une production qui équilibre
« Nous n'avons pas attendu qu'on nous dise de faire de l'agroécologie, s'est indigné Jacques Rouchaussé, sous sa double casquette de président de Légumes de France et du CTIFL. Mais si on laisse les autres communiquer, ils le feront pour nous. Pourtant, nous n'avons pas à rougir de ce que nous faisons. Seul, on va plus vite, ensemble, on va plus loin. » Et c'est un peu la phrase qui résume la devise de la filière tomate d'industrie car, « quand on se parle, on se comprend ; et quand on se comprend, on peut faire avancer les choses, a souligné André Bernard. Le prix de la tomate n'est peut-être pas exceptionnel mais c'est une production essentielle pour l'équilibre économique de nombre d'exploitations. »
Origine France
La soirée s'est poursuivie par une table ronde, qui a notamment donné la parole à un industriel de la région, lequel mise sur un approvisionnement 100 % provençal (voir encadré). L'assurance du maintien de la filière tomate d'industrie se joue sur quelques euros en plus pour le producteur, « soit quelques centimes sur une bouteille de ketchup et je ne suis pas sûr que le frein vienne du consommateur ; mais quelques euros en plus pour le producteur, cela change tout », a analysé André Bernard. Voilà pourquoi l'Anifelt (interprofession des fruits et légumes transformés), qu'il préside, s'engage dans l'identification de ses produits par un logo d'origine française, à l'image de la filière des fruits et légumes frais. « C'est un atout indéniable pour notre plan stratégique. » Un atout que les professionnels espèrent voir se concrétiser à l'issue des Etats généraux de l'alimentation (lire pages 24 et 25), et suite à la charte signée avec les distributeurs.
Magali Sagnes
Témoignage / Des pizzas 100 % provençales
Invité de la table ronde, Philippe Leplomb est à la tête de l’entreprise Pizza de Manosque depuis dix ans. Son credo : jouer à fond la carte locale. Sa stratégie : sourcer les matières premières et faire le choix de la proximité. « Nous nous approvisionnons aujourd’hui à 100 % en Provence » et bien sûr la tomate ne fait pas exception à la règle. « Pour la tomate bio, nous avons un temps été obligé d’aller la chercher en Italie. » Aujourd’hui, sur les 700 tonnes de tomates nécessaires, 100 sont bio.Pizza de Manosque réalise 13 millions d’euros de chiffre d’affaires et son activité progresse de 20 % alors que le marché français de la pizza baisserait de 5 %. Il y a dix ans, « nous étions précurseurs, maintenant nous sommes dans l’air du temps. Ce qui nous pousse, c’est le terme Provence. Même en Australie, l’origine française et provençale est reconnue. » L’entreprise est allée jusqu’à déposer une demande d’identification obtenue pour une pizza label rouge.
M. S.